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    ÉCRİVAİNS           
						* 
						Metin ARDITI (écrivain suisse, homme d'affaires et 
						mécène passionné de musique): " Mettons les choses au 
						point : je suis juif. J'ai beau être laïque, non 
						pratiquant, non croyant, la moindre remarque antisémite 
						me blesse. Même si elle vient d'un
						 crétin. 
						J'aurais aimé pouvoir écrire : " D'ailleurs, ils le sont 
						tous, les antisémites. Des crétins. Du premier au 
						dernier... " Le problème, c'est qu'ils ne le sont pas. 
						(...) Dans le débat à propos de Céline, ceux qui ont 
						fini par avoir sa peau ont tout mélangé. Céline était un 
						auteur sulfureux ? Souvent ignoble ? Evidemment. 
						Fallait-il le boycotter ? Surtout pas ! Au contraire ! 
						C'était même la raison de s'y arrêter. D'explorer l'œuvre. 
						Le " Voyage ", mais aussi les textes nauséabonds.    
						Ce qui fait de Céline un auteur de première importance, 
						c'est son talent immense, mais aussi cette rage, 
						précisément. Cette incapacité à aimer. Un Céline plus 
						lisse nous ferait moins peur. Mais alors il serait plus 
						éloigné de nous. C'est le vrai Céline qui nous aide à 
						appréhender la vraie vie. C'est ce Céline qui nous 
						permet de saisir la condition humaine dans tout son 
						paradoxe. (...) Quel pourcentage de Céline je porte en 
						moi ? Trois pourcent ? Dix ? Vingt ? Trente-cinq ? Je 
						parle de sa haine. Pas de son talent. De sa haine de 
						l'autre. Celle qui rend si malheureux. " (Pour 
						Céline, Le Monde, 7 février 2011, le Petit Célinien).
            
      
						   
						 * 
						Hannah ARENDT (née Johanna ARENDT, philosophe 
						allemande naturalisée américaine 1906-1975): " André 
						Gide se dit publiquement ravi dans les pages de la NRF, 
						non qu'il voulut tuer les Juifs de France, mais parce 
						qu'il appréciait l'aveu brutal 
						d'un tel désir, ainsi que la contradiction fascinante 
						entre la brutalité de Céline et la politesse hypocrite 
						dont tous les milieux respectables entouraient la 
						question juive. Le désir de démasquer l'hypocrisie était 
						irrésistible parmi l'élite : on peut en juger en voyant 
						qu'un tel plaisir ne pouvait même pas être gâté par la 
						très réelle persécution des Juifs par Hitler, laquelle 
						était en plein essor au moment où Céline écrivait. 
						Pourtant, cette réaction était due à l'aversion pour le 
						philosémitisme des libéraux, bien plus qu'à la haine des 
						Juifs. " ( Le système totalitaire, Points-Seuil, 
						p.59.)    
						Il s'agirait selon Hannah ARENDT, pour Céline, de 
						faite tomber le masque à une société hypocrite à l'égard 
						des Juifs. Céline jouerait en quelque sorte le rôle du 
						bouffon. Avec cynisme, il dit : voilà ce que vous pensez 
						vraiment sans l'avouer avec votre absurde 
						philosémitisme. Je dis ce que vous n'osez pas dire, pour 
						vous mettre le nez dans votre bêtise, pour montrer 
						jusqu'où peut aller ce siècle dans le ridicule. Par ses 
						pamphlets grotesques, Céline décrirait ainsi ce qui à 
						ses yeux caractérise notre époque : le ridicule. ( 
						paris4philo.org ).
           
						
						     
						 * Paul AUSTER 
						(écrivain américain) : Ce n'est " pas une bonne idée " 
						de mettre à l'écart les écrits " épouvantables " de 
						Louis-Ferdinand Céline a déclaré vendredi l'écrivain 
						américain Paul AUSTER, après l'annonce de 
						Gallimard de suspendre la réédition des pamphlets 
						antisémites. Faut-il publier de nouveau Bagatelles 
						pour un massacre et d'autres pamphlets antisémites 
						comme l'envisageait Gallimard ? " Je ne sais pas, 
						peut-être, ils étaient partout, et je crois, oui, 
						finalement " a déclaré Paul AUSTER en français, 
						sur France Inter.  
						 " Parce c'est un 
						grand écrivain, un grand écrivain qui a fait des erreurs 
						de jugement, mais je crois qu'il faut comprendre tout 
						sur lui, et de supprimer ces écrits, ce n'est pas une 
						bonne idée, même si c'est choquant et dégoûtant ", a 
						ajouté l'écrivain, qui recevait le prix du livre 
						étranger France Inter/JDD. " C'est un écrivain que j'aime beaucoup, surtout ses romans bien sûr ", 
						a-t-il ajouté, qualifiant Bagatelles pour un massacre 
						et d'autres textes d' "épouvantables ".
 (Le Point.fr, 12 janvier 2018).
                
						 
						 * 
						Olivier BARDOLLE (critique, essayiste, dirige la 
						maison d'édition " L'éditeur "): " Vous qui admirez tel ou tel 
						auteur à succès,
						 gardez-vous 
						de l'approcher, vous pourriez en souffrir cruellement. 
						En général, en littérature, comme en tout autre domaine, 
						les stars sont infréquentables et vous décevront à coup 
						sûr.
                  		Qu'en 
						est-il de nos stars littéraires ? Houellebecq, notre 
						nouveau Goncourt, est-il de bonne compagnie pour 
						le quidam qui tenterait de l'approcher ? Ce sont les 
						œuvres qu'il 
						faut fréquenter, et non l'auteur. Celui-ci est supposé 
						avoir mis le meilleur de lui-même dans les textes, il 
						n'est donc pas surprenant qu'il apparaisse dans la vie 
						comme inférieur à l'idée que l'on se fait de lui.  
						  
                  C'est là la grande désillusion 
						pour le lecteur transi, derrière le créateur, il y a 
						l'homme et l'homme est comme tous les hommes, petit, 
						mesquin, et parfois même ignoble. Surtout lorsque l'on a 
						affaire à ce que l'on appelle un génie. Il suffit de 
						penser à Céline pour percevoir l'écart qui existe entre 
						le chef -d'œuvre et le bonhomme qui, très péniblement 
						lui a donné forme. Souvenez-vous du rêve d'Icare qui 
						voulait s'approcher du soleil et s'est brûlé les ailes. 
						Regardez-les de loin, à bonne distance, et 
						repaissez-vous tranquillement de leurs livres, soyez 
						vampires, l'essentiel est dans le texte. Rien que le 
						texte, toujours le texte, lui seul résiste au temps. 
						C'est d'ailleurs ce phénomène qui explique la gloire 
						posthume, les auteurs morts ne nous cassent plus les 
						pieds, on peut enfin les admirer tout à son aise. " (Tenez-vous 
						à l'écart des monstres sacrés, Service littéraire n° 36, 
						décembre 2010).
            
						 * Georges BATAILLE 
						(écrivain, 1897-1962) : " Le roman déjà célèbre de 
						Céline peut être considéré comme la description des 
						rapports qu'un homme entretient avec sa propre mort, en 
						quelque sorte présente dans chaque image de la misère 
						humaine qui apparaît au cours du récit. (...) il ne 
						diffère pas fondamentalement de la méditation monacale 
						devant un crâne. 
  La 
						grandeur du Voyage au bout de la nuit consiste en 
						ceci qu'il n'est fait aucun appel au sentiment de pitié 
						démente que la servilité chrétienne avait lié à la 
						conscience de la misère. "( In Philippe Muray, Denoël, Bibliothèque Médiations, n°245, 1984, p.38)
          
						  * 
						Albert BEGUIN (écrivain, critique et éditeur suisse, 
						1901-1957) : " Je tiens le 
						Voyage au bout de la Nuit pour l'un des quelques 
						livres indispensables de notre temps, parce que c'est un 
						livre vrai, comme il n'y en a pas beaucoup. À mon sens, 
						cela n'a rien à voir avec le procès Céline, dont je ne 
						sais pas grand-chose et qui ne sera pas tranché selon le 
						talent de l'accusé, je suppose. Il n'est pas inutile 
						d'ajouter qu'après le Voyage, Céline n'a plus 
						écrit une ligne valable. Tout le reste est divagation 
						d'un cerveau malade ou ignoble explosion de bassesse.
						   
						Tout antisémitisme est répugnant, mais celui de Céline, 
						gluant de bave rageuse est digne d'un chien servile. 
						Aussi être cet écrivain et finir par aboyer : telle est 
						la vraie tragédie de cet homme, à quoi sa condamnation 
						ou son acquittement ne changeront rien, ni les contre 
						jappements de ses ennemis, ni les lamentos de ses 
						laudateurs, apologistes et correspondants. "(Le Petit Célinien, 12 sept. 2014).
         * 
						Frédéric BEIGBEDER (écrivain, 
						critique littéraire, réalisateur et animateur de 
						télévision) : " Jusqu'en 2014, le roman de Sigmaringen 
						était celui de Louis-Ferdinand Céline, D'un château 
						l'autre (1957). Une autojustification ubuesque où le 
						docteur Destouches ridiculisait ce huis clos grotesque 
						de collabos en fuite, kidnappés et enfermés pendant huit 
						mois à partir de septembre 1944 par Hitler dans un 
						château allemand de 383 chambres. L'immense prosateur 
						musical tentait de dédramatiser Sigmaringen en décrivant une foire d'impuissants et de 
						mythomanes. Tourner en dérision " Sieg-maringen " (il en modifiait volontairement 
						l'orthographe pour y inclure le salut nazi) était le 
						moyen que Céline avait trouvé pour se disculper, en 
						faisant passer la clique de fascistes français pour des 
						branquignols écervelés. En cela il rejoignait la thèse 
						défendue par le général de Gaulle et François Mitterrand 
						: la France de Vichy n'était qu'une parenthèse minable ; 
						ce n'était pas la République mais une farce censée 
						protéger les Français contre l'occupant allemand. Le 16 
						juillet 1995, Jacques Chirac a mis fin à cette légende 
						en reconnaissant la responsabilité de la France dans les 
						massacres d'enfants juifs.
  Cinquante-sept 
						ans après Céline, que pouvait ajouter Pierre Assouline ? 
						La distance. Né en 1953 à Casablanca, il a passé sa vie 
						à tenter de comprendre cette période trouble de notre 
						Histoire, publiant des essais sur Combelle, Jardin et 
						Girardet. Dans Lutecia il avait déjà utilisé les 
						règles de la tragédie antique (unité de temps, de lieu 
						et d'action). Sigmaringen est moins lyrique que
						D'un château l'autre, mais plus documenté. C'est 
						le Club Med du pire, observé par un G.O. en col cassé. 
						Personne à sauver : Luchaire, Pétain, Déat, Darnand, 
						Laval, Bonnard, Rebatet, Céline, le panier de crabes 
						n'ira pas au Panthéon. La guerre est perdue, les Russes 
						sont derrière, les Américains devant, l'Allemagne sous 
						les bombes. La tuerie continuera jusqu'en avril 1945. 
						Sigmaringen est un lieu tellement romanesque qu'on est 
						surpris que si peu de romanciers s'y soient confrontés. 
						On se demande bien ce que Modiano aurait fait d'un 
						cloaque pareil : Château triste ? Pierre 
						Assouline y plaque une histoire d'amour entre un 
						majordome allemand et une intendante française. On lui 
						préfère l'hommage à L'Humeur vagabonde de Blondin 
						( " Un jour, nous avons recommencé à prendre des 
						trains qui partent "), et le choix de la décence 
						plutôt que de la démence. Vu de 2014, l'année 1944 paraît si surréaliste et cependant si proche... 
						Le " devoir de mémoire " est une expression idiote ; 
						disons que nous n'avons pas droit à l'amnésie.
 (D'un Sigmaringen l'autre, Le Figaro Magazine, Le feuilleton de 
						Frédéric Beigbeder, 28 février et 1er mars 2014).
          * Alain
de BENOIST (intellectuel, philosophe, principal représentant de la " Nouvelle
Droite "): " Céline n'a pas dit toute la vérité, mais il ne s'en est
guère éloigné. Dans L'école des cadavres, il avait écrit: " La
haine contre les allemands est une haine contre nature, c'est une
inversion, c'est notre poison mortel, on nous 
						l'injecte
tous les jours à doses de plus en plus tragiques ". Lui-même n'avait
cependant guère d'affinités avec les Allemands, lesquels le lui ont
bien rendu.    Sous le IIIème Reich, son 
						œuvre est restée largement
ignorée outre-Rhin. La seule appréciation " officielle " que l'on
connaisse sur l'ensemble de son œuvre est celle de Bernhard Payr, qui
lui est hostile. L'opinion favorable à Céline que l'on trouve chez Karl
Epting émane d'un milieu francophile très marginal. La même gêne pour
rapporter le contenu de ses livres à l'idéologie alors en vigueur en
Allemagne se constate d'ailleurs aussi bien chez Epting que chez Payr.
Les seules marques d'intérêt qui ont pu lui être témoignées en
Allemagne résultent uniquement de l'antisémitisme dont il a été
crédité, en partie sur la base d'une traduction " arrangée " de 
Bagatelles. Quant à l'interdiction prononcée contre ses romans,
elle ne saurait être contestée. " (Céline et l'Allemagne 1933-1945,
BC n°83, juillet 1989).
           * Alberto
BEVILACQUA (écrivain, réalisateur et scénariste italien): " Dans Il
Messagero (30 déc.1983) a paru un entretien de l'écrivain Alberto
BEVILACQUA avec Salvatore Taverna, sous le titre " Teneri cari
oggetti " A la question " Vous avez connu Céline. Quelle est
l'impression que vous gardez de votre rencontre avec l'écrivain ? " BEVILACQUA
répond ceci: " Je connus Céline par l'intermédiaire de la Piaf qui
avait, à sa façon, mis en musique la Chanson des Gardes Suisses par
laquelle s'ouvre  Voyage au bout de la nuit. Je conserve dans mes archives, sur bande magnétique, une longue interview
qu'il m'accorda et qui demeure inédite... (...) J'ai également un
journal relatant mes rencontres avec lui, à Parme. Un jour, je le
retrouverai. Pour l'instant, je vous livre un passage de cette
interview très exclusive:   " Quand on a découvert mon génie, on a cherché à me
blesser à mort, jusqu'à me faire devenir fou. Moi, persécuteur des
Juifs ? Mais, non. On voulait une image de moi parfaitement en accord
avec leur haine. Et moi, grâce à quelques pamphlets, je la leur ai
donnée. Vous êtes servis, messieurs. Que vous êtes monotones ! Dans
votre monotonie de merde, ma vengeance est là. Je vous ai trompés.
Voilà mon chef -d'œuvre que je n'ai pas écrit. La culture européenne
agonisait et moi, je l'ai poussée au moins à une réaction vitale: de la
haine contre moi. "   " La Piaf rapprochait Céline de Marcel Cerdan. Elle
disait: il y a encore autre chose sous ces poings... Paroles et poings
cachaient de profondes blessures mortelles ". Authentique tout ceci ?
Il reste à BEVILACQUA à dissiper les doutes... " (BC n°20,
avril 1984).
         * Anne BOLLORE (romancière, 
						diplômée Es-Lettres et Sciences-Po, fille de l'actrice 
						Renée Cosima et de Gwenn-Aël Bolloré, résistant, 
						industriel, océanographe, homme de lettres et éditeur) : 
						" 
						
						Les castagnettes de Lucette. 
						
						
						Vite monter l'escalier. Sur le palier du premier étage, 
						à côté de la salle d'exercices au sol, traversée en 
						diagonale d'une barre de gymnaste, une planche sur deux 
						tréteaux d'inégale hauteur. On s'y allonge pour avoir la 
						tête en bas ; très bon pour le dos et les pensées. Au 
						second étage, un
						 studio 
						plus grand. Le long des murs, des barres pour les 
						étirements. Les élèves les plus avancés montrent leur 
						zèle en y attachant cheville et genou avec une écharpe 
						de laine, pour s'assurer que la jambe reste bien droite. 
						les tendons souffrent, et l'odeur de horse liniment 
						flotte en permanence dans le vestiaire. Au centre de la pièce, nous essayons de suivre les 
						exercices des bras sur une musique orientale. Madame 
						Almanzor s’est levée de sa loge, une sorte de divan 
						surélevé, et elle montre les exercices en marquant le 
						rythme avec des castagnettes. Je mets un certain temps à 
						comprendre que lorsqu’elle martèle « Ann, Deux », elle 
						ne s’adresse pas à moi, mais compte la mesure. On finit 
						par des pas de bourrée – j’ai des difficultés de 
						coordination et je n’y arrive jamais – et des sauts. Il 
						faut une certaine qualité de muscle pour sauter, plus 
						d’oxygène qu’en moyenne, et, après, parait-il, c’est 
						très facile. Plus que de musique, Madame Almanzor est 
						passionnée par le corps.
 
 Est-ce parce qu’elle est l’épouse d’un médecin ? Dans 
						la salle du premier, elle a accroché des planches 
						anatomiques. On voit les muscles que l’on va faire 
						travailler.  A la fin du cours, elle demande qui veut 
						être piétinée. On s’allonge sur le ventre, et elle 
						appuie ses pieds sur votre dos jusqu’à ce que les 
						vertèbres craquent. On sent que ses pieds sont en forme 
						de losange. Cela arrive à toutes les danseuses, 
						parait-il. Pour nous éviter cette déformation, elle nous 
						interdit de chausser des pointes. Elle n’est pas très 
						regardante sur les vêtements que nous mettons pour le 
						cours. "
 (Anne Bolloré, Auteurs à Causeur, 13 novembre 2019).
        
						    * Isabelle BUNISSET (journaliste, critique littéraire 						à Sud -Ouest et chroniqueur viticole pour 						Figaro Magazine) : " Villa Maïtou, 25 ter, route 						des Gardes, Meudon, 30 juin 1961, 16 heures : Il me faut 						encore repousser ses avances ".C'est la première phrase du premier roman de la journaliste Isabelle 						BUNISSET, Vers la mort, qui paraît le 13 						janvier 2016 aux Editions Flammarion. Sous des airs de 						biographie romancée, ce livre situe son histoire le 30 						juin 1961, dans la mansarde de Meudon de Louis-Ferdinand 						Céline sur le point de mourir.
   						Mettant un point final à Rigodon, son roman 						testament, il évoque son parcours littéraire, ses 						déconvenues et sa déchéance.(Livres Hebdo, 27 décembre 2015)
   
   
						 * William S. BURROUGHS 
						(romancier et artiste américain, 1914-1997) Associé à la
						Beat Generation et à ses amis Jack Kerouac et 
						Allen Ginsberg, connu pour ses
						 romans 
						hallucinés mêlant drogue, homosexualité et 
						anticipation). Fasciné par les deux premiers romans de 
						Céline, BURROUGHS publie son deuxième livre dans 
						une prose " épileptique " Naked Lunch (Le Festin 
						nu) en 1959. Mais avant il a voulu voir " la bête ". Au printemps 1958, il s'est installé avec Ginsberg et Corso à l'hôtel de 
						Mme Rachou, 9 rue Gît-le-Cœur en plein Quartier latin. 
						Michel Mohrt, qui était lecteur chez Gallimard pour la 
						littérature américaine, servit d'entremetteur. Il était 
						un des rares Français à s'intéresser à la Beat 
						Generation et voulait les interviewer pour le 
						Figaro littéraire.
  Ce 
						8 juillet 1958 seul BURROUGHS et Ginsberg se 
						présentèrent devant la célèbre grille du 25 ter route 
						des Gardes. La conversation dura deux heures. 
						BURROUGHS lui offrit Junky et Ginsberg 
						Howl plus un exemplaire de Gasoline pour 
						Corso. (François Lecomte, Meudon 8 juillet 1958, Présent littéraire, samedi 25 
						juillet 2020).
           
						
						 * Elias CANETTI (écrivain d'expression allemande 
						devenu citoyen britannique en 1952, prix Nobel de 
						littérature en 1981, 1905-1994) : " Tout ce qui arrive 
						prend pour lui des proportions énormes. Comme tout 
						paranoïaque, il reste très imprécis dans ses récits et 
						donne l'impression qu'autour de lui grouille 
						dangereusement une vie abjecte. [...] C'est un fâcheux 
						faussaire, ne serait-ce qu'à cause de la quantité et de 
						l'énormité des scènes dont il se souvient.   
						Mais on rencontre chez lui des récits comiques d'une 
						grande vigueur et qui font penser à Rabelais. [...] 
						C'est un narrateur de la plus vieille trempe, et il vous 
						donnerait presque l'envie d'écrire. [...] Il s'est 
						presque toujours senti mal dans sa peau, et cela nous 
						réconcilie un peu avec son fiel monstrueux et sans 
						choix. "(Le Territoire de l'homme, Albin Michel, 1978).
              * 
						Jean CASSOU (écrivain, résistant, 1897-1986) : " Le 
						12 décembre 1932, Jean CASSOU, qui n'était pas 
						encore militant communiste, écrivait un article de seize 
						pages sur Voyage au bout de la nuit, 
						dithyrambique, l'un des plus pertinent : " La chance n'a 
						pas encore été chassée de l'univers. [...] Il arrive 
						encore des miracles. [...] Céline est un dramaturge de première ordre et qui excelle dans 
						le monologue. [...] Il a crée une langue parlée [...] 
						non comme celle de Ramuz... [...] Pas d'entracte : un 
						bourdonnement sans fin dans l'oreille du lecteur, [...] 
						la rumeur même de la vie, terrible comme le bruit de 
						l'océan. [...] Céline a le sens de l'infini. [...] 
						L'ardeur déployée par les hommes pour s'exploiter 
						mutuellement, [...] c'est cela que chante le poème de 
						Céline avec un entrain qu'on ne trouve que dans les 
						meilleures épopées, dans les plus vénérables trésors des 
						littératures. Une bonne humeur, un lyrisme, un sens de 
						l'absurde, une nouveauté, une ingénuité admirable. Comme 
						Panurge déjà cité, comme le subtil Ulysse, comme Charlie 
						Chaplin, le héros de Céline cherche à s'échapper aux 
						engranges de cette formidable machine. " (Année 
						Céline 2003).  Sur 
						le point d'être imprimé, pour on ne sait quelle revue, 
						l'article ne fut pas publié, on ne sait pourquoi. 
						Jean CASSOU, d'origine espagnole, après une jeunesse 
						vagabonde, devient secrétaire de Pierre Louÿs en 1919, 
						puis rédacteur au ministère de l'Instruction publique et 
						inspecteur des Monuments historiques. Publie son premier 
						roman en 1925. Il présidera en 1934 le premier meeting 
						des intellectuels antifascistes ; en 1936, prendra la 
						direction de la revue d'extrême gauche Europe et 
						deviendra chargé des Beaux-Arts au ministère de 
						l'Education nationale (cabinet de Jean Zay). Arrêté par 
						Vichy en 1941, résistant dans le Tarn en 1943, il sera 
						membre du C.N.E. en 1944. Wladimir Jankélévitch était 
						son beau-frère.En mars 1946, dans une lettre à Lucette, Céline le comptera dans le " 
						petit cercle d'écrivains communistes super-haineux " 
						avec Aragon. "
 (Spécial Céline, n°12, 2014, p.14).
          
      					    
      
						  
                  
      			 
						
						* François CAVANNA (écrivain, dessinateur humoristique, journaliste) : " 
						Dans un petit inventaire sommaire et non limitatif des 
						bienfaits auxquels nous pouvons dès aujourd'hui nous 
						attendre en cas de prise de pouvoir par le Front 
						national, à l'entrée Littérature " : " La France a 
						produit deux écrivains sublimes : Louis-Ferdinand Céline 
						 
      
						
       et Philippe Bouvard. Tout le reste peut être brûlé. " (La Vie en rose, Charlie-Hebdo, 29 novembre 1995).
 
						 * 
						
						Cependant son écriture progressait dans la sublimité. Il 
						récoltait les fruits de son labeur jusqu'au moment où il 
						dut joindre son baluchon au tas de bagages frappés de la
						
						
						hache à deux têtes. Passé l'orage, on le jugea, on le 
						condamna, on interdit la vente de ses livres. Que 
						voulez-vous, il avait parié sur le mauvais cheval, 
						fallait payer, normal.A-t-on le droit de punir le génie ? Qu'importe le sujet, 
						l'écriture est divine. Cela seul compte. Dans le cas 
						Céline, qu'en était-il du sujet ? Oh, fort simple et 
						bien délimité : les Juifs. Il ne l'avait d'ailleurs pas 
						inventé.
 Mais que vois-je ? Le sujet a été traité la semaine 
						passée par Charb, et avec cruelle efficace concision : « 
						Faut toujours se réjouir qu'un vieux collabo soit crevé. 
						» Qu'ajouter à cela? Rien.
 Bien le bonsoir, M'sieurs-dames.
 CAVANNA
 (Charlie-Hebdo, 2/2/2011).
             * 
						Jean CLAIR (conservateur général du patrimoine, 
						écrivain, essayiste, historien de l'art français, 
						académicien depuis mai 2008) : " Relisant Les Beaux 
						Quartiers, j'ai mieux compris pourquoi Aragon, que 
						j'avais tant aimé, a fini par m'être aussi peu 
						supportable. Le ton suffisant, la faconde, le don des 
						pirouettes verbales, toutes ces élégances trop 
						françaises. Mais, surtout cette façon à lui de 
						revendiquer, comme un privilège, d'être le seul gardien 
						de la classe ouvrière. On songe à Garance, répondant à Montray, qui lui demande qu'on l'aime : " Etre aimé, mon 
						ami ? Mais alors, les pauvres, qu'est-ce qui leur 
						restera aux pauvres ? " de ce grand bourgeois à la 
						parole aisée, à l'assurance naturelle, à la certitude 
						affichée, au jugement si prompt, on finit par redouter, 
						si quelqu'un venait à le contredire, le ton soudain qui 
						deviendrait cassant.  
						
            			 [...] 
						Céline, à l'autre bord, du fond de ses banlieues 
						déglinguées, confessait sa misère et hurlait sa peine. 
						Peine de classe inexpiable, insondable, en laquelle je 
						me retrouvais mieux. Sans doute savait-il lui ce dont il 
						parlait. Qui d'autre que lui avait su parler de " la 
						haine qui vient du fond, qui vient de la jeunesse, cette 
						pitié pudique, bravasse et juronnante du toubib de 
						quartier, qui remplaçait la superbe bavarde du 
						soi-disant " Paysan de Paris ". La vie des champs, ici, 
						c'était les banlieues, la zone, tout ce qui restait des 
						fortifs, là où Rousseau allait herboriser, du côté des 
						Lilas et de Romainville. Chez Céline aussi, pourtant, je soupçonnais la complaisance. Courbevoie, 
						Clichy-la-Garenne et Bezons, les grosses chaussures qui 
						blessent les pieds, les humiliations quotidiennes, la 
						violence, les mots orduriers et les terrains vagues, les 
						dispensaires où poireautaient des pauvres, plus pauvres 
						encore de ne pas savoir dire ce qui les afflige, je 
						savais ça par cœur.
    
						Mais Céline savait trop, disait trop, criait trop fort. 
						Ce n'était pas non plus la façon de parler de la misère 
						que j'avais connue, et qui resterait sobre. Et puis, 
						cette manie d'aller chercher un bouc émissaire, et de 
						vitupérer comme un dément...La vérité, c'est que de la misère, on ne peut rien dire. Elle laisse sans 
						voix. Il faut passer outre, se taire, faire comme si ça 
						n'avait pas eu lieu. On revient de la misère comme on 
						revient de la guerre, absent, mutique : ceux qui sont 
						allés au front ou dans les camps ne parlent pas. Ou bien 
						longtemps après, quand la douleur s'est dissipée, 
						laisse-t-elle enfin passer, non ce qu'elle a été, mais 
						le souvenir confus de ce qu'elle fut. C'est le moment où 
						l'on ne se souvient même plus que l'on ne se souvient 
						plus. Je n'ai jamais été tout à fait rassuré. "
 (Jean Clair, Journal atrabilaire, Gallimard, 2006, in Petit Célinien, 
						13 nov. 2013).
 
          
						 * 
						Michel CREPU (écrivain, critique littéraire, 
						journaliste): " Au sujet des maudits pamphlets, il est, 
						hélas, inexact de dire qu'ils sont moins bons que le 
						reste : le génie langagier de Céline y éclate partout, 
						ce serait trop beau d'avoir un Céline antisémite mauvais 
						écrivain, et un Céline " correct " version populo, 
						écrivain génial. Si Céline est le plus grand du XXe 
						siècle avec Proust, ce n'est pas malgré son délire antisémite, 
						d'une nature toute différente que celui d'un Brasillach 
						ou d'un Drieu, des " militants " comparés à l'auteur de
						Rigodon, tout à fait d'un autre registre, mais 
						parce que l'extrême charge de lucidité dont son texte 
						est porteur n'est pas détachable de son point aveugle. 
						Céline n'est pas tantôt abject, tantôt sublime. Il est 
						les deux d'un même mouvement. 
            			  
						On a en même temps la lucidité implacable sur la vérité 
						nihiliste de notre temps et son aveuglement sur cette 
						même vérité nihiliste. Choisir l'un contre l'autre pour 
						des raisons de prudence idéologique, c'est perdre les 
						deux. C'est, à la lettre, ne rien comprendre à rien.
						A cet égard, la volte-face ministérielle, toute 
						préoccupée qu'elle soit d'éviter la polémique, ne fait 
						qu'en alimenter une autre, bien plus forte et décisive. 
						Certes, il est plus facile d'applaudir aux indignations 
						de M. Hessel qui, coiffé de son bonnet phrygien, 
						caracole de télévision en télévision, sa détestation 
						d'Israël sous le bras. Or lire Céline, le lire vraiment 
						à fond, c'est entrer dans l'intelligence de la boîte 
						noire d'un siècle dont nous sommes les héritiers 
						aveugles. Voilà qui pourrait être l'objet d'une 
						commémoration et non d'une absurde " célébration 
						nationale ". Se refuser à ce travail, car c'est un vrai 
						travail, c'est choisir que l'aveuglement continue. " 
						(Céline, 
						boîte noire du XXe siècle, Tribune publiée dans 
						Libération le 27 janvier 2011, Revue des Deux Mondes, 
						juin 2011).
          * Robert de SAINT-JEAN 
						(écrivain et journaliste, compagnon de l'écrivain 
						américain d'expression française Julien Green, 
						1901-1987) : " 22 février 1933. Hier, après dîner, vu 
						Céline chez Daniel Halévy. Bâti comme un « compagnon », 
						lourdes pattes, la tête très grosse comme Bardamu, avec 
						un front volumineux et des cheveux en désordre,  des 
						yeux clairs, très bleus, petits et pleins de méditation, 
						des yeux « sérieux » d'homme qui a couru beaucoup de 
						dangers, pris des responsabilités, etc., des yeux de 
						marin (il est breton) ou de psychiatre (il est docteur). 
						Simplicité apparente. Complet marron, sportif. Il sait 
						l'anglais, dit-il, admire l'Angleterre, Shakespeare bien 
						entendu... Dans un coin, Madeleine, qui a entendu qu'on parlait « 
						d'une Renaissance », soupire :
 - Depuis des mois je suis hantée par cette idée de 
						Renaissance !
 
 
						  Lucien Daudet est là 
						aussi, muet devant « l'ouvrier des lettres » qui est 
						devenu l'homme du jour. Céline voit beaucoup de 
						communistes à Clichy, nous dit-il, et il constate que 
						les membres du parti, en général, ne comprennent rien 
						aux théories marxistes même si on les leur traduit par 
						un : « La maison du riche est à toi, prends-la. » 
						Ils ne se laissent mener que par leurs passions. A la 
						mairie, livres de Marx jamais lus ; La Garçonne 
						usée et noircie, au contraire. Des files de quémandeurs. 
						Besoin du peuple français de demander des faveurs, des 
						miettes, des privilèges, même à un député communiste. 
						Byzantinisme des décrets de Moscou. Au fond l'U.R.S.S. 
						reste lointaine, n'est ni aimée ni comprise. Céline 
						croit que la révolution russe n'est pas pour l'usage 
						externe et que, sans cela, plusieurs pays d'Europe 
						centrale, où sévissent chômage et misère, seraient déjà 
						passés au communisme. (Robert de Saint-Jean (1901-1987) Journal d'un 
						journaliste, Grasset, 1974, in Le Petit Célinien, 3 oct. 
						2014).
 
						  
						  
						  
						
						 
						  
						  
						* Virginie DESPENTES,
						Virginie Daget dite Virginie Despentes est une 
						écrivaine et réalisatrice française. Dans son dernier 
						roman, Cher connard, Virginie Despentes se livre, 
						via l'un de ses personnages à une attaque en règle de 
						Céline mais aussi des céliniens : " Je n'aime pas 
						Céline. Sa prose est beauf, poussive, cabotine, 
						épate-bourgeois, au possible. " (Editions Grasset, 2022).
              * Philippe d'HUGUES (critique de
cinéma)  Avec D'un château l'autre il réussissait enfin, en 1957,  l'opération tant attendue. Le
sujet se prêtait à un lancement à grand fracas: Sigmaringen, le Maréchal et ses ministres en
détention forcée, les réfugiés de la collaboration et parmi eux, Céline, Lili, sa femme, son ami Le
Vigan, sans oublier le chat Bébert. Ce fut l'apothéose attendue avec tout le tintamarre prévisible. Polémiques,
critiques acerbes ou enthousiastes, entretiens
télévisés à Lectures pour tous, avec Louis Pauwels, avec d'autres encore, rien n'y manqua.  
						  Chaque fois
Céline en rajoutait dans la dérision et le sarcasme, pour la plus
grande joie des badauds qui applaudissaient. Céline avait retrouvé la
place, prépondérante et scandaleuse à la fois, qu'il occupait à la
veille de la guerre. Il la conserverait jusqu'à sa mort et sa
réputation post mortem ne ferait que la confirmer et
l'amplifier jusqu'à en faire l'autre grand du XXe siècle avec Proust." (Chronique
buissonnière des années 50, Ed. de Fallois, 2008).
                 * Pierre DUCROZET (écrivain français 
						qui après avoir passé sept ans à Barcelone vit entre 
						Berlin et Paris) : " En réalité, vous aviez raison, ce 
						visage ne me dit rien que ne dise sa plume. Je crois 
						parler de son nez, j'évoque sa virgule. Cela étant dit, 
						une interrogation demeure. A nouveau, comme souvent à 
						propos de Céline, on se demande, et on a raison parfois 
						de se demander : comment un tel homme, bilieux, 
						ratiocineur, petit et si terriblement français, 
						comment un tel homme a-t-il pu, depuis sa bicoque 
						sordide de Meudon, révolutionner l'ensemble de la 
						littérature, la pousser jusque dans ses ultimes 
						retranchements ?... Magie de l'art. Mystère et bouche 
						cousue. Pourtant, ce qui devrait passer pour un paradoxe 
						n'en est pas un. Céline lui-même l'explique dans ses 
						Entretiens avec le Professeur Y : seul le " rendu 
						émotif " compte, le style et ce qui coule là-derrière. 
						Dès lors, on le sait, le plus infâme salaud peut devenir 
						un diable d'écrivain, s'il voit, s'il sent, et s'il sait 
						traduire ses émotions en mots neufs, tranchants, 
						vibrants dans l'air. Or de l'émotion, il en avait à 
						revendre, le père Ferdinand, des pelletées, des wagons 
						entiers, biseautés à merveille, lancés à toute vibure 
						sur des rails crées de toutes pièces, entièrement neufs, 
						comme il tente de l'expliquer à l'incontinent Professeur 
						Y. Il faut lire cet exceptionnel ouvrage dans lequel Céline fait 
						preuve, en plus d'un immense humour, d'un discernement 
						remarquable quant à son œuvre, son génie, son invention 
						- petite, toute petite, trois fois rien, " l'émotion du 
						parlé dans l'écrit ", mais d'une ampleur insensée dont 
						il a lui-même saisi toute la portée.
     Et comment saisir cette émotion si 
						fugace ? Grâce au style, bien sûr - ah bon, et quel 
						style ?... Ah ! ah ! Monsieur est intéressé... Et bien 
						celui qu'on lui connaît, seulement à l'état d'ébauche 
						dans Voyage au bout de la nuit et qui va prendre 
						sa véritable dimension dans les romans suivants : cette 
						musique si particulière, syncopée, comme rythmée par un 
						canon, cette symphonie écumeuse, éructante, lyrique à 
						souhait, portée par un fabuleux éclat de rire et un cœur 
						prêt à se rompre... L'émotion dont parle Céline, c'est la fièvre. L'art, ce n'est pas autre 
						chose, une fièvre tenace, la musique du sang. Céline est 
						un ultra-sensible, et comme tous les sensibles, il 
						souffre, il voit double, il déforme le réel pour pouvoir 
						le supporter. Il a les nerfs à vif, sa plume tressaute, 
						mais son génie - le revoilà celui-là - est de ne pas 
						faire dérailler ce " métro émotif ", de garder la 
						mesure, de faire danser le feu dans sa paume en 
						l'attisant, jusqu'à l'embouchure, jusqu'au silence. "
 (Spécial Céline n°15, Pierre Ducrozet, Le métro émotif, Relecture, 
						hiver 2014).
                 
						* René-Louis
DOYON (libraire, conseiller littéraire chez Denoël, 1885-1966): "
Mais il devait me montrer  qu'il n'était pas indifférent à mes intentions et qu'il
appréciait ma critique en m'adressant la lettre étonnante qu'on va lire
et dans quoi il se trouve tout entier avec son exaltation et sa vive
sensibilité.   - 
						"  Meudon, le 25 juin 1960, 
						/ Mon cher DOYON,
/ Avec votre lettre si admirablement probante je vais parfaire mon
dossier pour candidature aux deux Nobel à la fois, la Paix et le Roman.
/ A moi enfin j'aurai la vieillesse enviée, respectée, réparatrice de
tant d'années miteuses, tragiques...  Grâce à vous tout va
s'arranger... encore peut-être un peu de piston ? établir quelques
" listes ". / Votre ami, touché. / Céline. "  
                  
      			
                   
						
            			    J'avoue avoir été touché et surpris par
ces mots.(...) Je regrette de n'avoir pas une dernière fois salué le
héros de 1914, le voyageur si riche de souvenirs, l'observateur
attentif, le cœur pitoyable aux souffrances humaines, le grand
Louis-Ferdinand Céline, mais je ne manquerai jamais de lui rendre
hommage. " (Les Livrets du Mandarin, oct.1963, dans le BC n°100,
janvier 1991).
           
						 * 
			Claude DUNETON (écrivain, romancier, chroniqueur au Figaro 
			Littéraire, 1935-2012) : " Céline est parti, in extremis, 
						parce que les communistes étaient sur le point de lui 
						faire la peau - et sans procès encore ! [...] Fusillé 
						comptant... On aurait su plus tard, tant pis. Voilà la 
						tare, la faute inexpiable : Céline était anticommuniste 
						militant, et pire, antistalinien farouche, exactement, 
						il l'avait crié à tous les échos, Mea culpa, 
						Bagatelles, Les Beaux Draps... 
 Nous avons oublié - tout le monde a oublié, tellement c'est étrange et 
						incroyable de nos jours, la ferveur qu'éprouvait le 
						monde communiste pour Joseph Staline en 1944-1950. "
 (Claude Duneton, préface de Céline au Danemark, David Alliot et 
						François Marchetti, Ed. du Rocher, 2008).
            
						      * Jean
DUTOURD (romancier, académicien): " Je crois que Céline sera aussi
démodé dans trente ans qu'est démodé aujourd'hui le style artiste des
frères Goncourt. " (Paris-Match, 22 avril 1993).
             
						* Alexandre 
						DUVAL-STALLA (avocat, écrivain, maître de 
						conférences en histoire et philosophie politique): " 
						L'affaire est entendue. Céline est un grand écrivain, 
						mais c'est un sale type emmuré dans son antisémitisme. 
						Abattons l'homme pour mieux abattre ses livres. 
						Aseptisons cette éructation obscène et dérangeante 
						contre les mensonges d'un monde qui nous ont 
						 pourtant 
						conduits aux massacres. Que triomphent les principes 
						moraux de Kant sur les réalités politiques de Machiavel. 
						Place au monde merveilleux des romans à l'eau de rose. 
						Autorisons-nous néanmoins quelques réactionnaires 
						convenables érigés en intellectuels. Comme le frisson du 
						bourgeois qui s'encanaille. Mais pas Céline. Trop 
						monstrueux. Trop juste. Trop cruellement vrai. Et de 
						faire de Céline le bouc émissaire des atrocités d'un 
						siècle dont il a dénoncé le chaos.  
						  Ce qui dérange chez Céline ? La 
						révélation du mal, de l'odieux, de l'atroce qui déchire 
						le voile d'innocence d'une humanité qui se cache 
						derrière elle-même pour éviter de s'avouer telle qu'elle 
						est. Certes, il y eut des héros. Ils l'ont été, 
						peut-être et sûrement, parce qu'ils n'étaient pas dupes. 
						Entre les hypocrisies morales des uns et les mensonges 
						obscènes des autres, ils ont choisi l'action. (...) 
						Certains livres nous apprennent à devenir des héros. 
						Le Voyage sûrement. Car Céline, plein de ses démons, 
						nous fait plus réfléchir et agir que la bonne conscience 
						morale , les bons sentiments et les romans qui finissent 
						bien. Bref, de la littérature avec du bruit, du sang, 
						des larmes, du caractère. Et non des états d'âme 
						transformés en best-sellers. Lire Céline, c'est se 
						confronter à soi-même sans mensonge. Là est son génie. " 
						(Voyage au bout du génie, Transfuge n° 49, mai 2011).
                 
						 *
						Öyvind FAHLSTRÖM 
						(peintre, écrivain et poète suédois 1928-1976. Céline 
						lui accorda un entretien un an avant sa mort):  " 
						Meudon est une sorte de Hagalund français. Meudon 
						descend vers les bras de la Seine et sur un énorme 
						complexe industriel. Les maisons de l'endroit sont de 
						style Louis XIV, ce sont de grands pavillons en pierre 
						de taille avec des toits à la  Mansart. " (...) c'est le troisième pavillon... celui 
						d'où vient le vacarme... ma femme - Lucette Almanzor... 
						vous êtes de... - ma femme enseigne la danse... ", 
						avait dit Céline au téléphone, c'était exactement ce 
						qu'il avait dit, un bruit sourd, lourd et monotone de 
						pieds et de tambourins me conduisit à l'écrivain.    
						Céline, massif, large et voûté, le volume du personnage 
						est amplifié par une veste de laine doublée, un gilet, 
						un châle, de grosses chaussettes et des pantoufles en 
						peau. Le salon aux meubles recouverts de tissus à fleurs 
						est encombré de vieilles couvertures, d'édredons, de 
						robes de chambre. Il fait froid et ça sent le chat dans 
						l'air confiné de la chambre sans aération. Céline se 
						déplace lourdement et avec difficultés. Un vieil aigle 
						empaillé usé, un lion mité - oui, mais pas un objet de 
						musée, un lion estampillé et pas endommagé par un séjour 
						en cage. Ses yeux sont creusés, le regard est sombre et 
						perçant ; le front est haut, le menton lourd, les dents 
						serrées. Sa voix est douce, c'est inattendu, mélodieuse 
						même.   Une politesse toute accomplie et qui ne cherche pas à 
						cacher un certain dédain et la méfiance. Céline se lance 
						immédiatement sur ma nationalité : " Vous qui êtes 
						suédois... racontez à vos compatriotes que Marianne von 
						Rosen... a suivi pendant trois ans les cours de ... bien 
						sûr vous ne connaissez pas son nom... Marianne von Rosen 
						est devenue célèbre dans le monde entier mais elle n'a 
						jamais reconnu cela : que c'est à ma femme qu'elle doit 
						ce qu'elle est devenue. " (Expressen, Mort de 
						Céline - un Ezra Pound français : génie et démence, 5 
						juillet 1961).
            
						         * 
						Dan FANTE (de son vrai nom Daniel Smart Fante, 
						écrivain américain, fils de l'écrivain américain John 
						Fante, romancier, poète et dramaturge, un des 
						représentants de l'underground littéraire aux USA, 
						1944-2015) : " Les écrivains comme Céline, qui parlent 
						de cœur à cœur, 
						sont ceux que j'admire. Le style de Céline est empreint 
						d'humanité. Il a eu une grande influence sur Bukowski. "(Le Monde des livres, 5 février 2014).
                    
						 
						*
      					 
						
						
						Alain FINKIELKRAUT
      					(écrivain, philosophe): "
Répondant à la question - " La position politique de 
						
						 
						Heidegger discrédite-t-elle 
						
                  
      					
      					
						 son 
						œuvre ? (le Figaro, 29 oct.1990) " - Alain FINKIELKRAUT
se lamente parce qu'à une question
semblable concernant Céline, les intellectuels répondent différemment.
Et de conclure: " Pourquoi faire ainsi
deux poids, deux mesures, sinon pour perpétuer à l'ombre de la Shoah la
vieille et imbécile
querelle du style français contre la lourdeur allemande ? " Il fallait
y penser et sachons gré à ce grand philosophe d'y avoir songé pour
nous. " ( B.C. n° 99, décembre 1990).
  *
                  
						Il nous faut assumer 
						l'héritage contradictoire de Céline. Jamais un lycée de 
						France ne doit porter le nom de Céline, mais je ne suis 
						pas sûr qu'un tel écrivain ne doive pas faire l'objet de 
						commémoration. Je suis surtout très inquiet des 
						conséquences de cette décision, car cela va accréditer 
						l'idée que le " lobby juif " fait la pluie et le beau 
						temps en France. " (Autres réactions, BC n° 327, février 
						2011).
                
					*  Bernard FRANK 
					(écrivain et journaliste, 1929-2006): " J'aimerais bien 
					écrire un livre sur Vichy avant de mourir. Je ne m'explique 
					pas l'intérêt 
					des Français pour cette période depuis six ou sept ans. Je 
					ne comprends pas qu'on ait réclamé des comptes à François 
					Mitterrand. Pourquoi a-t-on pris un air si épouvanté pour 
					évoquer tout ça ? Comme si le fait de punir ou de condamner 
					allait effacer quoi que ce soit ! 
                   
                  
                              		
                  		 
					
					     Pour ceux qui ont 
					vécu cette période, toutes ces histoires ne sont pas 
					surprenantes. Les mensonges actuels sont assez effrayants 
					pour les derniers témoins. Mon livre s'appellera Mort à 
					Vichy, clin d'œil à Mort à 
					crédit. Mais je ne crois pas pour autant que Céline 
					ait le mieux raconté cette époque. Trop engagé. Et puis il 
					était plus près de Paris que de Vichy. " (Lire, 
					été 1996).
 * " Ce qui fait 
						que Céline 
						va sembler plus sympathique que Genet sera mieux 
						accueilli dans nos commentaires de rentrée, ce n'est pas 
						d'être éventuellement considéré comme un plus grand 
						écrivain - il l'est mais ce n'est pas ça qui le rendrait 
						plus " sympathique ", ou ce serait bien la première fois 
						-, c'est que nous avons l'impression, à lire sa 
						correspondance des quinze dernières années, que Céline a 
						payé par deux fois ses dettes. Et nous aimons ça.  La première 
						fois, en Allemagne sous les bombes et dans sa prison 
						danoise, mais ça n'aurait rien été, d'autres ont été 
						fusillés pour moins que Céline, mais la deuxième fois, 
						il a su toucher notre sensibilité, nous attendrir. Quand 
						il est rentré en France dans son pavillon de banlieue à 
						Meudon et qu'il va trimer tous les jours sur son papier 
						pour mille francs par mois comme je vous l'ai dit et 
						jusqu'au bout. Le travail, c'est le vrai tribunal, la 
						prison de la bête. Genet par comparaison a l'air d'un 
						Pied-Nickelé, d'un Croquignol qui se prélasse sur la 
						Riviera. C'est la " gauche caviar " de la littérature (à 
						suivre).(Bernard Frank, Le Nouvel Observateur, 19 septembre 1991, in BC n° 113, 
						février 1992, p. 9).
 
 
             
						*
						Marc FUMAROLI (historien, essayiste et 
						académicien, 1932-2020) : " Pour moi, il y a un Céline d'avant et 
						un Céline d'après. Après, je veux dire après le 
						cataclysme qui a fait dupicaro imprécateur du " 
						Voyage " le proscrit et le témoin de " Rigodon 
						". Avant, c'est le prophétique " Voyage ", suivi 
						d'un " Mort à crédit " déjà menacé de maniérisme, 
						et de pamphlets frappés de 
						logorrhée. Après, c'est la fantastique trilogie des 
						années 1950-1965, " D'un château l'autre ", " Nord ", 
						" Rigodon ". Ce triptyque hausse Céline, quoique 
						simple sous-fifre dans le camp des bourreaux vaincus et 
						condamné au plus indéfendable des points de vue, dans le 
						peloton de tête des plus grands témoins littéraires du 
						désastre, un Chateaubriand dans l'éternité, et un Robert 
						Antelme, un Primo Levi, un Victor Klemperer, un Vassili 
						Grossman de son propre temps et dans l'autre camp.    Le 
						témoin volubile qui parle dans le triptyque célinien 
						n'est ni centurion ni Judas, mais un Pierrot 
						extralucide, Ferdine, en voyage à l'épicentre du séisme 
						historique avec sa Colombine, Lili ; son chat Bébert et 
						leur comparse La Vigue. La petite troupe égarée suit, 
						dans un ancien château forestier des Hohenzollern, le 
						vainqueur de Verdun assigné à résidence par ses 
						ex-vaincus. Elle fuit l'avance alliée dans Baden-Baden 
						et Berlin bombardées, puis à Zornhof, un manoir féodal 
						du Brandebourg. Chassée de nouveau par l'avance russe, 
						elle emprunte alors d'invraisemblables derniers trains 
						en partance pour le Danemark, le but de cet étrange 
						tourisme aux Enfers. "(Céline en Sganarelle, Le 
						Point n° 2017, 12 mai 2011).
                 
            
						
						      * Matthieu 
						GALEY (critique littéraire et théâtral, écrivain, 
						1934-1986) : " On peut faire semblant de l'ignorer, mais 
						on ne peut pas l'oublier, ce Céline. Après lui, toute 
						œuvre " traditionnelle " vous a un petit air d'Ancien 
						Régime qui ne pardonne pas. [...] L'artiste travaille 
						sans filet. Céline est un joueur qui remet sur la table, 
						à chaque fois, tous ses gains : quitte ou double.    [...] Fini 
						Voyage au bout de la nuit. Je suinte de tristesse, 
						l'humanité entière me dégoûte et moi-même avec, mais 
						quel bouquin !Ce qui m'étonne le plus, cachées parmi les points de suspension, c'est d'y 
						trouver soudain des envolées à la Chateaubriand, 
						pleines, compactes, comme des gemmes dans une gangue 
						d'argot. "
 (Journal intégral 1953-1986, Robert Laffont, 2017).
                    * 
						Xavier GRALL (poète, écrivain, journaliste breton, 
						1930-1981) : " A Trévignon, devant les barques qui se 
						dandinent et
						 tirent 
						sur l'ancre, dans le bruissement du clapot, dans cette 
						musique grise qui semble lever des profondes entrailles 
						du sable et des algues, oui, l'on retrouve la seule 
						tendresse durable de Louis-Ferdinand Céline. La mer ! 
						Toujours la mer ! A elle ses plus belles pages, à elle 
						ses féeries, à elle ses dingueries les plus tendres. Il 
						détestait la terre.   Comme 
						beaucoup de médecins, ces fouailleurs pessimistes des 
						sanies et des vices, c'est à l'océan qu'il demandait 
						l'espoir et la consolation. " Sur la mer que j'aimais 
						comme si elle eut dû me laver d'une souillure ", avait 
						déjà dit Jean-Arthur Rimbaud, cet autre bourlingueur. 
						Idem de Céline ".(Céline blues, Le Monde, 3-4 octobre 1976, dans le Petit Célinien, 8 
						déc. 2011).
                 * Cécile
GUILBERT (essayiste, critique et écrivain): " (...) Aussi,
parallèlement aux lettres préfigurant son 
						 drôlissime Entretien
avec le Professeur Y dans lequel il définit sa méthode et son style
à travers les célèbres images du " métro " émotif et du langage semblable
au " bâton " préalablement tordu pour paraître " droit " quand il est
plongé dans l'eau, c'est une prodigieuse révélation que de l'entendre,
dès 1947, comparer son labeur à celui d'un archéologue de l'impalpable :   - " Tout est déjà dans l'air il me semble. J'ai ainsi
vingt châteaux en l'air où je n'aurai jamais le temps d'aller. (...)
Quand je m'approche de ces châteaux il faut que je les libère, les
extirpe d'une sorte de gangue de brume et de fatras... que je burine,
pioche, creuse, déblaye toute la gangue, la sorte de coton dur qui les
emmaillote. (...) Je ne crée rien à vrai dire. Tout est fait hors de
soi - dans les ondes je pense... " (Le Monde des Livres, 17 déc.
2009).
                
						 * Jacques
HENRIC (critique, essayiste et romancier): s'insurge à la suite du
refus opposé au classement de la maison de Céline à Meudon - " Cessons
l'hypocrisie: reconnaissez, vertueuse citoyenne DRAC (Direction
régionale des Affaires culturelles), et faites-le savoir haut et fort,
qu'en France comme aux Etats-Unis, on ignore les œuvres pour ne porter
désormais qu'un jugement moral sur le seul comportement
idéologico-politique des écrivains et des artistes. Or, c'est très
						exactement cela le phénomène du
" politiquement correct "... 
						 (...) Donc, que
la très officielle DRAC en convienne... Puis-je signaler à notre
implacable justicière quelques-uns de ces trublions no-correct ayant
tenu, eux aussi, des propos plus que " douteux " (insultes aux femmes, à
la démocratie, apologie de la peine de mort, racisme, antisémitisme...)
Déboulonnons les plaques: out Balzac, Baudelaire, Claudel, Giraudoux,
Flaubert, Ronsard, Châteaubriant, Voltaire, Huysmans, Degas, Aragon,
Artaud, Genet, Eluard, Miller, Jouhandeau, Picasso, Blanchot,
Sartre... Elle a du pain sur la planche, notre incorruptible DRAC ! " (Art
Press, juillet-août 1992).
                 * 
						Jean-Louis HOUDEBINE (universitaire, traducteur, 
						écrivain, jazzman): " Dans les pamphlets l'emportement 
						du langage 
						 hyperbolise les expressions, mais Céline 
						demeure un écrivain et ne rentre pas dans l'action. Les 
						pamphlets sont littéraires et les questions esthétiques 
						mobilisent tout autant Céline que son antisémitisme. Ses 
						positions esthétiques l'éloignent radicalement de 
						l'extrême droite : Céline est coincé entre l'académisme 
						de Je suis partout et l'académisme de 
						Vaillant-Couturier. Il faut se poser la question : quel 
						est l'enjeu esthétique de Bagatelles ? L'autre 
						question est : peut-on parler de " comique " à propos 
						des pamphlets ?    
						L'antisémitisme ne peut pas faire rire. Le mot " 
						jubilation " correspond plus justement : jubilation 
						atroce comme dans l'injure ou l'insulte. Il y a une 
						poésie de l'abjection dans la verbalisation de la haine. 
						Ceci amène au problème de la littérature et de la 
						négativité. La haine de Céline est parfaitement 
						insoutenable, mais comment aurait-il pu écrire ailleurs 
						sans la même haine ? Dans les pamphlets la transposition 
						est proche du degré zéro. " (Université Paris VI, 16 
						oct. 1993, BC, janvier1994).
           
  
						         * 
						Philippe JAENADA (écrivain français, prix Fémina 
						2017 avec La Serpe) : " Proust ou Céline ? " 
						Proust. Voyage au bout de la nuit est un chef-d'œuvre, 
						il faudrait être dingue pour penser autre chose, mais 
						tout le reste, y compris Mort à crédit, je trouve 
						que c'est de l'esbroufe et du toc, si je peux me 
						permettre. " (Le Point, 18 mars 2018).
                 
						   * 
						Antoine JAQUIER : Avec son premier roman " Ils 
						sont tous morts ", a été le lauréat du prix Edouard 
						Rod en 2014. " En tant qu'auteur, pour moi, 
						Céline c'est l'assurance de ne jamais pouvoir me croire 
						génial. Quoi que je fasse et même dans ces moments 
						d'euphorie littéraire où je peux me sentir, comme disait 
						Arturo Bandini, l'alter ego de John Fante, " le plus 
						grand écrivain du monde ", je sais que j'en suis à mille 
						lieues. Cette griserie induite par nos propres textes, 
						qui semble commune aux auteurs et qui nous permet 
						d'avoir l'outrecuidance de publier nos travaux, est par 
						chance modérée par Céline, Dostoïevski, Ramuz et tant 
						d'autres.
 Loin de m'inhiber, ces auteurs m'inspirent. Ils me motivent et me 
						convainquent que publier n'est pas vain. Qu'il faut 
						s'acharner. S'améliorer. Ecrire le livre que l'on 
						souhaiterait lire. Le style ! Seul compte le style. 
						L'histoire est secondaire. Des histoires, il y en a 
						plein les journaux, les séries et les films. Etre 
						soi-même son plus sévère critique. Eviter d'être lent. 
						Eviter d'être lourd. Le sourire intérieur. Mettre ses 
						tripes sur la table, s'inspirer du vécu, ne pas hésiter 
						à écrire " je ", transposer, s'asseoir à l'établi et ne 
						pas avoir peur de se salir les mains dans le cambouis de 
						la nature humaine. Comme disait le docteur Destouches : 
						" La grande inspiratrice, c'est la mort ".
 (Antoine 
						Jaquier, Le Temps, Culture, 15 février 2019).
                   
						* Alphonse JUILLAND : 
						(professeur émérite à l'Université de Stanford, 
						philologue de renommée mondiale, 1922-2000. " ... Ce fut le coup
de foudre: en quelques courtes semaines je dévorai tous les textes de
l'ostracisé 
            			 que je pus dénicher au " marché noir " du livre. Car Céline,
toujours sous inculpation de collaboration et toujours à l'index, ne se
vendait plus ou pas en librairie. " 
						   Décidant d'étudier son
style, ses néologismes, ses inventions verbales pour en révéler le
génie au public, il demanda à Pierre Monnier (l'éditeur Frédéric Chambriand), de porter à Céline quelques questions écrites avec trois
tablettes de chocolat suisse acquises, comme les livres au marché
noir...   
						 La réponse vint
: " Pour ce jeune homme qui veut étudier mes livres, diantre, ils sont
là ! Qu'il s'y plonge. De ma part dîtes-lui que lorsqu'il aura fini son
étude je la lirai et lui donnerai mon avis, et pas de cadeau, modeste,
mais aller engager des correspondances. Hum ! Pouh ! Non, vielle
expérience, et le temps ! Je me suis crevé, vous savez de fatigue sur
mon tapin ! Toutes les amabilités tournent au mal... Faites au mieux ". ( 
Les Verbes de Céline, tome 1, Anma Libri 1985).
              
						      * 
						Monique LAEDERACH (écrivaine, poétesse, critique 
						littéraire et traductrice neuchâteloise 1938-2004) : " 
						Je n'aime pas Céline, je ne trouve aucun passage, aucun 
						métalangage, rien à quoi s'accrocher. Son antisémitisme 
						suffirait à le condamner. Mais en plus chez lui, autant 
						que le contenu, la forme me heurte : il parle faux, son 
						langage est artificiel, il se jette au dehors au lieu 
						d'approfondir les choses. Je ne suis jamais arrivée à 
						entrer dans ses livres, ni comme d'ailleurs dans ceux de 
						Julien Gracq, ou de Malcom Lowry. Il y a des écrivains 
						dont on fête les anniversaires, et d'autres pas, sans 
						que l'on sache pourquoi.
 On pourrait faire des statistiques à ce propos. Je comprends parfaitement 
						que beaucoup de femmes résistent aux textes de Céline : 
						cet homme a méprisé tant de choses et nous a englobées 
						dans son mépris. "
 (Monique Laederach, Construire, 10 août 1994).
                     * Pierre
LAINÉ (universitaire, auteur, éditeur):
Céline est un " précieux ", tout à l'opposé de l'image que les béotiens
ont de lui. Utilisant les ressources du langage populaire et d'une
ponctuation débridée, il est parvenu à créer un instrument à la mesure de son univers baroque. Sa force, c'est d'allier le tragique au
comique,  atteignant des sommets dans l'évocation de la débâcle
allemande ou la retraite des Français collaborationnistes dans le
Bade-Wurtemberg.    Dans ce Qui suis-je ? Céline, 
						Pierre
LAINÉ nous donne à voir un Céline peu commun - entre débâcles,
tendresse et sortilèges. Si ce célinien émérite fait preuve de
lucidité, le regard qu'il porte sur l'écrivain est pétri de
compréhension et d'humanisme. Une belle introduction à une œuvre qui,
en dépit des apparences, reste encore largement méconnue. - " Persuadé
que Céline est devenu acariâtre parce qu'il s'est brûlé à ses passions,
c'était un lutteur seul contre tous, Pierre LAINÉ, après
l'avoir enseigné, le défend désormais avec sa plume. " (Ouest-France) - (Présentation
de Qui suis-je ? Céline, Pardès, 2005).
              
						
						      * 
						Arthur LARRUE (écrivain et traducteur, a vécu 
						plusieurs années en Russie jusqu'en 2013, lecteur de 
						littérature française à l'Université d'Etat Herzen de 
						Saint-Petersbourg : " Interrogé 
						par Hala Moawad pour 
						
						
						L'Officiel de la 
						mode
						
						
						(14/02/2013) : « Je ne lis pas de romans d’amour, ou 
						plutôt je ne suis pas tout à fait certain de savoir ce 
						que c’est qu’un roman d’amour. Je connais beaucoup de 
						livres dans lesquels il y a de l’amour. Dans tous les 
						livres il y a de l’amour. Plus ou moins caché, et 
						parfois d’autant plus sensible qu’il est caché. 
						   
						
						Une des 
						plus belles pages d’amour de notre littérature me semble 
						par exemple être l’adieu à Molly dans Voyage au bout 
						de la nuit. Personne ne penserait à ranger le 
						Voyage dans une bibliothèque rose et pourtant, ce 
						livre est dédié à une femme, qui dans la vie ne 
						s’appelait pas Molly mais Elizabeth Craig. Céline en 
						était fou amoureux, c’était une danseuse américaine, 
						rousse, elle l’a quitté, il a écrit le Voyage 
						pour elle, par amour. »(Le Petit Célinien, vendredi 15 février 2013).
       
  
         
						
                           * 
						Michel LEBRUN (né Cade, critique, traducteur, 
						scénariste, auteur de romans policiers, 1930-1996): " 
						J'ai découvert Céline quand j'avais quinze ans. J'ai lu 
						à la suite Voyage, Mort à crédit. Je fus émerveillé. 
						J'ai lu ensuite Henry Miller.     
						Je me suis rendu compte de tout ce que Miller devait à 
						Céline qui a influencé beaucoup d'écrivains de polars. 
						Pour moi Céline est le plus grand romancier français. 
						Point final. " (Alfred Eibel, Michel Lebrun, dans 
						Spécial Céline n°8, E. Mazet).
                 * 
						Michel LECUREUR (enseignant, écrivain, rédacteur en 
						chef des Cahiers Marcel Aymé) : " Sensible à ce qui est 
						vrai. Voilà bien le maître-mot, celui qui définit aussi le mieux 
						l'auteur de La jument verte, du Chemin des 
						écoliers, de Clarambard, et de tant de chefs- 
						d'œuvre où le merveilleux, par les voies les plus 
						imprévues et les plus cocasses, le dispute au réalisme 
						le plus minutieusement saugrenu. Plus encore qu'un très 
						grand écrivain, Marcel Aymé est poète de son temps et 
						rejoint les sources les plus fécondes de notre 
						littérature.   Michel LECUREUR souligne encore avec raison qu'il fut un 
						ami sans faille, et d'une générosité qui le situe bien 
						au-delà des considérations partisanes et sectaires qui 
						restent l'horrible plaie de notre époque. Cela, en dépit 
						de ses convictions communistes, un honnête homme comme 
						le cinéaste Louis Daquin, parmi bien d'autres, l'avait 
						parfaitement compris. On connaît la fidélité de Marcel 
						Aymé à ses camarades de la Butte et à Céline en 
						particulier. Fidélité d'autant plus remarquable qu'il 
						arriva à Céline, accablé de ressentiments et d'amertume, 
						de se montrer parfois injuste envers lui. En dépit de 
						quoi Marcel Aymé ne cessa jamais de le soutenir. " 
						(BC 
						n°84, août 1989).
   
      
						
  
						      * 
						Michel LEIRIS (écrivain, poète, ethnologue et 
						critique d'art français 1901-1990) : " Dans son Journal 
						1922-1989 (Gallimard), Michel LEIRIS range Céline 
						parmi les " salauds de génie " avec Daniel de Foe (" 
						pamphlétaire à gages "), Vigny (" indicateur de police 
						selon Guillemin ") et Richard Wagner (" raciste ").
 Jean-Paul Louis directeur de la revue Le Lérot rêveur, n'a pas 
						manqué de réagir : " Je me demande ce que Michel Leiris 
						a pu lire, ingérer et transformer (tel est le métier 
						littéraire) de Céline pour en arriver à cette unique 
						mention d'un écrivain qui lui est si supérieur. A noter 
						la volonté sans doute inconsciente de nuire, 
						l'insinuation menaçante, lourde et sournoise, du 
						rapprochement opéré : " pamphlétaire à gages " qui 
						inaugure la liste ne devrait-il pas aussi s'appliquer à 
						Céline, qui la clôt ?
 C'était du reste le pauvre argument de Sartre, à une époque où Leiris 
						était très proche des Temps Modernes ".(Le Lérot 
						rêveur, Tusson, 16140 Aigre).
 (BC n° 125, février 1993, p. 3).
              
						      *
						
						Philippe LEMAITRE
						(écrivain et scénariste, prix Goncourt 
						2013 pour Au revoir là-haut et un César en 2018 
						pour son adaptation) : " Céline a employé quelque chose 
						de très nouveau dans la manière d'employer le texte. La 
						liberté folle qu'il s'est octroyée par rapport à 
						l'histoire a été une nouveauté considérable, et c'est 
						important dans mon cas parce que j'utilise beaucoup ce 
						que l'on appelle en narration la fonction phatique : le 
						narrateur fait irruption dans le texte et parle au 
						lecteur... "(Il évoque Louis-Ferdinand Céline en 2007).
 
                 
						 * 
						Jérôme LEROY (professeur de français, se consacre à 
						la littérature, auteur de romans de nouvelles et de 
						poèmes): " On ne dit pas, monsieur Delanoë " 
						Excellent écrivain mais parfait salaud ", à la 
						limite on dit : " Excellent écrivain ET parfait salaud
						 " 
						parce qu'il n'y a pas de lien de cause à effet entre la 
						correction politique et le talent littéraire. Sinon ma 
						bibliothèque serait aux trois-quarts vide et il est hors 
						de question que je me passe de Bloy, de Barbey, de 
						Villiers de l'Isle Adam, de Toulet, de Drieu, de 
						Brasillach, de Cocteau, de Jouhandeau, de Perret et de 
						Céline comme de l'autre côté, je n'ai pas envie non plus 
						de me passer de Hourra l'Oural d'Aragon et de son ode 
						surréaliste au Guépéou : " Vive le Guépéou contre le 
						pape et les poux ! " Il y a longtemps, en plus que 
						les grands céliniens ont réglé ce problème des pamphlets 
						quand ils veulent montrer la portée de cette œuvre 
						majeure qui reçoit aujourd'hui les postillons d'indignés 
						qui n'ont décidément que ça à faire. Ils prennent tout, 
						dans sa globalité, ils n'éludent pas.      
						Les pamphlets sont la part maudite d'une œuvre, le bloc 
						d'abîme qu'il ne faut pas refuser de contempler. Et 
						Philippe Muray fut un des premiers à envisager Céline de 
						cette manière, comme une totalité scandaleuse. Exclure 
						ministériellement Céline de ces commémorations non 
						seulement est une belle lâcheté politique mais aussi un 
						contresens littéraire. C'est presque pire. Et comme 
						Céline l'antisémite l'écrit dans une lettre à son ami 
						juif Elie Faure, le grand historien de l'art : " Je 
						ne vois dans le réel qu'une effroyable, cosmique, 
						fastidieuse méchanceté - une pullulation de dingues 
						rabâcheurs de haine, de menaces, de slogans énormément 
						ennuyeux. C'est ça une décadence ? " Oui, la Ferdine, 
						c'est ça, une décadence... "(Céline contre les 
						robots. Voyage au bout de la bêtise, Causeur, 22 janvier 
						2011, www.causeur.fr).
               
						
                         * Bernard HENRI-LEVY (romancier,
essayiste): " Pierre Monnier écrit à propos de Bernard HENRI-LEVY : " Je 
						l'ai vu un jour à la télévision. Il disait des livres de 
						Céline qu'ils étaient des appels au meurtre. Les seuls 
						titres indiquent au contraire qu'ils sont des livres de 
						paix et de sauvegarde des vies humaines : Bagatelles 
						pour un massacre, paru avec une bande : " 
						Pour bien rire dans les tranchées ", et l'Ecole des 
						cadavres. Céline se dressait de toutes ses forces 
						contre le meurtre à venir. BHL est, paraît-il, un 
						grand philosophe. Il sait tout. Maintenant il va 
						apprendre à lire. " (Minute, 3 oct. 1990).
 *... Se trouvait les 21 et 22 avril 1991 à l'université de
Boston, aux Etats-Unis, à l'invitation du B'nai B'rith, une
organisation maçonnique exclusivement juive. Il y a prononcé une
conférence sur l'antisémitisme et l'intolérance de Céline. (BC,
juillet 1991)
    * ... et aussi à
propos des " Lettres des années noires " Bernard Henri-LEVY avoue 
						:
" Odieux, certes. Nauséabond. Mais cette évidence, pourtant, qui ne s'impose que 
						chez les plus grands et reste, probablement, d'ailleurs, 
						leur seule vraie marque distinctive : une langue qui,
même là, dans ces textes hâtifs et, je le répète, odieux, est comme une pierre de touche, ou un
aimant à l'envers - l'écrivain parle et, du seul fait qu'il parle,
voici que s'affolent et se détraquent toutes les boussoles littéraires
du moment. Céline comme un chaos. Encore, et toujours, l'énigme nommée Céline. " 
						
						 
						( Le Point, 4 février 1995).
  * 
						
                        " C'est ainsi que dans le sillage de ses amis, 
						Marc-Edouard Nabe relatera la rencontre entre Lucette et 
						Johnny Hallyday, l'idole des jeunes, ainsi que celle de
						Bernard-Henri LEVY - ce qui est plus surprenant - 
						lors d'un cocktail, au théâtre des Amandiers, qui 
						faisait suite à la première de l'Eglise : " 
						Sergine riait, et François discutait avec un admirateur 
						des Beaux draps lorsqu'il vit Bernard-Henri 
						LEVY fendre lentement la petite foule, comme un 
						fauve hagard traverse la brousse un rideau de lianes. 
						Sans trop hésiter, il se dirigea vers Lucette et lui 
						tendit la main. Lucette Destouches n'était pas du genre 
						à refuser de serrer la main à qui que ce soit ! 
						Pourtant, elle aurait pu lui en vouloir un peu à LEVY, 
						surtout depuis qu'il avait diffusé, dans une de ses 
						émissions télévisées historico-philosophiques, des 
						images des camps de la mort avec comme illustration 
						sonore la voix de Céline chantant sa chanson Règlement. 
						" Je te trouverai charogne, un vilain soir " sur fond de 
						fours crématoires remplis de crânes et d'os, ça faisait 
						un effet bœuf devant lequel LEVY ne recula pas, 
						bien qu'il sût parfaitement que la chanson de Céline 
						datait de 1936 et qu'elle racontait une rixe de voyous 
						qui n'avait rien à voir avec les Juifs et l'Holocauste.
 Cette falsification n'était à l'avantage ni de l'intégrité du philosophe 
						ni même de sa fameuse répulsion admirative pour l'auteur 
						de Bagatelles pour un massacre. Lucette regarda
						LEVY dans les yeux en souriant poliment et lui 
						serra franchement la main, une main froide et jaune qui 
						lui rappela tout à fait celle de Drieu La Rochelle.
 L'intellectuel s'éloigna, les sourcils froncés. Arielle Dombasle lui prit 
						le bras comme si c'était l'anse d'une grande tasse de 
						café noir. "
 (Marc-Edouard Nabe, Lucette, p.38, in Madame Céline, David Alliot, 
						Tallandier, janvier 2018, p.311).
                 
						      *
						Simon LEYS (nom de plume de Pierre RYCKMANS, 
						écrivain, essayiste, critique littéraire, traducteur, 
						professeur d'Université de double nationalité belge et 
						australienne, 1935-2014) : " Je voudrais bien savoir ce 
						que lisait Céline. Lisait-il ? Simone Weil admirait 
						Céline : autre rencontre révélatrice - tellement plus 
						révélatrice que tant d'informations biographico-anecdotiques.
						   [...] 
						Les prophètes de l'Ancien Testament étaient eux aussi de 
						mauvais coucheurs, des gens infréquentables. Mais il 
						faut bien que les prophètes hurlent, puisqu'ils 
						s'adressent à des sourds. "(Simon Leys, Le Nouvel Observateur, 24 novembre 2005).
                 
						      * 
						Daniel LINDENBERG (essayiste, historien des idées et 
						journaliste français 1940-2018) : " Dans le numéro de 
						décembre 1992 du Magazine littéraire on trouve un 
						article signé du maître de conférences à l'Université 
						Paris VIII Daniel LINDENBERG, cette conclusion 
						audacieuse : " Mais peut-être l'antisémitisme a t-il 
						changé de masque : le " révisionnisme " faurissonnien, 
						le nouveau paganisme indo-européen, la dénonciation 
						obsessionnelle de " complot sioniste ", le culte " 
						littéraire " de Céline, autant de paravents commodes en 
						attendant le jour où... "   Ainsi, 
						le fait de professer une admiration " littéraire 
						" pour Céline est-il assimilé à un antisémitisme 
						sournois ? Avis à son collègue de l'Université Paris 
						VII, Henri Godard, éditeur de Céline dans La Pléiade ! 
						Heureusement que le culte " littéraire " de 
						Sartre ou d'Aragon ne soit pas assimilé à une nouvelle 
						forme de stalinisme car les suspects seraient encore 
						plus nombreux. "(BC n° 125, février 1993, p. 6).
                 
						 * 
						
						Jonathan LITTELL (écrivain franco-américain, son roman Les Bienveillantes
écrit en français lui vaut, à 39 ans, le Goncourt  
            			
						 2006 et le 
            			 Grand Prix de l'Académie française 2006) : " Si le personnage principal des  Bienveillantes de
                        Jonathan LITTELL ne faisait pas la
rencontre de Céline, il serait sans doute superflu de revenir sur ce
roman. Mais il se trouve qu'au début des années trente, Maximilien Aue,
futur officier nazi, accompagne Céline à un concert d'une
pianiste légendaire: Marcelle Meyer (1897-1958). Quelques années plus
tard, Lucien Rebatet l'emmène à plusieurs reprises chez l'écrivain. Et
leur ami commun, Henri Poulain, secrétaire de rédaction de Je suis
partout, lui récite dans le métro des passages entiers de l'Ecole
des cadavres. Pas moins.  
						    Pour conclure, relevons l'ironie du sort
qui a voulu que le Prix Goncourt ait été attribué à LITTELL alors qu'il échappa, comme on sait, à
Céline. Mieux : LITTELL a également décroché le Grand Prix
de l'Académie française. Un hebdomadaire satirique en a fait des
gorges chaudes, le français du jeune Américain laissant fortement à
désirer. Il ne faut, en effet, pas être grand clerc pour constater que
le roman est truffé de fautes de style, de barbarismes, de solécismes
et surtout d'anglicismes. Mauvaise traduction ou mauvaise relecture de
Gallimard ? " (Marc Laudelout, le Petit Célinien, 29 juin 2010).
  
						   
						   
						   
						      * 
						Jean-Philippe MARTEL (professeur, écrivain, 
						enseignant en littérature à l'Université de Sherbrooke 
						Canada, fondateur du blogue critique " Littéraires 
						après tout ") : " Le livre qui m'a ouvert la plus grande 
						porte vers le monde est Voyage au bout de la nuit, 
						de Louis-Ferdinand Céline. D'abord, je l'ai lu pour la 
						première fois à un âge où on est particulièrement 
						impressionnable. Ensuite, non seulement son personnage 
						principal part à la découverte du monde, mais il le fait 
						de telle manière qu'il entrevoit ses mécanismes et 
						fonctionnements les plus durs, les plus inhumains, en 
						même temps que ses plus grandes beautés, ses solidarités 
						les plus étonnantes.  
						 "
						On est puceau de l'horreur comme on l'est de la 
						volupté ", écrit-il, et la leçon, près d'un siècle 
						plus tard, vaut toujours. "(Dans les livres, le monde ", La Presse, 6 août 2014, in Rétrospective 
						2014, www.lepetitcelinien.com).
                 
						   * 
						Jean-Pierre MARTIN  (écrivain, essayiste, professeur 
						de littérature Université Lumière Lyon 2) : " Pasolini, 
						à rebours d'une célinolâtrie française, s'insurgeait 
						contre ce qu'il appelait une admiration 
						inconditionnelle. Je ne connais pas un auteur qui 
						soit, autant que Céline, objet de culte et 
						d'identification affective. Un culte tel que, si vous n'êtes pas partie prenante, vous êtes forcément 
						bien-pensant ou, encore, vous ne comprenez rien à la 
						littérature. Pourquoi devrait-on aimer tout Céline ?
   Et 
						surtout, pourquoi cette volonté d'imposer à tous un 
						devoir d'admiration ? Je soupçonne, derrière l'empire 
						d'une telle idolâtrie et d'une telle fascination, un 
						désir de dédouaner. S'agenouiller en dévot devant le 
						génie de Céline, c'est faire l'économie d'une question 
						fondamentale, sans doute insoluble, mais qu'il ne faut 
						cesser de poser : comment un grand écrivain peut-il 
						donner une légitimité littéraire aux idées les plus 
						stupides et les plus dangereuses ? "(Le Point, 12/05/2011).
            
						      * 
						Nicolas MATHIEU (écrivain, lauréat du prix Goncourt 
						2018 pour " Leurs enfants après eux " ) : " L'envie de 
						fuir germe rapidement, de s'arracher à cette région, à 
						cette ville qui lui paraît étriquée et où il s'ennuie, 
						de rompre avec son milieu social, de ne pas reproduire 
						la trajectoire de ses parents. 
 " Je rêvais de vivre dans un monde plus intellectuel en fait. Je lisais 
						beaucoup les stylistes, Céline, Albert Cohen, me 
						fascinaient. "
   Le 
						livre culte de Nicolas MATHIEU : " Voyage au bout 
						de la nuit " (Denoël 1932), chef-d'œuvre 
						de Louis-Ferdinand Céline.(France Inter, 18 octobre 2018, Antoine de Caunes).
                 
						      * 
						Olivier MAULIN (écrivain français) : " Relecture des
						Beaux draps. Quel beau livre décidément. La fin 
						est un véritable feu d'artifice lyrique qui embrase tout 
						l'univers. Tout part en eau de boudin et finit en poésie 
						brutale et cosmique. Quelle magie !   Ces 
						dernières pages hallucinées me tirent des larmes chaque 
						fois que je les lis. Quel livre ! Détail amusant : parmi 
						les propositions sociales de Céline figurent les 35 
						heures de travail hebdomadaire. "(Olivier Maulin, Histoire des cocotiers, Journal 1997-1999, Ed. Rue 
						Fromentin, 2018, dans Spécial Céline n° 29).
              
  
                         * Eric MAZET
(enseignant, critique littéraire): " A l'âge où le cœur se forme, mes
leçons de morale, je les ai prises
chez Pascal, Voltaire et Camus - et pour la vie entière. Mes leçons sur
la vie et les rêves des hommes, je les prends chez Céline, dans sa
musique, son rire et sa nostalgie.  
						  
						   Aucune actualité politique, aucune
élection de canton ou de mairie n'influera sur ma lecture littéraire, mon plaisir esthétique. Qu'ai-je à faire des
						politologues paralogiques ? Bafouilleux
charlatans ! Céline a tout fait pour
écarter, offusquer les amateurs, les
benêts et les confesseux de tous bords. Il
est irrécupérable, seul, inépuisable
aussi. " (B.C, novembre 2002).
  
						 * " 
						Céline ferait-il encore peur ? Tous les journaux copient 
						son style, et taisent le nom de leur modèle. Sa langue 
						est celle du XXème siècle. Mais journalistes et 
						écrivains n'ont pas compris que Céline est poète avant 
						tout. Point prosateur, ni argotique ou populiste. 
						L'apparence de son " style oral " prête à beaucoup de 
						confusion. Ce n'est pas du " langage parlé ", c'en est " 
						le souvenir ".  
						 Ne capte pas " 
						l'émotion " qui veut en ouvrant. Plus vite que les 
						exégètes cependant, les acteurs ont imposé au fil des 
						ans une image nouvelle du poète. Le monstre avait du 
						génie ! Une âme, une langue. " (BC n°165, juin 1996).
              
  
						*
						Christian MILLAU (écrivain, journaliste et 
						critique gastronomique): " Et Gaston Gallimard ? Ah 
						certes non, il ne nous referait pas le coup de publier 
						presque en même temps D'un château l'autre de M. Céline 
						et La semaine sainte de M. Aragon. Encore des drôles de 
						cocos, ces deux là... Le premier certifiant que les 
						Juifs sont " le produit d'un croisement entre les nègres 
						et les barbares asiates " et le second, se torchant le 
						cul avec le drapeau tricolore. Ah quel dommage que M. 
						Stavisky ne soit plus des nôtres 
						et qu'on l'ait suicidé d'un coup de révolver tiré à bout 
						portant ! Je me souviens avoir fait marrer Céline en lui 
						montrant une interview dans laquelle le roi des escrocs 
						avait déclaré : " Notre littérature est trop 
						faisandée. J'ai eu entre les mains un livre de Céline. 
						Cela m' écœure. Hélas, on méprise des auteurs comme 
						René Bazin ou Clément Vautel ! Il serait utile de fonder 
						un prix de littérature honnête, saine et bien française. 
						"  
						  Au fait, pourquoi ne pas fonder et 
						inscrire Stavisky à titre posthume président d'honneur 
						des Amis des lois mémorielles (Pleven, Gayssot, Génocide 
						arménien, Taubira, Lellouche et Perben) ? A son 
						programme pourrait s'inscrire d'urgence un épouillage 
						attentif de l'œuvre de M. Raspail. Lui-même leur 
						facilite gentiment la tâche en relevant dans son propre 
						roman pas moins de 87 motifs à poursuites judiciaires. 
						Quand ils en auront terminé, je leur soumettrai mon 
						journal. Quand par exemple, je suggère la lecture de 
						Mein Kampf dans les collèges, il doit bien y avoir 
						quelque part un article de loi permettant de me fourrer 
						au trou. Rien de bien compliqué si l'on sait que 
						contrairement à une idée répandue, ce n'est pas le délit 
						de " négation " mais de " contestations " 
						qui est puni de prison par la loi et, oh merveille, 
						laissé à la seule appréciation des juges ! " (Tous en 
						taule ! Molière, Baudelaire, Céline, Aragon..., Service 
						Littéraire n° 39, mars 2011).
                 * 
						Jean MOLINO (professeur à l'Université Aix-Marseille 
						I, essayiste) : " Pourquoi est-il nécessaire, quand il 
						est question de Céline, de prendre des précautions, 
						comme si l'on voulait justifier, vingt-cinq ans après sa 
						mort, le délire de persécution dans lequel il s'enfermait, comme Jean-Jacques, et qui ne 
						manquait pas de fondement dans la réalité ? Il est de 
						mode, depuis quelque temps, de reparler de Vertu ; voilà 
						qui me fait passer dans les vertèbres comme un frisson 
						de guillotine, mais heureusement les chantres actuels de 
						la Bonté et des Bons Sentiments sont trop douillets pour 
						penser à autre chose qu'à l'ordre moral des médias, 
						publics ou privés. Mais quel rapport entre la politique, 
						les idées morales et religieuses et la littérature ? 
						Céline aurait-il mérité d'être condamné à mort et, 
						autant que je sache, il ne l'a pas été et il a été 
						amnistié de sa condamnation à un an de prison et 50 000 
						F d'amende, est-ce que cela ôterait le poids d'un fétu 
						de paille à son génie ?   Pourquoi 
						être toujours obligé de déclarer - sous la pression des 
						moralistes de gauche, qui ne le cèdent en rien aux 
						moralistes de droite - qu'on se désolidarise de ses 
						idées ? Pour le dire franchement, on s'en fout de ses 
						idées et ce n'est ni à cause ni pour ses idées qu'on le 
						lit, mais parce que c'est - on le voit déjà mais on le 
						comprendra de plus en plus et ce sera un des étonnements 
						de nos successeurs de constater qu'on n'a pas voulu s'en 
						apercevoir plus tôt - un des plus grands, le plus grand 
						sans doute depuis Proust, et peut-être le seul qui ait 
						une stature plus qu'hexagonale. Comme elles sont loin 
						les mesquines discussions sur la signification 
						politique, idéologique, sur la grossièreté et les 
						provocations, sur le pessimisme ou la valeur 
						révolutionnaire du Voyage au bout de la nuit ou 
						de Mort à crédit ! Les chefs -d'œuvre sont là et 
						c'est tant pis pour ceux qui ne savent pas les 
						reconnaître. " (Commentaires n°44, hiver 1988-1989, 
						Lettre à mon cousin sur le roman français depuis la 
						guerre, BC n°84, août 1989).
                  
          * 
						
						Pierre MONNIER : "... En
arrivant près de la maison, j'aperçois Louis-F erdinand dans sa houppelande. Il
est debout devant le seuil et regarde Lucette sauter à la 
						corde comme
un boxeur à l'entraînement. Il fait bien froid. Ferdinand a sur lui
cinq chandails, plus une sorte de cape très longue de berger
montagnard. Pour se promener autour de la maison, il met de
vieilles  bottes et se sert d'une canne. Je le regarde. Il est à
quelques mètres, découpé sur le ciel,
avec son grand front et ses cheveux longs. Il sourit: " Vous voyez où
cela mène de faire l'artiste. " ... Nous avons essayé de mettre au point
un plan pour faire repartir ses livres et tenter de briser le mur du
silence. On va voir ce que cela va donner. Demain,
je reprends le train pour Paris. "   *
" Quand on connaît bien Céline et son œuvre, on ne peut que se
moquer des irritations comiques auxquelles se laissent aller ses
détracteurs dont on devine très bien les motivations. Politiquement
acquis aux pouvoirs que Céline avait combattus avant la guerre (...)
Céline, qui sait en quoi s'en tenir, voit en eux des " râleurs et
dénigreurs aux maigres couillettes... " (Le Libre Journal, 28
juillet 1994).
  
            
						*
                  
						
						
						
						
						Marc-Edouard NABE (écrivain): " Céline, c'est mon père... Ou mon grand-père
plutôt. D'ailleurs, mon père et mon
grand-père lisaient Céline. Je suis une filiation de célinien. Ça
toujours été chez nous le maître à penser... Il a appris à vivre à trois
générations. Le jour où, vers quatorze ans, j'ai découvert " Rigodon "... Je
suis resté pétrifié, je suis rentré dans l'univers célinien avec une
euphorie, une passion invraisemblable (...) La voie écrite, le souffle, la sonorité
de la phrase du Cuirassier a tout emporté sur son passage, je suis
parti sur ces rails là pour toujours, touché 
						à la vie à la mort ". 
						(Au régal des vermines, p. 162).
     *
" Un écrivain en marge, hors de la file indienne, complaisant,
don-quichottesque, lyrique jusque dans la grossièreté; de quoi le
discréditer dans le monde prudent et même lâche de l'édition
parisienne. Mais un écrivain de race, entre Bloy et Céline, le naturel
de l'instinct dyonisien et la force d'une intelligence nietzchéenne. " (
                        Pol Vandromme, BC, sept. 1991).
   *
						" On ne peut pas être un grand écrivain et un 
						salaud. Céline n'est donc pas un salaud dans le sens où 
						ses pamphlets, qui s'inscrivent totalement dans sa 
						littérature, n'ont pas été écrits pour servir une force 
						gouvernementale ou policière, qu'ils n'ont été récupérés 
						par aucun parti collaborationniste ni par les Allemands, 
						qu'ils n'engageaient que lui seul avec tous les risques, 
						et dont on surévalue aujourd'hui l'influence directe sur 
						les vrais " salauds " actifs de la collaboration. Céline 
						était pris au sérieux comme écrivain, mais pas comme 
						pousse-au-crime, il ne faut rien savoir de l'époque pour 
						soutenir le contraire... [...] Il n'a jamais fait une 
						seule action antisémite de sa vie. Tant que les esprits 
						ignorants ou partisans n'auront pas compris ça, je ne 
						leur trouverai pas le droit de s'exprimer sur la " 
						saloperie " d'un homme pareil.     Bagatelles 
						pour un massacre, dont personne ne comprend d'où 
						vient le titre (y compris les céliniens), n'a pas poussé 
						des gens à faire concrètement du mal aux juifs. Et je 
						dirais même à en penser. Les franchouillards délateurs 
						de l'époque n'avaient pas besoin de Céline pour ça, lui 
						dont la prose complexe et humoristique fut reçue dès 
						1937 comme contre-productive par les " vrais " 
						antisémites, à cause de son outrance parodique. "(Le Point, 27 juin 2011).
                
						* Maurice
NADEAU (professeur, écrivain, critique littéraire): " Que le Voyage
ait été (et soit) " un bouquin
						sensationnel ", puisque tout le
monde l'a reconnu à l'époque: Raymond Queneau, mais aussi Aragon, qui
s'occupa de le faire traduire en russe, Léon Daudet, qui fit, à son
propos, dans " l'Action Française ", un raffut de tous les
diables, Sartre, qui devait se 
						 
						 souvenir suffisamment de Céline pour
mettre une de ses phrases en exergue à " La Nausée "... 
Quant à nous autres, jeunes, nous eûmes le souffle coupé; nous n'avions
encore rien lu qui, dans notre expérience de la vie et de la
littérature, nous parût plus fort et plus vrai... " ( L'Express, 6
juillet 1961).
 * " Pierre Assouline : - Croyez-vous que la 
						littérature puisse tout se permettre ? "  - " 
						Je le crois, hélas. Pour Céline, que j'aime beaucoup, et 
						pour les autres aussi. J'ai été le premier à publier 
						Sade ouvertement dans une petite maison. Le livre a 
						aussitôt été saisi dans le silence le plus total. Je ne 
						nie pas que certains aspects de son œuvre soient 
						révulsants. Mais cela relevait d'une bonne hygiène des 
						lettres que ses textes soient écrits et publiés. Les 
						gens ont du mal à comprendre cela, de même qu'ils ne 
						conçoivent pas que l'antisémitisme de Céline me fasse 
						rire. La puissance comique des pamphlets ! C'est 
						tellement grotesque qu'on ne peut pas prendre ça au 
						sérieux. Et puis Mort à crédit, que l'on dit à 
						tort moins fort que le Voyage au bout de la nuit 
						c'est magnifique. L'écriture sublime tout. Il ne faut 
						jamais prendre les choses au pied de la lettre. "
 (Entretien avec Pierre Assouline, Lire, nov. 1997, 
						L'Année Céline 1997).
                 
						  * 
						Eric NAULLEAU
						(animateur de télévision, éditeur, 
						écrivain, traducteur, critique littéraire): " C'est 
						anormal, et même scandaleux, qu'un lobby communautaire - 
						aussi estimable et honorable soit-il par ailleurs - 
						dicte le comportement de l'Etat français via le Ministre 
						de la Culture. " (Autres réactions, BC n° 327, 
						février 2011).
  
						 * Proust ou 
						Céline ? " Trop cruel ! Je dirais Proust. Même si Céline 
						est un maître de la langue, Proust c'est une expérience 
						de lecture que je trouve supérieure. Que Fabrice Luchini me pardonne ! "
 (lepoint.fr/culture/eric-naulleau, 19 août 2018).
              * Eric NEIRYNCK
						(écrivain belge) : " La grille était ouverte, j'ai 
						d'abord hésité, mais un chat ressemblant furieusement à 
						Bébert est venu à moi comme m'invitant à entrer. 
						Perturbant et merveilleux à la fois. L'impression très 
						prétentieuse d'être attendu. Unique. En même temps, je 
						ne peux m'empêcher de me dire que de son vivant le
  Maître des lieux m'aurait fait fuir en m'envoyant ses 
						chiens. Pas question de venir voir la bête. Dehors les 
						voyeurs... passez votre chemin ! [...] A la fenêtre du 
						rez-de-chaussée du 
						pavillon, une jolie jeune femme s'affaire. Le ciel est 
						dégagé, le temps s'est arrêté, le moment est parfait. 
						Elle m'aperçoit, en même temps je n'ai pas cherché à me 
						cacher. Je me sens mal à l'aise, juste l'envie de 
						prendre mes jambes à mon cou et de cavaler. Surprise. De 
						la main, elle me fait signe de venir à la porte. 
						Adorable auxiliaire de vie de Lucy, qui d'un sourire m'a 
						fait sentir que j'étais le bienvenu.  
						 J'en profite pour 
						lui demander si Mme Destouches est là. Elle me répond 
						par l'affirmative. J'ose alors la question : " 
						Accepterait-elle de me recevoir ? " Malheureusement, vu 
						son âge Lucette ne voulait plus voir, ni être vue, par 
						personne, excepté les intimes, et encore. Derniers 
						souhaits d'une vieille dame que je respectai sans 
						broncher. Quand sur le point de partir, un sublime " 
						merci " surgit d'une voix lointaine. Un simple petit mot 
						qui me remplit de bonheur. Elle n'avait pas voulu de moi 
						chez elle, mais elle avait pris la peine de me saluer. 
						Merci Madame, ce " merci " je ne l'oublierai jamais. "(Eric Neirynck, Louis-Ferdinand Céline, Duetto, 2016, in Spécial Céline 
						n° 23, printemps 2017, p.42).
                  * Benjamin 
						PERET (écrivain surréaliste, 1899-1959) : " Cher 
						Camarade, L'intérêt soudain que Le Libertaire 
						porte au nommé Céline me surprend profondément. Je ne peux pas oublier, en effet, que Céline a joué, avant et 
						pendant la guerre, un rôle tout à fait néfaste. Toute 
						son œuvre constitue une véritable provocation à la 
						délation et, de ce fait, devient indéfendable à quelque 
						point de vue qu'on se place car la poésie ne passe pas 
						quoi qu'en disent ses thuriféraires par la bassesse et 
						l'ordure. Or, l'œuvre de Céline se situe tout entière 
						dans un égout où, par définition, la poésie est absente. 
						Et l'on voudrait en soulever la plaque pour nous faire 
						respirer les émanations méphitiques qui s'en dégagent ! 
						Non, qu'il reste au Danemark où il ne risque rien s'il 
						n'ose pas se présenter devant un tribunal dont il n'a 
						guère à attendre qu'une condamnation de principe.     C'est 
						toute une campagne de « blanchiment » des éléments 
						fascistes et antisémites qui se développe sous nos yeux. 
						Hier, Georges Claude était remis en circulation. Demain 
						ce seront Béraud, Céline, Maurras, Pétain et compagnie. 
						Quand toute cette racaille tiendra de nouveau le haut du 
						pavé, qu'auront gagné les anarchistes et 
						révolutionnaires en général ? Pas de donquichottisme ! 
						Réservons notre solidarité – et celle-ci totale – pour 
						les victimes de notre capitalisme, de Franco, Staline et 
						autres dictateurs qui souillent aujourd'hui la surface 
						du globe. "(Le Petit Célinien, 12 sept. 2014).
                 * Philippe
PICHON (commandant de police, écrivain): " On se demanderait alors
si, dans le Voyage, Céline était Bardamu ou 
      					 
						 ses autres
personnages. La bonne réponse, sans doute, est : l'écrivain n'est aucun
d'eux, mais tous à la fois. Cela paraît quelque peu tarte à la
crème, cependant la relation entre Céline et ses personnages est
essentielle pour comprendre son œuvre. Un personnage n'est pas son
auteur, mais une figure possible de sa personnalité, une potentialité
qu'il a plus ou moins développée dans la réalité. Ce qu'il pourrait
être et qu'il n'est pas.      En faisant le portrait de Bardamu, à la
fois assumé et refusé, Céline met en jeu le raciste en lui. Au lieu de
montrer un méchant raciste, il laisse s'exprimer, prendre corps une
part malsaine de lui-même. Il la met en jeu, ce qui signifie qu'il la
met en doute, en question, qu'il la soumet à l'analyse. Il fait son
travail de romancier. " (BC n°272, février 2006).
  
              
						* Irina RADTCHENKO (traductrice littéraire russe 
						1951-2005): " Le 10 septembre dernier, vers sept heures 
						du matin, Irina  VSEVOLODOVNA 
						RADTCHENKO, traductrice littéraire russe de 
						renom, est morte. Une grande tempête s'élève de la 
						nuit... C'était une douce et gentille et fidèle amie. En 
						1991, cette philologue ayant obtenu une maîtrise à 
						l'Université de Moscou, propose à la prestigieuse revue 
						littérature international de traduire
						Voyage au bout de la 
						nuit. Cette initiative survient donc bien après 
						la piètre édition soviétique de 1934 orchestrée par Elsa 
						Triolet et ces très longues années durant lesquelles 
						Céline fut complètement boycotté en URSS. Net refus de 
						dirigeants dogmatiques. Irina n'acceptera pas ce signe 
						négatif du destin.
						 Sa compréhension 
						de Céline était fine et subtile. Elle savait qu'il 
						fondait son écriture sur l'Emotion, accusant la clarté 
						française de l'avoir tuée.  
						  " L'irrationalisme et 
						l'émotivité de Céline doivent trouver un écho dans la " 
						mystérieuse " âme russe " disait  Irina. La difficulté, selon son expérience de 
						traductrice, provient du foisonnement des néologismes. 
						Autre problème : le russe non conventionnel est très 
						riche mais aussi beaucoup plus brutal que le français 
						parlé. Assurément Irina 
						RADTCHENKO a réussi le pari de rendre présent en 
						Russie, dans toute sa diversité langagière, un auteur 
						qui fut l'un des plus originaux du XXe siècle. Nous 
						n'oublierons pas davantage la profonde émotion qu'elle 
						disait ressentir en traduisant Céline, tâche exaltante 
						dont elle ne sortait pas indemne. " (Arina Istratova, Bulletin célinien, janvier 2002).
  
						   
						            * 
						Maël RENOUARD (agrégé de philosophie, enseignant à 
						l'Université, traducteur, essayiste) : " La présence 
						même de ces chemins indiqués dans le ciel est une faveur 
						des dieux. C'est Thétis, divinité de la mer, qui apporte 
						avec elle le principe de l'orientation, poros, grâce auquel les marins peuvent 
						sur l'océan s'ouvrir un passage à travers des voies 
						différenciées. " Il vous a donné les étoiles pour 
						guides dans les ténèbres de la terre et de la mer ", 
						est-il dit de Dieu dans le Coran (sourate VI, 97).
  
						
            			 Mais 
						qu'arrive-t-il si les repères célestes sont absents de 
						la nuit ? Ce que chante la " Chanson des gardes " 
						de 93, placée en exergue au Voyage, c'est le 
						désarroi d'une orientation qui ne peut se fonder sur 
						aucune étoile. Notre vie est un voyage Dans l'hiver 
						et dans la Nuit, Nous cherchons notre passage Dans le 
						Ciel où rien ne luit. La nuit étoilée n'est plus la 
						nuit-chaos ; elle est la nuit navigable. En un sens elle 
						n'est plus strictement la nuit. Le Voyage sera donc une 
						traversée au cœur de la 
						vraie nuit, la nuit désorientée où le navire aveugle 
						cherche en vain son cap, broyé dans un tohu-bohu de 
						tempêtes. "(Rafiots de Céline, Le Polygraphe n° 27, 
						2003).
                  
       
						  * 
						Jean RIGAUD (enseignant, essayiste, romancier, 
						photographe, 1924-2005): " (...) L'antisémitisme appelle 
						la vulgarité. On peut penser que certaines pages des 
						pamphlets ont été écrites par Robinson. Il y eut plus 
						coupable que Céline ou que Voltaire à l'égard des Juifs. 
						Erasme, parangon de l'intellectuel indépendant, s'est 
						laissé aller à écrire : " il était chrétien de haïr 
						les Juifs, puisque tant de bons chrétiens le faisaient " 
						(John Hale, La civilisation de l'Europe à la 
						Renaissance, Perrin, 1998, p.176). Cet homme libre 
						entre tous ralliait un courant de pensée, entraîné par 
						la vague, cédant la plume au petit " suiveur " médiocre 
						qui était également en lui.   (...) 
						Ma préférence va à la trilogie. Prodigieux travail de 
						styliste. L'expressionnisme célinien atteint tout 
						naturellement une dimension cosmique, pas seulement 
						historique, le tout appuyé sur une multitude de détails 
						vrais pour composer une fresque où tout est faux 
						naturellement, mais vrai au plus profond des choses. Par 
						delà les apparences, Céline touche au cœur 
						du drame du monde. Tout cela sous le masque d'une simple 
						chronique. Bien sûr, c'est l'Allemagne en 44-45, mais 
						c'est aussi tellement plus. Le génie ! " (Conférence, 
						Faculté d'Aix-en-Provence, 1970, Spécial Céline n°8, E. 
						Mazet).
                  
      
						 
						* Alain ROBBE-GRILLET (romancier et
cinéaste): " Céline est ce qu'on devrait appeler un écrivain de gauche,
bien qu'il ait été d'extrême droite. Il portait en tout cas l'esprit
d'une révolution, on ne peut pas en dire autant de beaucoup
de bons esprits de gauche de la même époque qui, au contraire, faisaient de la littérature qu'on peut appeler " de droite ". Ces mots de
" droite " et " gauche ", je les mets entre guillemets parce qu'aujourd'hui
ils commencent à disparaître, mais pendant toute mon enfance et mon
adolescence, ils ont vraiment joué un rôle.  
						 
						  J'ai connu
Céline très tôt, alors que je lisais encore peu, parce qu'il était
d'extrême droite. Mes parents étaient d'extrême droite, alors on lisait
les chroniques de Brasillach dans l'Action française, où l'on parlait
de Céline. On n'y parlait jamais d'André Breton. Céline avait la chance
d'être antisémite, donc on pouvait en parler à la maison. Et il se
trouve que c'est quand même le grand écrivain révolutionnaire." (  
						 
						Préface à une vie d'écrivain, France-Culture-Le Seuil, 
						coll. Fiction et Cie, 2005).
                 
						*
						Jean ROMAIN (de son vrai nom ROMAIN PUTALLAZ, 
						romancier, philosophe, essayiste suisse): " 
						Louis-Ferdinand Céline est décédé en 1961, la même année 
						que d'autres grands écrivains. Fallait-il apposer son 
						nom en 2011 sur une plaquette éditée 
						 par le Ministère 
						français de la culture et qui célèbre les 
						reconnaissances nationales ? Un écrivain de grand talent 
						et un pauvre homme aigri : les deux visages de Céline 
						qui n'en forment peut-être qu'un seul. (...) " Le 
						voyage au bout de la nuit ", au style si 
						révolutionnaire, est un roman étudié dans nos collèges. 
						Là, rien de médiocre. Céline est même édité dans " La 
						Pléiade ", la prestigieuse collection de Gallimard. 
						Ce qu'on reconnaît en lui c'est le romancier et non pas 
						l'homme.  
						  Sans ces romans, il n'y aurait pas 
						de mémoire de Céline. Personne ne lit en classe 
						Brasillach ni Drieu La Rochelle ! Lorsqu'on rencontre 
						leurs noms, ce n'est pas les écrivains qu'on met en 
						avant mais leur action de collabos. Le Céline romancier 
						est d'une tout autre trempe. C'est de lui qu'il faut se 
						souvenir, et de lui seul. L'écrivain rachète-t-il 
						l'homme ? On aimerait bien, sauf que les pamphlets sont 
						aussi ceux d'un écrivain. Cinquante après sa mort, les 
						avis sont toujours tranchés. L'homme dérange. 
						Scandaleux, sulfureux, Céline le restera, et on peut se 
						dire, lui qui tenait les critiques et les célébrations 
						officielles pour de la roupie de sansonnet, on peut se 
						dire que l'œuvre romanesque sait se défendre seule. "
						(LeNouvelliste.ch, 2 février 2011, dans le Petit 
						Célinien).              
						
						      * 
						Maxime ROVERE (écrivain, philosophe et traducteur, 
						enseigne la philosophie à l'université pontificale 
						catholique de Rio de Janeiro depuis 2015, intervient 
						dans le Magazine littéraire depuis 2008) : " Le 
						rapport à l'écriture créé par lui est plus vivant, plus 
						charnel, plus écorché que pour n'importe qui auparavant. 
						Cette nouvelle forme de lyrisme, telle qu'il l'explique 
						dans ses Entretiens avec le professeur Y exige un 
						écrivain " plus qu'à poil... à vif !... "     
						Cette authenticité viscérale est plus qu'un artefact 
						littéraire. Elle révèle aussi que, en complément à son 
						travail de la langue, Céline le médecin voulut encore 
						soigner, amender, guérir peut-être quelque chose de 
						l'homme. "(Le Magazine littéraire, février 2011).
                    
						   * 
						Michel RUFFIN (écrivain, romancier historique, 
						romancier satirique et humoristique, chroniqueur radio) 
						: " L'aventure d'un homme et d'une femme dans une relation d'amour et de rejet qui ira 
						jusqu'à la destruction est adroitement mise en parallèle 
						avec la vie et l'œuvre d'un 
						auteur aimé autant que décrié. 
 Quand Stanislas Dambreville, spécialiste de Louis-Ferdinand Céline 
						rencontre Juliette pour la première fois, il s'en moque. 
						Le charme, la jeunesse de la jeune femme le laisse 
						froid, il a un autre chat " Bébert " à fouetter : 
						achever son dernier livre sur l'auteur controversé. "
   " 
						Michel RUFFIN a réussi à réunir dans un roman 
						passionnant d'intrigues inattendues ses remarquables 
						connaissances de l'œuvre de 
						Louis-Ferdinand Céline avec des péripéties que nul 
						critique littéraire (fonction du héros), n'aurait pu 
						concevoir. 
 On imagine un Bernard Pivot ou un Jean-François Stévenin à sa place... 
						Les " céliniens " en vacances - comme ceux qui n'en 
						prennent pas - vont adorer. (M.M.).
 (Michel Ruffin, Céline et Céline, Roman, Editions Chum, juin 2018).
                     
						  
						* Frédéric SAENEN (enseignant, critique littéraire de nationalité belge) :
" Surprendre Céline, dans son pavillon
de la Route des Gardes, c'est entrer de
plain-pied dans la mythologie troglodytique et clochardisée de la Littérature. Chaque
portrait a fixé un mot, un grognement, un soupir, le bond d'un chat, un
geste, pour une postérité ambiguë et
subversive. L'intimité participe d'un rituel et l'acte de repousser une porte grillagée ou
d'amener un vieux carton aux ordures y prend une dimension cosmique.  
						 (...) Car ce à
quoi il nous est donné d'assister, c'est à la mise en scène, tantôt
narquoise, tantôt dépitée, d'une grandeur chancelante. La fatigue de ce
qui fut l'énergie même. Un effondrement figé. Ici, la base et le sommet
se rejoignent, le calme englobe les fulminations. Toute vêtue de noir
et blanc, l'éternité fait ses pointes. "  (B.C. janvier 2007).
 
                 * James SALTER 
						de son vrai nom James A. Horowitz ( romancier, écrivain, 
						scénariste 1925-2015, au panthéon de la littérature 
						américaine avec Hemingway ou Norman Mailer) : " Céline... 
						c'est un écrivain époustouflant. Et un cas dérangeant. 
						Les Français ont été à deux doigts de le faire exécuter. 
						Nous parlons donc d'un douteux personnage qui est à 
						présent considéré, à juste raison je crois, comme un des 
						deux plus grands écrivains du XXe siècle. Même son 
						dernier (sic) livre, D'un château l'autre, 
      
						
                         est 
						formidable. Il a dû être écrit dans les circonstances 
						les plus éprouvantes qu'on puisse imaginer. Quand vous 
						lisez quelque chose de bon, l'idée de regarder la 
						télévision, d'aller au cinéma, ou même de lire le 
						journal, perd tout intérêt. Ce que vous lisez exerce une 
						séduction trop forte. Céline possède cette qualité.    Profondément 
						idéaliste, il éprouvait une grande sympathie pour 
						l'homme ordinaire et son honnêteté est des plus 
						convaincantes. Il était aussi fanatiquement antisémite 
						mais il avait inventé un style nouveau, une atteinte au 
						langage, des éclats d'écriture brûlants qui ne reculent 
						ni devant la vulgarité ni l'argot des rues, l'obscénité 
						et l'invective. (...) Amer et misanthrope, nihiliste, 
						pareil à une danse de mort où se mêlent l'idéalisme et 
						un cynisme extrême. Impossible d'échapper à ce style, et 
						son audace le rendait étrangement libérateur, son 
						emphase bizarrement comique. "(James Salter, Salter par Salter, Editions de l'Olivier, 2016, in B.C. 
						n°393, février 2017).
              
						      * Boualem 
						SANSAL (écrivain algérien d'expression française) : 
						" Les interdictions sont comme les balles, elles 
						ricochent partout et parfois reviennent sur ceux qui les 
						ont tirées. Les livres de Céline ne vont ni augmenter ni 
						diminuer l'antisémitisme. Le Céline des pamphlets ne 
						vaut pas le coup de risquer de ruiner cette chose 
						miraculeuse qu'est la liberté d'expression, dont la 
						liberté d'édition est le vecteur et le levier. " Il faut 
						faire attention, interdire un livre, c'est le début du 
						processus qui mène à l'autodafé, rappelons-nous le 
						passé, les pogroms étaient tous précédés ou suivis de 
						gigantesques feux de joie...    Le drame 
						serait que Gallimard revienne sur son projet d'édition 
						des pamphlets. On verrait bientôt déposer chez les 
						éditeurs des listes de livres à interdire. Non, 
						Gallimard ne peut pas se permettre de reculer. "(BibliObs, 8 janvier 2018).
                 
						*
						 
                  Michel
						SCHNEIDER
						
						
						(écrivain, énarque, haut 
						fonctionnaire et psychanalyste) : " Je ne me donnerai 
						pas le ridicule de juger  du 
						style de Céline, me contentant d'analyser de quoi il est 
						fait. Jean-Pierre Richard l'a montré : il s'agit d'un 
						style oral, au premier sens du terme, inapte à la 
						rétention excrétoire, et qui se moque du dégoût comme du 
						bon goût. Les mots sont plus crachés que remâchés, vomis 
						que travaillés au gueuloir de Flaubert. La nausée y 
						tient la même place que la diarrhée chez Littell. Style 
						oral, vraiment ? Rien de plus écrit - je ne dirai pas de 
						mieux écrit - que ce style parlé : personne n'a jamais 
						parlé comme Bardamu. Le style de Céline est comme le 
						style selon Céline.   (...) 
						Il n'est pas question de nier les beautés de cette 
						écriture, mais de voir le fond abject sur lequel elles 
						s'enlèvent pour y retomber aussitôt. Déjà présent dans 
						le " Voyage " et " Mort à crédit " (il 
						faut reconnaître le génie des titres), ce style haché de 
						haine de soi et des autres (les pauvres, surtout) ne 
						fera qu'empirer dans la trilogie de la fin. C'est à sa 
						densité émotionnelle que Céline, méprisant Proust, croit 
						reconnaître un grand style. Exécrée, l'humanité, 
						exécrée, la langue, c'est logique, mais on n'est pas 
						obligé d'aimer. " (Les mots sont crachés, Le Point n° 
						2017, 12 mai 2011).
                  
      
						  * François
SENTEIN (écrivain, journaliste, enseignant 1920-2010): " Ce qui me
gêne au fond, dans les livres de Louis-Ferdinand Céline, c'est qu'ils
manquent de violence. - Comment ? - Oui, de violence. Vous l'avez
regardé, au moins en photo : cet homme-là est un malin. Son style est
tout en malices. L'œil toujours en coin ; mais parfois la bouche se
tord ; alors, fini de rire, on est saisi par sa puissance qui ne cesse
pas un instant d'être littéraire et, lorsqu'on en sort, on
s'aperçoit que, pendant ce temps, lui ne perdait pas le nord une
seconde.     Il sait merveilleusement faire mousser les
histoires. On prend ça pour la bave d'un enragé. Mais il fait des
bulles, Céline. Il en remplit d'énormes bouquins, avec des points de
suspension, pour l'effet. Il s'applique à la poésie la plus ponctuée.
Il ne cesse de faire un effort de poésie. " (Guignol's band de
L.F. Céline, L'Echo des Etudiants, 30 avril 1944, BC n°237, déc.2002).    A cette époque, un an avant la parution de D'un
château l'autre, les journalistes ne se bousculaient pas à Meudon.
Evoquer de telle façon, en 1944, l'art poétique célinien n'était
assurément pas chose courante. "                  * 
						Alain SERGENT (Sous le nom d'Alain SERGENT, Alain 
						MAHE est un écrivain libertaire, 1908-1982) : " Pour 
						bien connaître, en tant qu'ancien prisonnier politique, 
						la
						 mentalité 
						des « juges républicains », je trouve que Céline a 
						parfaitement raison de ne pas rentrer tant qu'il courra 
						un risque, sachant sans doute trop bien ce que couvre le 
						mot de justice. Les principes n'ont rien à voir en 
						l'occurrence, c'est une simple question de rapport de 
						forces sur le plan politique. On a envoyé Brasillach au 
						poteau parce que Russes et Américains vivaient à ce 
						moment leur lune de miel, aujourd'hui on le condamnerait 
						à quelques années de prison. Dans une situation 
						nouvelle, la plupart des « juges » seront prêts à 
						condamner ceux qu'ils servent aujourd'hui, et à filer 
						doux devant un Doriot quelconque.  
						  Il faut croire, 
						d'ailleurs, que ce phénomène n'est pas nouveau puisque 
						La Fontaine disait : « Suivant que vous serez puissant 
						ou misérable... » Il reste que votre enquête est des 
						plus édifiantes, car elle oblige chacun à prendre 
						position. En outre, elle devient un élément du rapport 
						de forces dont j'ai parlé en incitant pas mal de gens à 
						réfléchir. "(Le Petit Célinien, 12 sept. 2014).
                 
       
						 *
		
		
		Philippe SOLLERS
		: " Céline... Grandiose. Admirable. Un des grands
regrets de ma vie est que nous lui  avions
téléphoné et qu'il nous avait proposé d'aller le voir. J'aurais dû sauter dans un taxi ! Ce qu'il est intéressant
de souligner, c'est que le tabou sur Céline est en cours de
décomposition.  
						 
						Que n'ai-je pas entendu lorsque j'ai préfacé les lettres
à la NRF de Céline en 1991 ! Il faut publier une autre Pléiade pour les lettres de Céline, épistolier
de génie. A quoi comparer sa correspondance en intensité, en électricité, en verve ? A celle de
Voltaire. De Voltaire à Céline, le français est vivant. Pour ceux qui souhaitaient définitivement
enterrer Céline, c'est raté. "  (Magazine des Livres
n°9, 2008).
                 
						
						* 
						Alain SORAL
						(de son nom BONNET de SORAL, essayiste, 
						journaliste et réalisateur) : " Louis-Ferdinand Céline est un 
						auteur violemment anti -sémite. Mais aussi violemment 
						génial. Que fait-on ? On va l'interdire ? On va 
						supprimer toutes les rues et places à son nom ? On va 
						brûler ses œuvres en place publique ? Bernanos est 
						antisémite. Il faut lacérer " Sous le soleil de Satan " ? Voltaire bat tous les records. Il est au 
						Panthéon. Va-t-on le tirer du Panthéon par les pieds ? 
						Interdire l'entrée avec des barricades ? (...) Frédéric 
						Mitterrand, l'homme qui trouve que Ben Ali n'est pas un 
						dictateur, le défenseur de Polanski, sacrifie Céline, un 
						des plus grands écrivains français, à une pression que 
						les juifs même, les juifs sensés, trouvent intolérables. 
						Pression de Serge Klarsfeld pour Céline. Pression du 
						Crif pour Hessel. Les deux étant très proches. 
 Esther Benbassa, directrice d'études à l'Ecole pratique 
						des hautes études accuse : " Le Crif terrorise certains 
						Juifs et tous les non-Juifs. Il fait régner sa loi à 
						l'intérieur de la communauté juive, bannissant l'un, qui 
						n'obéit pas à ses injonctions, l'autre, qui publie un 
						livre non conforme, un troisième encore qui ose 
						critiquer la politique d'Israël. Alors que tous les 
						Juifs sont loin de se reconnaître en lui, le Crif ne 
						s'en considère pas moins comme leur porte-parole et 
						aussi comme leur directeur de conscience. Mais le Crif 
						fait aussi la loi à l'extérieur de la communauté, 
						accusant qui ils veulent d'antisémitisme, suscitant des 
						procès contre tel journaliste, contre tel intellectuel, 
						contre tel militant. Le Crif, en un mot, terrorise 
						psychologiquement certains Juifs et tous les non-Juifs 
						au nom de la défense d'Israël. " Bien nous sommes 
						informés. Nous redoutions le nouvel Ordre Mondial. Nous 
						avons le Nouvel Ordre Français. Pour nous entraîner. "
 (Veut-on 
						nous rendre antisémites ? , egaliteetreconciliation.fr, 
						26 janvier 2011).
                 
						* 
						Raphaël SORIN (éditeur, critique littéraire) : " - 
						On fait comment pour passer de la lecture des 
						structuralistes à celles des 
						Mémoires d'un fasciste ? - Tout cela n'est pas 
						contradictoire. A partir du moment où on s'intéresse. 
						Rebatet, je l'ai lu très tôt. Les Décombres, j'ai trouvé çà hideux et 
						fascinant. Ma mère m'avait raconté beaucoup de choses 
						sur la guerre et l'Occupation. Elle avait failli y 
						passer. Elle a été dénoncée par un passeur comme 
						juive... Si on veut comprendre cette période, il faut 
						tout lire, tout comprendre. Et il y a quand même des 
						témoins. 
 Tout est publiable, à condition de le présenter comme 
						il faut. On va sans doute - c'est tombé dans le domaine 
						public - rééditer Mein 
						kampf. Je suis pour. J'ai toujours milité pour la 
						réédition des pamphlets de Céline. Parce que quand on se 
						démerde, quand on est malin (ou qu'on a de l'argent) on 
						achète les éditions originales ou les éditions pirates. 
						"
 (Surlering.com,29 mars 2010).
 
         
						 * Pierre-André TAGUIEFF (philosophe, 
						politologue) : " A travers le cas Céline, on peut 
						observer comment l'un des principaux mythes politiques 
						modernes, celui de la conspiration des Illuminati, des " 
						judéo-maçons " ou des " Sages de Sion ", est passé en 
						littérature. Le grand récit conspirationniste moderne, 
						mythe d'accusation qui prétend offrir une clef de 
						l'histoire (" Les Juifs mènent le monde "), illustre le 
						délire d'interprétation qui est ordinairement donné pour 
						l'une des caractéristiques de la paranoïa. "(Philippe Roussin, Céline et la littérature, Gallimard, 2005).
 
 (...) De nouvelles sources des pamphlets et 
						l'usage de plusieurs faux antisémites, ses contacts 
						internationaux avec des réseaux nazis ou pronazis, à 
						commencer par le Welt-Dienst, l'agence de propagande qui 
						soutenait et fournissait en matériaux divers les 
						professionnels français de l'antisémitisme, tels que 
						Coston, Darquier ou Petit, documentaliste de Céline pour 
						ses pamphlets. Ou ses liens avec le leader pronazi 
						canadien Adrien Arcand, et son coup de pouce au 
						négationniste naissant.
 (Céline, la race, le Juif, Annick Duraffour et Pierre-André Taguieff, 
						Fayard, 2017).
         
						 * Sylvain TESSON (écrivain voyageur, fils de 
						Philippe Tesson patron du Quotidien de Paris, 
						prix Goncourt de la nouvelle 2009, prix Médicis 2011, 
						prix Renaudot en 2019 pour La panthère des neiges) 
						: " Et voilà qu'aujourd'hui, avec une autosatisfaction 
						inouïe, des technos, persuadés que la Terre a attendu 
						leur venue au monde pour commencer sa rotation, 
						voudraient transformer la langue. Il faut se représenter 
						la confiance qu'ils ont en eux, ces " gestionnaires du 
						monde qui change ", pour s'en prendre à la langue 
						française, vieille dame punk. 
						Imaginons la scène : ils se lèvent le matin, se regardent dans la glace et 
						se disent : " Je vais réformer la langue, fleurie par 
						Marie de France, stabilisée par les Valois, soulevée par 
						Rabelais, solennisée par Racine, déliée par Marivaux, 
						polie par Montesquieu, enluminée par Hugo, illuminée par 
						Rimbaud, stratosphérisée par Breton, électrocutée par 
						Céline, solarisée par Camus, évangélisée par Mauriac - 
						je vais la réinventer totalement, moi M. Jourdain de la 
						vigilance lexicale. " Quel culot ! "
 (Le Figaro, 3 décembre 2021).
 
						  
						  
						  
						  
						
 * Pierre-Aimé TOUCHARD (administrateur de 
						théâtre, écrivain, homme de télévision, 1903-1987) : " 
						Ce Bardamu qui explique sa peur, qui ne s'en fait plus 
						un panache, qui est sans cesse en quête d'une beauté 
						plus grande, qui s'éduque lui-même, qui éduque le 
						malheureux Pistil, comme il est différent de celui que 
						nous connaissons
  d'après 
						le Voyage. Sans doute, il a perdu de sa hideuse 
						grandeur. Sans doute, il n'est plus qu'un pauvre être, 
						mais nous sentons qu'on peut l'aimer, et quand la petite 
						Janine, au dernier acte, veut le forcer à accepter son 
						amour, et qu'il refuse, par peur d'aimer vraiment, lui 
						qui prétend n'aimer que par peur de mourir, sa misère 
						est si criante, si immense sa solitude, que l'on 
						découvre en soi un attachement insoupçonné, une pitié 
						soudain jaillissante qui voudrait pouvoir s'exprimer et 
						convaincre - et en même temps - et pour la première fois 
						aussi, une vraie colère, violente et rageuse contre cet 
						imbécile dont la lâcheté fait la misère. 
 Et dès lors on ne peut plus douter que le Bardamu du Voyage ne soit 
						qu'une attitude. Et l'on serait tenté d'en remercier 
						Céline. Mais lui-même, n'a-t-il pas voulu signifier 
						nettement qu'il se détachait de son héros, en le faisant 
						viser par Janine, en fin de pièce ?
 Relisez les quelques lignes de préface qu'il a écrites pour l'Eglise 
						: " nous n'avons pas changé grand' chose en la donnant 
						hier à l'imprimeur... Tout de même... Cette petite 
						Janine qui se résignait alors, nous l'avons fait 
						revenir... avec un révolver... Trois lignes, tout à la 
						fin... Vous verrez... Elle va brutaliser notre 
						comédie... Pourquoi ? Est-ce là tout ce que nous avons 
						appris en dix ans ? Mais vous-même ? "
 (Céline et Bardamu, Les critiques de notre temps et Céline, Garnier, 
						1976).
 
 
 
 
						
						
   
						
 * Jean-Marie TURPIN
						 (petit fils de 
						Louis-Ferdinand Céline, écrivain, théologien, 
						philosophe) : " Lorsqu'il était en prison au Danemark, 
						ma mère m'a demandé de lui écrire,
  j'avais alors une dizaine d'années. Nous avons eu une 
						correspondance suivie et très gentille pendant plusieurs 
						années. Dans mon adolescence, ma mère s'est débrouillée 
						pour que j'aie accès à tous ses écrits. J'ai tout lu. 
						J'étais avec un copain mais il est resté dehors. Je suis 
						rentré dans la maison sans sonner. Je suis tombé 
						directement sur Céline, surpris de me voir. 
						 Il n'avait pas beaucoup de temps 
						pour me recevoir, il était malade, submergé par la 
						presse qui s'intéressait de nouveau à lui. Il n'avait 
						pas envie d'accorder d'interview, il souhaitait terminer 
						son œuvre. J'ai débarqué 
						là-dedans ! Il m'a interrogé sur mes études, a été 
						surpris que j'aie lu son œuvre 
						et a vérifié mes connaissances en me posant des 
						questions. L'entretien a été drôle et caustique. Céline 
						avait un humour fracassant, une ironie féroce. C'était 
						un grand-père comme je le rêvais. Malheureusement 
						l'entretien fut bref et il me demanda de revenir le voir 
						avec le baccalauréat en poche. Il devait mourir quelques 
						mois après. "(In Bertrand Arbogast, J. M. Turpin termine son prochain livre à 
						Armenonville, La République du Centre, Année Céline 
						1995, Du Lérot).
 
						  
						  
						  
						  
						 
						  
						 * Llosa Mario VARGAS (écrivain 
						péruvien naturalisé espagnol, auteur de romans et 
						d'essais politiques, prix Nobel de littérature 2010) : " 
						Quand je suis arrivé à Paris, tous les grands talents 
						étaient encore vivants : Camus, Sartre, Malraux. Et ils 
						publiaient. C'étaient les débuts du théâtre de 
						l'absurde. Le Nouveau Roman. Au cinéma, il y avait la 
						Nouvelle Vague. On commençait aussi à reconnaître le 
						génie maudit de Céline. 
						 
						 Je l'ai lu avec beaucoup de réticences pour des 
						raisons politiques évidentes : sa relation avec le 
						nazisme, l'antisémitisme. Puis, j'ai lu Voyage au 
						bout de la nuit et Mort à crédit et j'ai 
						compris qu'il était un génie. Ce qu'il a fait avec la langue de la rue, de la banlieue, c'est 
						incroyable. Son monde est évidemment sordide, mais 
						Céline était un grand créateur. "
 (Le Figaro Littéraire, entretien avec Bruno Corty, 17 mars 2016).
 
						  
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