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                                                                                RÉACTIONS

 

 

 

      EN REPONSE AU JOURNALISTE EDOUARD HELSEY

 " Il est soufflé, merde, ce cave !... De quel droit il se permet, ce veau, de salir de la sorte ?... Mais j'ai jamais renié rien du tout ! Mais j'ai jamais adoré rien !... Où qu'il a vu cela écrit ?... Jamais j'ai monté sur l'estrade pour gueuler... à tous les échos, urbi et orbi : " Moi j'en suis !... moi j'en croque !... j'en avale tout cru !... que je m'en ferais mourir !... "
 Non ! Non ! Non ! J'ai jamais mirconisé, macronisé dans les meetings !... Je vous adore mon Staline ! mon Litvinoff adoré ! mon Comitern !... [NDLR, Komintern] Je vous adore éperdument ! Moi j'ai jamais voté de ma vie !... (...) J'ai toujours su et compris que les cons sont la majorité, que c'est donc bien forcé qu'ils gagnent !... Pourquoi je me dérangerais dès lors ? ".
  (En réponse au journaliste Edouard Helsey qui l'avait accusé d'avoir renié son engouement pour le communisme, BC, n° 386, juin 2016, p. 9).

 

 

 

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        Les cinq enfants de la tzarine...

 On s'est cogné qu'une seule fois, mais terrible, avec Nathalie... C'était en revenant de Tzarkoï, le dernier château du Tzar... Nous étions dans une auto... nous allions assez bonne allure... cette route-là n'est pas mauvaise, Quand je lui fais alors la remarque... à la réflexion... que je trouvais pas de très bon goût... cette visite... chez les victimes... cette exhibition de fantômes... agrémentée de commentaires, de mille facéties...
 Cette désinvolture, hargneuse, énumération... acharnée, des petits travers... mauvais goût... ridicules manies " Romanov "... à propos de leurs amulettes, chapelets, pots de chambre... Elle admettait pas... Elle trouvait parfaitement juste, Nathalie. J'ai insisté. Malgré tout, c'est de là, de ces quelques chambres, qu'ils sont partis tous en chœur, pour leur destin, les Romanov... pour leur boucherie dans la cave...

 [...] Ça me faisait pas plaisir du tout de voir comme ça les assassins en train de faire des plaisanteries... dans la crèche de leurs victimes... Je me trouvais d'un seul coup tzariste... Car ils furent bien assassinés bel et bien, massacrés, absolument sans défense dans la cave de Sibérie... après quels transbahutages !... des mois !... avec ce môme hémophile... entre tous ces gardes sadiques et saouls, et les commissaires judéo-tartars... Enfin la grande rigolade... On se rend compte... L'intimité des morts... les pires salopes, avant de crounir... ça regarde plus personne... C'est pas toujours aux assassins de venir dégueuler sur leurs tombes... Révolution ?... Bien sûr !... Certes ! Pourquoi pas ?... Mais mauvais goût, c'est mauvais goût...
 
 " Pourquoi ?... Pourquoi ?... qu'elle ressautait... Elle voulait pas, la carne, comprendre... Le tzar, il était sans pitié !... lui !... pour le pauvre peuple !... Il a fait tuer !... fusiller !... déporter !... des mille et des mille d'innocents !...
 - Les bolchevicks l'ont bien promené pendant des semaines, à travers toute la Sibérie. Ils l'ont buté finalement dans la cave, avec tous ses gnières ! à coups de crosse !... Alors il a payé !... Maintenant on peut lui foutre la paix... le laisser dormir...
 - Il faut que le peuple puisse apprendre !... s'instruire !... Qu'il puisse voir de ses propres yeux, comme les Tzars étaient stupides... bourgeois... bornés... sans goût... sans grandeur... Ce qu'ils faisaient de tout l'argent ! les Romanov ! des millions des millions de roubles qu'ils extorquaient au pauvre peuple... Le sang du peuple !... des amulettes !... Avec tout le sang du peuple ils achetaient des amulettes !
 - C'est pas quand même une raison... Ils ont payé... C'est fini !... "

  Elle était insultante, la garce !... je me suis monté au pétard... Je suis buté comme trente-six buffles, quand une gonzesse me tient tête...
 - Vous êtes tous des assassins ! que je l'ai insultée... encore pire que des assassins, vous êtes tous que des sacrilèges vampiriques violeurs !... Vous chiez maintenant sur les cadavres tellement vous êtes pervertis... Vous avez plus figure humaine... Pourquoi vous les faites pas en cire ?... comme chez les Tussauds ? Avec les blessures béantes ?... et les vers qui grouillent ?...
 Ah ! mais elle rebiffait, terrible. Elle voulait pas du tout admettre... la petite arrogante saloperie... elle rebondissait dans la bagnole... Elle s'égosillait... " La Tzarine était pire que lui !... encore pire... Mille fois plus !... cruelle je vous dis !... Un cœur de pierre !... Elle ! la vampire !... mille fois plus horrible que toute la Révolution. Jamais elle a pensé au peuple !... Jamais à toutes les souffrances ! de son pauvre peuple ! qui venait la supplier !... A tout ce qu'il endurait par elle !... Jamais !... Elle avait jamais souffert elle !...

 - La Tzarine ?... mais vertige d'horreur ! mais trombe d'ordures ! Mais elle avait eu cinq enfants ! Tu sais pas ce que c'est cinq enfants ? Quand toi t'auras eu le cul grand ouvert comme elle ! cinq fois de suite, alors tu pourras causer !... Alors t'auras des entrailles ! de souffrances ! de souffrances !... Purin !... "
 C'est dire si j'étais en furie... C'était de sa faute ! Je voulais la virer de la bagnole !... Je me sentais plus ! de brutalité ! Je devenais tout Russe !... Il fallut que le chauffeur il ralentisse... il arrête... qu'il intervienne, qu'il nous sépare... on se bigornait... Elle a pas voulu remonter ! elle était têtue... elle a fait tout le retour jusqu'à Leningrad à griffe. Je l'ai pas revue pendant deux jours. Je croyais que je la reverrais jamais... Et puis voilà, elle est revenue... C'était déjà oublié !... On était pas rancuneux... Ça m'a fait plaisir de la revoir. Je l'aimais bien la Nathalie.
 (Bagatelles pour un massacre, Ed. 8, Ecrits polémiques, août 2017, p.323).

 

 


 

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                                                   A JOHN MARKS

                                                                 Jersey le 18 [mai 1937.]

                             Mon vieux,

    Il m'est arrivé ici même une bien drôle d'aventure. Arrivant de St-Malo, Scotland Yard m'a trouvé si suspect que je fus pratiquement arrêté, traité avec la plus grande insolence (you lie sir 1 !) littéralement insulté pendant une heure - mon passeport retenu par la police pendant 4 jours. Cet imbécile ne voulait pas croire que je n'avais que des intentions pacifiques. Un imbécile de S.Y. 2 de Londres spécialement envoyé pour les circonstances - il prétendait tout gratuitement que je venais à Jersey rejoindre des complices ! d'un complot ! pour tuer le roi ?... enfin du délirant grotesque ! de l'odieux ! Le consul heureusement est venu m'identifier, certifier mes parfaites intentions. Tout de même ce fou de police ne voulait pas lâcher sa proie. Pour toutes sortes de raisons, il me garda sous surveillance pratiquement bouclé à l'hôtel. Il a fallu toute l'intervention du consul, et fort violente je vous assure, pour que cette farce se termine. Ce matin seulement on m'a rendu mon passeport avec les excuses du Lieutenant Gouverneur. La Coronation rend l'Angleterre hystérique. Que dirait le Foreign Office si l'un de ses magnifiques écrivains était traité de la sorte à Boulogne ou à St-Malo. Vous me ferez plaisir en répétant ce petit écho dans l'oreille des journalistes. Je n'ai jamais aimé S.Y. Je n'ai jamais aimé les bourriques et, si je peux les emmerder, je n'y manque jamais. En rentrant j'irai sans tarder exposer mes doléances à l'Ambassade et chez Comert à la presse des Affaires Etrangères. Ce détective était encore plus stupide que Cook, beaucoup moins bien élevé. Tour à fait insolent. Il m'a gâché mes vacances.
    A vous bien affectueusement
                                                                                                                                                                L F D
1 " Vous mentez, Monsieur. "
2 Scotland Yard, la police britannique, qui sera évoquée dans Guignol's band en la personne de l'inspecteur Matthew.

 (Lettres, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard 2009, p.532).


 

 

 

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  A LA MORT DE SON PERE.

 - Vous n'avez pas eu de problèmes pendant l'Occupation ?
 - Non, pas réellement. Mon père avait coupé les ponts avant la guerre. Je le voyais assez peu. Il ne voulait pas que je sois inquiétée par ses prises de position. C'est presque par hasard que j'ai su qu'il avait quitté la France en juin 1944.
 - Vous ne l'avez pas revu jusqu'à son retour en France ?
 - Non. Nous avons correspondu, mais je ne l'ai revu que chez les Marteau en 1951.
 - Les retrouvailles ?
 - Oui. C'était très émouvant. Je monte un très grand escalier et, en haut de l'escalier, un vieil homme tout maigre... Je l'ai reconnu de suite. On s'est jeté dans les bras l'un de l'autre, on a pleuré longtemps...
 - Comment avez-vous appris la mort de votre père ?
 - Par télégramme. Lucette ou quelqu'un de Meudon nous avait prévenues. Le télégramme est arrivé à notre appartement de la rue Vaneau, mais, ma mère et moi, étions sorties faire des courses. Quand le facteur ou le concierge - je ne m'en rappelle plus précisément - nous a apporté le télégramme dans la rue, c'est ma mère qui l'a ouvert en premier. Elle a violemment accusé le coup et m'a tendu le télégramme. Je le lis et j'apprends que mon père est mort. Je me retourne vers ma mère et je la vois pleurer abondamment.
  Cela me surprenait un peu car, s'ils étaient restés en bons termes, cela faisait longtemps qu'ils ne vivaient plus ensemble. Je lui demande alors : " Tu es triste maman ? " Elle me répond simplement : " Tu ne peux pas savoir à quel point. " Puis nous sommes parties pour Meudon.
 - Vos parents avaient encore des sentiments l'un pour l'autre ?
 - Oui. Souvent mon père disait à ma mère : " Quand on sera morts et enterrés tous les deux à Meudon, Lucette viendra fleurir notre tombe. "
  (Propos recueillis par David Alliot, le 12 nov. 2001).


 

 

 

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  DÉBARRASSÉ.

  Ça se clamait déjà, bavait, friturait ! toutes les " Bibici " ! de la Fourche à la gare du Nord... au point que les nouvelles à Rommel passaient après mes exploits ! L'immonde Céline ! le plus fumier numéro boche rêvable croyable ! la preuve comme ils sont montés Arlette, moi, à peine partis, le 22 mars, la grande Brigade épuratrice !
  Ils ont chassé ma mère aveugle, ils ont tout cambriolé, brûlé 17 manuscrits, ils ont vendu les draps aux " Puces " ils savaient pas pour " Guignol's band "... " Krogold " non plus... ni " Casse-Pipe "... Ils en ont mis au garde-meubles mais comme ils ont rien pu payer ça s'est vendu Salle Drouot catimini. Ah je suis au courant des mic-macs... Y a des familles d'Epurateurs qui ont encore plein de mes bibelots !...

  Je peux pas dire au Concile des Mises : Vous protégez les pirates !... Il me fouterait une autre amende : calomniateur, etc... moi qu'ai encore tant à payer ! à deux, trois, quatre Républiques ! Je me rachèterais jamais un lit-cage !... Et l'héritage de ma mère ! Ils l'ont virée ! virée ma mère, avant qu'elle meure ! Oh, mais je fais très attention  ! Je me plains pas à tort à travers ! Vous me direz : Vous êtes si déchu vous devriez bien vous finir !... Bon !... Quand je me finirai je vais vous dire : c'est en pensant aux animaux, pas aux hommes ! à " Tête de Chou ", à " Nana ", à " Sarah " ma chatte qu'est partie un soir qu'on n'a jamais revue, aux chevaux de la ferme, aux animaux compagnons qu'on souffert mille fois comme des hommes ! lapins, hiboux, merles ! passé tant d'hivers avec nous ! au bout du monde !... la mort me sera douce... j'aurai donné mon cœur à tous... je serai débarrassé de vos mensonges !... Je serai débarrassé de Tante Estrême ! de Clémence ! du brutal Toto !...

  Ils danseront plus dans mes murs !... Putois s'écrasera plus la tête... Je veux pas que la mort me vienne des hommes, ils mentent trop ! ils me donneraient pas l'Infini !

  (Féerie pour une autre fois, Folio, 1977, p.264).
 

 

 

 

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  LE JUIF DU DISPENSAIRE.

                                             Le 18-V-1951.
 
    Mon vieux,

  Il est toujours impossible de faire convenir aux gens qu'ils se sont conduits à mon égard en abominables dégueulasses persécuteurs ! es-tu surpris ? On m'aurait pendu en 44, ça aurait arrangé tout le monde... ! On aurait recouvert mon cadavre de tombereaux de merde de calomnies et tout serait dit ! MAIS je suis vivant. Il faut s'expliquer - on ergote et on ment. On s'embarbouille dans les conneries, allusions, mystères, etc. On s'en fout plein les doigts. Je suis AMNISTIE et c'est tout.
  Le premier que je prend aux allusions je lui fous un procès et c'est tout. Quel est cet article de l'Aurore ? Je voudrais bien le lire. Je le passerai à Tixier. Les juifs que j'ai fait foutre à la porte du dispensaire de Clichy ? Ah l'effronterie, c'est tout le contraire qui s'est passé !

  J'ai été viré par la municipalité communiste aux ordres du Dr... émigré juif lithuanien, et pas du tout MEDECIN : imposteur, mais dont le frère était rédacteur à la PRAVDA, imposé à Clichy par la Pravda... dès son arrivée nommé médecin-chef, (comme celui de l'Ass. Nationale !) en dépit de toutes les Lois françaises, parlant à peine le français, a entrepris de virer tout ce qui n'était pas juif, et surtout moi ! qui avais monté le dispensaire et qui représentais le français, français haï !... Il y est parvenu. J'ai dû donner ma démission.
  Les Juifs que j'ai fait expulser ! Saloperies !

 Mon Dossier vide très vide ! Après sept ans d'Instructions enragées, Mayer, Machin, Lacache, ces archi-cons peuvent penser que s'il n'avait pas été plus que vide !...
  On oublie ! Heureusement cela est stipulé dans mon amnistie que j'ai fait un an et demi de réclusion au Danemark, moi condamné à un an sur merde !
  Mais le plus chouette est que cet ... était en même temps un espion de trois ou quatre nations étrangères. Et au début de la guerre le Gv militaire de Paris (le Général Herry je crois) a tout de même fouillé dans son dossier... s'est réfugié chez Salomon Grumbach, le Sénateur. Mais même Grumbach ne pouvait plus le couvrir ! Il s'est suicidé au cyanure, dans le café du Palais de Justice, avant de se rendre à la convocation du Juge d'Instruction ! Ah ! Parlez-moi de Clichy qu'on rigole !

  Les A.D. sont des mégottiers imbéciles. Ils veulent faire fortune à la carambouille. C'est tout. Monnier en a fini avec eux, et moi itou. Veux-tu envoyer à France-Dimanche cette rectification ?  
              Mille baisers,
                                                                                  L.-F. C.

  (Lettre à Albert Paraz, Les Cahiers de l'Herne, Poche-Club, 1968, p.102).     

 
 

 

 

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                                                        A ALPHONSE DE CHATEAUBRIANT

                                                                                              [30 août 1941.]

  [...] Pour une vilaine petite affaire personnelle pardonnez-moi d'avoir encore recours à vous. Mais je désespère de recevoir jamais la moindre réponse de l'ambassade 1 où l'on m'ignore absolument mais où l'on connaît par leurs petits noms les monstres faisans du Front Populaire - Il s'agit d'une merveilleuse muflerie que l'on s'apprête à me jouer en Hollande où j'ai un coffre (lettre ci-jointe 2). Je considère l'effraction de mon coffre comme une insulte personnelle et un lâche et révoltant brigandage - Je ne suis point assez niais pour [un mot illisible] dans les prétextes invoqués, il s'agit purement et simplement de voler des véritables valeurs et de leur subtiliser des devises en monnaie de singe - un point c'est tout.

 
 Qu'ils agissent ainsi avec les gaullistes ou les juifs - tant mieux - Mais avec leurs rares amis, ceux qui ont été condamnés, traqués, persécutés, diffamés, pour leur cause et non aujourd'hui, mais de 36 à 39 - sous Blum - Daladier - Mandel
3 - c'est un comble - une monstrueuse saloperie -Quelle leçon pour leurs hésitants collaborateurs ! Les Dieux-diplomates de la rue de Lille sont protégés du commun par un tel écran de lèche-culs, à baïonnettes et sans baïonnettes, que je ne crois jamais pouvoir leur faire entendre une protestation à moins que vous ayez la bonne amitié de vous en charger. - J'ai protesté à La Haye auprès de cette Banque avec véhémences et motifs - mais encore... Il s'agit sans doute de brutes militaires gangstérisés qui foncent au butin... Il faudra bien que je cède à la force mais alors on m'aura fait violence et peut-être un jour aura-t-on l'occasion de le regretter - Vous savez mon cher Chateaubriant que je n'ai jamais reçu un sou de l'Allemagne et ne lui demande rien. Je demande simplement que les autorités allemandes aient l'obligeance de me foutre la paix, de me considérer comme un vague neutre, guatémaltèque ou San Marin 4 - Est-ce trop demander ?
 
   Je me considère déjà comme assez lésé d'être privé de l'usage de mon avoir
5 - qu'ils aient  la bonté de laisser mon coffre tranquille et d'attendre la fin de la guerre - où tout se règlera. Cette apothéose de vacherie, cette monstruosité sans nom, me frappe au moment où je projetais de lancer une campagne en faveur de la croisade antibolchévique - Je crois être assez capable de rallier beaucoup plus de monde que les pâles jean-foutre qui s'en sont occupés à ce jour - soit dit sans vexer les génies diplomatiques de la rue de Lille - Je voulais peut-être créer un corps sanitaire français de médecins et de chirurgiens 6 en faveur de la Légion 7 - prendre les choses sous leur aspect plus vaste la participation de la médecine et de la chirurgie française... Je vous aurais demandé vos colonnes... mais je suis refroidi - Zut !! - C'est trop de mufleries accumulées depuis quelque temps - Assez ! on se décourage à force de se sacrifier toujours et toujours pour des mufles - On encourage aussi le vice, de tous ces ronds de cuir parfumés qui se croient chiés par Talleyrand, pondus par Bismarck [...]

1 Céline s'est donc déjà adressé rue de Lille à l'ambassade d'Allemagne dirigée par Otto Abetz.
2 Lettre de l'Amsterdamer Bank à La Haye l'avisant qu'en vertu d'une ordonnance tous les coffres appartenant à des étrangers allaient être ouverts et lui demandant les clefs du sien.
3 Georges Mandel, homme politique radical, avait été ministre dans plusieurs gouvernements d'avant-guerre, mais jamais, comme Léon Blum ou Edouard Daladier, président du Conseil. Il fut abattu en 1944 par le Milieu.
4 Citoyen de la République de San Marin.
5 Une première ordonnance avait prévu un blocage des comptes étrangers.
6 Céline s'expliquera plus en détail sur cette initiative dans une nouvelle lettre. Elle pourrait bien relever de l'opportunisme plutôt qu'être un projet réel.
7 L'opinion négative portée sur la L.V.F. en 41-40 concernait non les combattants mais les initiateurs politiques.

 (Lettres, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard 2009, p. 643).

 

 

 



                                                                                                               
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  DE JEAN-PAUL LOUIS.

 (...) Autre trait à propos d'un article sur Céline paru dans Le Canard enchaîné sous la signature de David Fontaine. Lequel approuve cette sentence d'André Derval : " Après ce qu'il a écrit ou fait avant et pendant la guerre, Céline n'a pas sa place dans les commémorations officielles ".
  Commentaire acidulé de l'éditeur de L'Année Céline : " Il a pourtant trouvé sa place à l'IMEC, et même à Beaubourg, endroits peu convenables pour un tel individu. On peut se demander, question très délicate, ce qui pousse encore Derval et Fontaine à prononcer son nom honni. "
  Quant à l'album Céline. Derniers clichés, l'éditeur de L'Année Céline relève qu'il " atteint à l'extravagance grâce à la préface de Viviane Forrester [NDLR : que nous avions également épinglée ici] : regardez-moi ce pauvre type, semble-t-elle dire, qui n'est même pas un monstre, même pas un " rebelle audacieux ", mais un " furieux " qui " appelle au meurtre, à l'extermination " - et de se répandre longuement sur Bagatelles pour un massacre.

 Mais il est clair que Céline l'écœure, et trente fois à la suite : il triche, aussi, puisqu'il ne " délire pas ", qu'il n'est pas plus léger parce que les autres sont lourds, " il sait mais il esquive ". Viviane Forrester passe par-dessus le " style fasciste " que certains évoquent, pour aller plus loin et de manière définitive, croit-elle, semer le doute sur la sincérité même de l'inspiration, sur ce qui reste habituellement au crédit de Céline même pour ses plus obstinés ennemis - être l'ennemi mortel d'un cadavre de cinquante ans d'âge, voilà à mon sens de quoi faire ricaner les impies, et scandaliser les croyants ".
 
Gageons que l'éditeur de L'Année Céline n'a pas fini de dauber sur " l'épaisse couche de moralité à bon marché " qui envahit quasi tous les écrits concernant l'auteur de Mort à crédit.
  (M.L., L'Année Céline 2011, fameux millésime !, BC n° 350, mars 2013).

 

 

 

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   D'UN AVOCAT L'AUTRE.

  La vente du manuscrit de Voyage au bout de la nuit a suscité quelques remous, on le sait, dont un piquant débat entre deux maîtres du barreau.
  Tout commence le 19 mai lorsque Le Figaro publie cette lettre dans son " Courrier des lecteurs " :
 " Il faut que la tolérance et la compréhension connaissent certaines limites. L'empathie n'est pas une fin en soi et doit s'arrêter au début du chemin de l'intolérable. Or, il m'apparaît que cette limite a été atteinte par la décision  de la Bibliothèque Nationale de France de préempter le manuscrit de Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline.
  Ce n'est pas le " talent " de l'auteur qui est ici en cause : c'est le fait qu'une œuvre, largement fondée sur la haine et l'exclusion, ne saurait trouver une place privilégiée dans le patrimoine de la nation : c'est le fait que - sauf à ce que les mots et la mémoire n'aient aucun sens - l'antisémitisme de Céline ne permet pas à la République de favoriser son entrée dans le panthéon officiel de la littérature. Que les lecteurs plébiscitent son œuvre en achetant ses livres, que les milliardaires collectionneurs acquièrent ses manuscrits, cela relève de leur conscience, dans laquelle l'Etat n'a pas à s'immiscer. Mais que l'argent public soit utilisé dans un tel but, cela blesse des sentiments respectables, cela porte atteinte à une certaine idée de la France, cela ravive - ou ravivera demain - des querelles d'un passé révolu. "
Signé Daniel Amson, professeur des facultés de droit et avocat à la cour d'appel de Paris.

  Cela lui valut, le 23 mai, la réplique cinglante de son confrère François Gibault, président de la Société d'Etudes céliniennes et biographe de Céline :
 " J'ai lu avec consternation, dans votre édition du 19 mai, l'intervention de Daniel Amson au sujet de l'acquisition, par la Bibliothèque nationale de France, du manuscrit de Voyage au bout de la nuit. M. Amson se trompe, ce n'est pas le manuscrit de Bagatelles pour un massacre qui vient d'être préempté par l'Etat français, mais celui d'un des plus beaux romans du XXe siècle, dans lequel Céline a dénoncé, avec une extrême vigueur et le talent qu'on sait, l'absurdité de la guerre, les excès du colonialisme, la misère partout dans le monde et l'exploitation de l'homme par l'homme, en Afrique aussi bien que dans les grandes cités industrielles américaines.
  Voyage au bout de la nuit n'est donc pas une œuvre " fondée sur la haine et l'exclusion ", acquise avec " l'argent public " , mais une sorte de cri lancé pour que les hommes cessent de s'entre-tuer et de se haïr, dont le manuscrit a été acquis de surcroît, du moins pour l'essentiel, grâce à la générosité d'un mécène étranger qui ne s'est pas mépris sur le sens de ce livre ni sur la place qu'il tient dans la littérature française du siècle passé.
  Tout le monde a évidemment le droit d'être sectaire et d'exprimer librement ses opinions et mon distingué confrère est libre d'user de ces droits comme il l'entend. Tout le monde a aussi le droit de se tromper, précepte valable pour Céline comme pour Daniel Amson. "
  
Fermez le ban !                                    
                                                                     
M.L.
  (BC n° 223, septembre 2001).

 

 

 

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   MICHEL AUDIARD.

  Audiard était, comme on sait, un fervent lecteur de Céline. Il ne voulait même pas entamer une discussion avec ses détracteurs. " J'parle pas aux cons, ça les instruit. " disait-il.
  Il avait eu des mots très durs pour Pierre Lazareff qui - paradoxe - était, lui aussi, un grand admirateur de l'écrivain, mais qui, opportunisme oblige, ne lui rendait guère hommage dans le journal qu'il dirigeait : " La conspiration du silence orchestrée en d'autres temps par la clique Lazareff (une baveuse colonne en cinquième page, pour signaler la mort de Céline) n'est plus qu'un triste souvenir. Aujourd'hui, après un long séjour par Sigmaringen, par Klarskovgaard, puis par le " contumax ", puis la Pléiade, puis l'entrée solennelle dans l'immortalité (la vraie, pas celle du Quai Conti), Bardamu, comme guidé par " l'esprit gentil des morts ", revient tout naturellement par chez lui, chez les pauvres.
  A part quelques prébendiers au rancart, qui se souvient encore de Lazareff ? C'est toute la différence entre Voyage au bout de la nuit et " Paris-Soir. "

  Ce texte, écrit en 1980, et bien d'autres, on peut les relire dans la belle collection de René Chateau, " La mémoire du cinéma français. " On y trouve surtout quelques-unes des répliques qui firent sa renommée au cinéma. En voici, de celles qui resteront : " Dans la vie, il y a deux expédients à n'utiliser qu'en dernière instance : le cyanure ou la loyauté " ; " Un intellectuel assis va moins loin qu'un con qui marche " ; " A travers les innombrables vicissitudes de la France, le pourcentage d'emmerdeurs est celui qui n'a jamais baissé ", et celle-ci que Céline eût pu signer : " La vérité n'est jamais amusante, sans cela tout le monde la dirait. "
  (Audiard par Audiard, Ed. René Chateau, dans BC n°216, janvier 2001).

 

 


 

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                                                            A ALBERT NAUD

                                                                                         Le 18 [avril 1948]

      Mon cher Maître et Ami

 Je demeure hanté par la question de vos honoraires. Vous y avez fait allusion et très justement dans une de vos lettres... J'y reviens. Comment vous honorez ? Il a couru bien des mensonges au sujet de mes trésors cachés ! Hélas ! où seraient-ils ? On m'a tout saisi, et mes livres. Vous le savez, mes revenus donc. Il me reste quelques bicoques - Du diable si je sais ce qu'elles sont devenues ! Je vous les offre pardi ! un petit local à St Germain en Laye 1 Rue Claude Debussy au 5e Etage, tout moderne, 3 pièces et salle de bains, m'appartient... (enfin je le présume) en tout cas je l'avais acheté et payé - Je me le réservais pour plus tard, il donne en plein, il domine la forêt. Il n'y aura pas " de plus tard " pour moi - Si vous pouvez l'arracher aux recors - eh bigre il est à vous ! ou autre chose... faites votre choix - Vous savez je suis d'une toute petite famille d'avant 14 - où on se serait pendu plutôt que de faire tort d'un sou à personne. J'ai gardé cette mentalité - J'aime tout donner - J'ai horreur de recevoir mais " devoir " ? oh là ! vous " devoir " un centime ! j'aimerais mieux vous assassiner !
     En toute fidèle amitié
                                                                                                                                                   L F Céline

 (Lettres, La Pléiade, Gallimard 2009, p. 1040).


 

 

 

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   LE MAL QU'ILS SE DONNENT A TEL-AVIV...

 J'entends comme ça à la radio le mal qu'ils se donnent à Tel-Aviv pour accueillir leurs braves frères juifs qui leur arrivent de partout, de Patagonie en Alaska, de Montreuil à Capetown, tous si persécutés, pantelants, héros du travail, du défrichage, du marteau, de la banque et faucille... le mal qu'ils se donnent à Tel-Aviv pour recevoir leurs frères dispersés ! Comités affectueux d'accueil, larmes à gogo, gerbes d'azalées, dons en nature, espèces, orphéons, baisers (...).

  Je dis que ce pays d'Israël est bien une vraie patrie d'accueil et que la mienne est toute charognerie... parole d'engagé volontaire, mutilé 75 %, médaille militaire et tout... en plus, vous me permettrez, j'ajoute, écrivain styliste du tonnerre, preuve comme je suis absolument de la " Pléiade " tels La Fontaine, Clément Marot, du Bellay et Rabelais donc ! et Ronsard !... vous dire si je suis un peu tranquille, que dans deux, trois siècles j'en aiderai à passer le bachot... "
  (Rigodon, p.292).

 

 


 

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   JE L'OUVRE QUAND JE VEUX...

 Je connais le monde trop bien, ses façons, je l'ai pratiqué trop longtemps pour ne pas être mithridatisé en long et en large. J'ai mis de côté un petit paquesson pour les jours périlleux.
 (...) Pendant trente-cinq ans, j'ai travaillé à la tâche, bouclant ma lourde pour ne pas être viré de partout. A présent, c'est fini, bien fini, je l'ouvre comme je veux, où je veux, ma grande gueule, quand je veux.
  Ne vous cassez pas l'haricot. (...) A soixante et onze ans j'emmerderai encore les Juifs, et les maçons, et les éditeurs, et Hitler par-dessus le marché, s'il me provoque.
  (...) Voilà Ferdinand, au poil. Il faudra le tuer. Je ne vois pas d'autre moyen.
 (L'Ecole des cadavres, p.299).

 

 

 

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    CELINE POETE.

 Dans sa revue Aujourd'hui Poème, André Parinaud a reproduit les moments forts d'un débat sur la poésie. Il donna lieu à un vif échange entre Charles Dobzynski et Philippe Sollers. Extrait :

 Charles Dobzynski. Je ne souhaite pas m'en prendre à Philippe Sollers en tant qu'écrivain, dont j'admire certaines œuvres comme Paradis, mais je me refuse au cloisonnement arbitraire qui consiste à noyer la passion de la poésie dans une image. Quand la forme poétique disparaît, la poésie ne peut exalter la poésie, elle doit d'abord être elle-même, c'est-à-dire un langage qui va à l'essence et à l'indicible. Il utilise les mots avec une manière de les assembler et de les porter vers un lecteur virtuel. Une manière unique. Et ne peut être confondu avec la prose. Pourquoi un prosateur serait-il appelé un poète ? Sollers est un romancier, à ne pas confondre avec un poète ! Proust était-il un poète ? Non !

Philippe Sollers. Oui ! Mais oui ! (il hurle) Oui !

Charles Dobzynski. Non ! C'est trop facile, Monsieur Sollers, de jouer avec les mots.

Philippe Sollers. Et Céline aussi était un poète.

Charles Dobzynski. Je l'emmerde ! C'est non ! Céline est un salaud ! Oui, proclamons-le, René Char, Michaux sont de grands poètes. Chacun est source d'une nouvelle conception dans la façon de regarder notre monde autrement, avec un langage particulier. Mais j'établis une distinction entre une œuvre qui se veut romanesque et dont le projet de recherche n'est pas d'écrire un poème. Il existe des formes différentes en littérature.

 (Sollers répond). Le brouhaha est intense. Charles Dobzynski demande qu'on lui rende la parole. Des cris se font entendre. Des imprécations : " C'est une réunion de merde, dit Charles Dobzynski. J'abandonne la discussion ", et il se lève. André Parinaud rétablit le calme.
  (Aujourd'hui Poème, 105 Bd. Hausmann, 75008 Paris, dans BC n°203).

 

 

 

 

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     LETTRE au Dr Augustin TUSET.

   Copenhague, 27 mars [1947].

 " Vous pensez que votre lettre a été pour nous un message de résurrection ! Pensez après ces années incroyables... ces tribulations de déments... c'est cauchemar plus fort que la tête la plus solide... traître ? je ne suis qu'un folkloriste délirant. Un janséniste de patriotisme. Qui trouve-t-on plus français que moi ? toutes les faiblesses. Je les ai toutes... Bébert vient d'être opéré... à 17 ans un chat surpasse de beaucoup l'homme en intelligence-gentillesse, fidélité-cœur. Vous devez savoir tout ceci. Nous évoquons souvent le minet familier de votre fils... Dites à Mahé que nous avons été ignoblement trahis par nos amies - Des  ordures - des thénardières... Le plan était de me faire livrer au plus vite faire disparaître Lucette et hériter il comprendra. L'espagnol est un rasta fauché, ivrogne, ah le diable attend le moment où l'on vous enferme, pour vous faire voir le cœur de vos amis !...
   Ici j'ai eu affaire à Guy de la Charbonnière ambassadeur de France, jeune 1/2 juif, con effréné de faire oublier ses origines vichyssoises... l'Amérique se donne bien du mal. La pétition est en bonne voie... j'ai ici quelques admirables défenseurs... Mikkelsen - et puis ensuite Siedenfaden et quelques autres... un de mes plus fidèles défenseurs est Milton Hindus. Un professeur juif de Chicago. Tout est dans tout... mon statut n'est pas encore fixé. Je suis le premier réfugié politique écrivain - qu'il y ait jamais eu au Danemark.
  Je suis le cas N° 1 - depuis 1700 ans... nous avons dû faire tellement de choses depuis trois ans que je serai capable... de faire passer un chameau dans un trou de souris. Mais c'est la main qui me trahit le plus. Je suis pourri de rhumatismes... "
  (BC n°228, février 2002).

 

 

 

 

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      REPONSE AU " DROIT de VIVRE "

                                                     [14 juillet 1939.]

                     Monsieur

    Dans votre numéro du 8 juillet vous avez fait allusion en me nommant à un écho paru dans Le Canard auquel j'ai fait [déjà] suivre la réponse convenable (insérée). Je vous prie d'en faire autant [et d'insérer] (avant huissier) dans votre prochain numéro. [Je réfute en tout]
- " Je réfute en tout pour toute l'allégation totalement injurieu (biffé), fausse, mensongère du Canard qui ne contient pas un (biffé) me concernant, divagation calomnieuse délirante ne [concernant  biffé] contenant point le moindre début d'atome d'excuse ou de justification. Je ne sais rien, ni de près ni de loin, des affaires Abetz (si affaires il y eut) Je n'ai jamais ni rencontré, ni vu, ni soupçonné l'existence de cet Abetz [avant que la presse ne  biffé] ni d'aucun autre personnage, officiel ou officieux du genre.
  En fait mon dernier voyage en Allemagne remonte à 1909 - sous Guillaume II - ma dernière rencontre avec des Allemands remonte à [1914  biffé] décembre 1914 - à Poelkapelle dans les Flandres - (pour la médaille militaire) Depuis plus rien - Je ne sais rien non plus du plan de subversion, révolution Goebellienne - Mais je sais [bien  biffé] [très  biffé] très bien que la 12° Chambre n'est pas fatiguée - [et qu'elle fonctionnera pour certaines personnes -  biffé] et que Mr Cent-Mille-Pets (de bourrique) tient décidément à s'abonner à vie.
                                                                                      LF Céline      

P.S. Je n'ai jamais vu, je ne connais pas non plus, Mr Bailby, Mr de Carbuccia, Mr Daudet, Mr Hitler, Mr Buneau Varilla, Mme Lebrun, Mr Bucard, Mr Brasillach, Mr Guitry, le Général Pétail (sic), Mr Tino Rossi, Mr Lafayette, Mr Figaro...
   Je ne connais vraiment personne - une bonne fois pour toutes.
  (Lettres, Pléiade, 2009
).

 

 

 

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         A Jean LESTANDI  (Au Pilori)

 (1) Dans son numéro du 23 octobre, le journal avait proposé la création d'un Comité Centre Israélite, composé exclusivement de Juifs et responsable de l'application des décisions les concernant.
  Ce sera au mois de décembre, sous un autre nom, l'Union générale des israélites de France.

                                                                                            30 octobre 1941

   Aucun doute, mon cher Lestandi, votre idée est une grande idée napoléonienne, seulement vous savez ce qu'il est arrivé à Napoléon pour avoir voulu réunir les Juifs plus étroitement encore, les rassembler sous sa main en kahals conformes...
  Très vite leur virulence en fut exaspérée au point de faire sauter leur protecteur, vous connaissez la suite, l'effroyable suite ! Je redoute fort qu'il en advienne de même de votre C.C.I.
(1) Je vois très rapidement sous direction autonome juive cet organisme devenir le plus puissant, le plus écouté, le plus redouté des ministères de la nouvelle France (avec toute l'effrénée complicité, la ferveur, la vénération des aryens en masse). Je ne donne pas six mois avant que tous les Français viennent chercher au C.C.I. leurs mots d'ordre, leur marché noir, tous leurs artistes, leurs représentants, leurs prisonniers, leurs laissez-passer.
 Si vous n'y prenez garde, tout naturellement, les futurs présidents du conseil sortiront de la C.C.I.
 Si nous n'avions affaire qu'aux Juifs, cher Lestandi, si nuls, si grossiers, plagiaires myopes, si creux, si burlesques, tout serait simple, mais nous avons affaire aux aryens, surtout aux aryens, si vils, si veules, si dégénérés, si antiracistes, si maçons, si dégueulasses, si enjuivés. Ne l'oubliez jamais.
  Arracher un chien à son maître est œuvre douloureuse sous toutes les latitudes, je ne vois pas comment vous arracheriez le Français 1941 à son Juif. Le Français, et surtout la Française n'imaginent même pas leur existence sans juifs.
  La " symbiose ? " est totale. Ils n'éprouvent d'affection, de passion, de vice que par le Juif. Toute leur affectivité est accaparée, monopolisée par le Juif, la grimace juive, l'imposture juive.
   Il ne s'agit plus de sauver le Français, l'actuel Français est définitivement perdu, pourri, cadavérique, il s'agit de recréer du Français.
  Sous quelle mystique ?
  De quel enthousiasme ? Sous quel Dieu ?
  A votre santé, cher Lestandi ! Et bon courage ! et bien cordialement.

                                                                                                 Céline.  
 
 


 

 

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    ... de Pierre GRİPARİ...

 Et l'antisémitisme ?

 Essayons, pour une fois, de regarder les choses en face.

 Céline est antisémite. Peut-être pas tout à fait autant que Moïse, mais il l'est, c'est incontestable. S'il parle peu de juifs dans ses romans, il leur consacre en grande partie ses trois livres-pamphlets dont le premier au moins, Bagatelles pour un massacre, est un authentique chef-d'œuvre.
   Qu'y a-t-il dans Bagatelles ?
 Il y a d'abord d'admirables tableaux de l'Union prétendue soviétique. Il y a d'excellents chapitres de critique littéraire, des pages sur la danse, des livrets de ballets. Il y a une dénonciation, plus que jamais d'actualité, de l'avilissement culturel de la France, par la démocratisation forcenée, par la commercialisation cynique des arts, des lettres, du spectacle. Il y a même une prophétie du règne des " idoles ", dans le sens que l'on donne aujourd'hui à ce mot : vedettes-bidon, cabotins faussement populaires, soutenus par une publicité omniprésente et matraqueuse.

   La partie anti-juive, violente, brillante, extrêmement drôle, ne constitue nullement un appel au meurtre. Elle appartient, très banalement, à ce qu'on appelle aujourd'hui la littérature anticolonialiste. C'est que les motifs de Céline n'ont rien à voir avec l'antisémitisme chrétien traditionnel. Peu lui chaut de savoir si les Juifs ont eu tort ou raison de condamner le Christ comme faux-Messie, blasphémateur ou hérétique. Ses motifs, ou plutôt son motif unique, c'est un refus horrifié de la croisade antifasciste, de cette guerre civile européenne qu'on est en train de nous préparer sous couleur du Front Populaire, avec tout le camouflage d'optimisme et de progressisme bêtifiant que l'on retrouve dans les films français des années trente.
   Cette guerre prophétise-t-il, ne sera qu'une guerre juive, faite pour le seul profit des juifs et des staliniens. Nous autres, indigènes d'Europe, nous n'avons rien à y gagner, et tout à y perdre.

   Il faut, naturellement, se souvenir qu'Hitler a sa part de responsabilité dans le suicide de l'Europe... Cela dit, l'analyse de Céline est parfaitement juste, et ses prédictions les plus sinistres se sont pleinement vérifiées. C'est bien l'Europe entière, France, Angleterre et Russie comprises, qui est la vraie, la seule vaincue de cette prétendue victoire des démocraties. On peut même se demander si les juifs européens, en dépit de leur basse propagande, sont tellement satisfaits du résultat final...
  (BC n°101, février 1991).    

 

 

 

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   CELINE  face à  RAJCHMAN.

  C'est avec grand intérêt que j'ai lu votre critique de la pièce de Céline, l'Eglise (le Monde daté du 4-5 octobre), et notamment les passages que vous consacrez à Ludwik RAJCHMAN, dont je suis en train d'achever la biographie.
  En tant qu'arrière-petite-fille de RAJCHMAN, je me permets cependant d'apporter ces quelques précisions sur les relations entre Ludwik RAJCHMAN et Céline.

  Vous avez parfaitement raison de dire qu'à l'acte III Céline fait " une satire effrayante " de son chef RAJCHMAN, directeur de l'organisation d'hygiène de la Société des nations. Il est vrai aussi que le manuscrit de l'Eglise a été lu, sur l'invitation de Céline, aussi bien par RAJCHMAN que par sa femme ; en revanche, il n'est pas vrai que Céline fut " bien sûr... licencié ".

  Revenons un peu sur les faits, afin d'entrevoir l'épisode curieux que constitue l'amitié Céline-RAJCHMAN. C'est en effet Selskar Gunn, qui dirigeait la division médicale de la Fondation Rockefeller en Europe, qui introduisit Destouches (Céline) auprès de son ami polonais Ludwik RAJCHMAN en 1924. Le jeune docteur Destouches, voyant sans doute, dans l'organisation d'hygiène, avant tout la possibilité de voyager, écrivit plusieurs fois à RAJCHMAN, avec des offres de candidature, et finit par être embauché.
  Lorsque Destouches n'était pas en mission à l'étranger, il était un habitué de la maison des RAJCHMAN, à Genève, où il allait souvent déjeuner, amenant parfois avec lui sa petite fille Colette (il était déjà séparé de sa femme, dont le père, le docteur Athanase Follet, professeur de médecine à l'université de Rennes, lui avait rendu de grands services). La fille de RAJCHMAN, âgée alors d'une quinzaine d'années, se souvient de Céline comme d'un " bel homme " et surtout comme d'un homme drôle qui faisait rire sans cesse les enfants. Leur mère, Marja Rajchman, appréciait les échanges littéraires qu'elle pouvait avoir avec le jeune homme, et aussi bien elle que son mari étaient particulièrement impressionnés par le fait qu'il avait travaillé dans un dispensaire parisien (ils avaient tous les deux été très actifs dans les œuvres sociales et bénévoles en Pologne avant la première guerre mondiale).

  Quand Céline, dans les premiers mois de 1927, écrivait à Genève l'Eglise, il venait la lire, par petits bouts, à Marja Rajchman, qui, un beau jour, put entendre une description caricaturale, nettement antisémite, d'un protagoniste de la pièce, membre de la Société des nations, appelé " Yudenzweck ", que précisait le manuscrit, ce personnage ne pouvait être que Ludwik RAJCHMAN, tourné par l'auteur en ridicule, et méprisé.

  Pourtant, après avoir fait lire sa pièce par son supérieur, et une fois sa mission technique à la SDN achevée (Céline ne faisait pas partie de la section permanente d'hygiène qui comptait une douzaine de membres, y compris RAJCHMAN et les secrétaires, et ses missions étaient donc d'une durée limitée), Céline ne cessait d'écrire à RAJCHMAN en lui demandant des bourses d'études. " Cher directeur et ami, écrit-il par exemple le 20 août 1932, toujours soucieux de me tenir à l'avant-garde du progrès sanitaire, anxieux d'être prêt en toutes circonstances à répondre à l'organisation d'hygiène pour toutes les tâches qu'il lui plairait de me confier, je viens vous demander de me permettre d'entreprendre un voyage dont j'ai depuis longtemps le dessin... "
 
Une fois, il voulait partir pour la Scandinavie, une autre fois pour Dresde, Prague, Vienne, une autre fois encore pour Nancy, Berlin et Breslau... et toujours RAJCHMAN donnait son aval. Cette volonté de RAJCHMAN paraît d'autant plus surprenante que Céline s'était montré plutôt distrait au cours de ses missions (une fois il avait non seulement oublié un grand nombre de ses affaires personnelles à Genève, mais aussi les adresses des banques où il devait toucher l'argent nécessaire à sa mission et à celle de ses collègues), et qu'il avait contracté des dettes que RAJCHMAN a remboursées de sa propre poche.

  En octobre 1932 paraissait Voyage au bout de la nuit. Céline envoya à Genève un exemplaire hors commerce sur papier de luxe, " imprimé spécialement pour le docteur et Mme Ludwik RAJCHMAN ", avec la dédicace : " A Ludwik RAJCHMAN, grand humain voyageur. " A l'un des journalistes venus l'interviewer, Merry Bromberger, il déclara : " Mes maîtres ? Des médecins. Follet, d'abord, de l'université de Rennes, un grand bonhomme ; RAJCHMAN ensuite, qui dirige à la Société des nations la lutte contre les épidémies, qui m'aime comme son fils et m'a fait voyager. " (L'Intransigeant, 8 décembre 1932).

  Et pourtant, le portrait de RAJCHMAN que Céline avait fait dans l'Eglise n'est rien, si l'on ose dire, en comparaison de celui qu'il réitéra, en 1937, sous le pseudonyme cette-fois de " Yubelblat ", dans Bagatelles pour un massacre.
  Ludwik RAJCHMAN, ici, devient tout à fait monstrueux ; la violence antisémite se donne libre cours, comme dans l'ensemble du livre.
   Alors que la famille du docteur RAJCHMAN eut à subir les pires retombées de l'antisémitisme nazi en Pologne, il est frappant de lire encore, dans le carnet d'adresses de 1944 de Ludwik RAJCHMAN, à la lettre D : " Louis Destouches, 98 rue Lepic, Paris 18e. "

  Loin de vouloir se venger, RAJCHMAN a constamment protégé le jeune médecin qui allait devenir l'écrivain renommé.
     
          Marta Alexandra BALINSKA. 
 
  (Le Monde, 17 octobre 1992, dans BC n°123, décembre 1992). 

 

 

 

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  D... COMME DIFFAMATION.

  Décidément, les légendes ont la vie dure. Dans la dernière édition du Guide Michelin consacré à Prague, figure, au bas de la page 265, un petit encadré consacré à Robert Desnos qui mourut en déportation dans le ghetto de Terezin, ville à 65 km au nord de Prague : " Résistant, il publia sous un pseudonyme des articles antinazis dont Louis-Ferdinand Céline le désigna pour auteur. Arrêté et déporté à Buchenwald, il fut transféré au ghetto de Terezin où il mourut. "
  La vocation de ce Bulletin n'est pas de se faire l'avocat de Céline, mort en 1961 et dont le procès eut lieu dix ans auparavant. Mais le rétablissement des faits peut ne pas être vain, étant donné la large diffusion des Guides Michelin.
  Rappelons donc ici que la polémique Desnos-Céline eut lieu en mars 1941 (voir Cahiers Céline 7, pp. 112-115). Aucun lien donc avec l'arrestation de Desnos qui se produisit en février 1944. Ajoutons que Céline ignorait les activités clandestines de l'auteur du Pamphlet contre Jérusalem. Et lorsque ce dernier le prend à partie, à la parution des Beaux draps, c'est dans... Aujourd'hui, journal collaborationniste auquel il donna des articles jusqu'en 1943.

  Céline n'est donc en rien responsable de l'arrestation de Desnos, et ne l'a jamais dénoncé comme résistant. L'affirmer constitue une diffamation patentée. Contre Céline, tout serait-il permis ? Au moins, Marie-Claire Dumas, présidente de l'Association des Amis de Robert Desnos, reconnaît-elle que Céline n'est en rien à l'origine de cette arrestation.
  Pour mieux connaître le fond de cette affaire, on se reportera à l'enquête de Jean-Paul Louis qui a montré de manière pertinente que " l'innocent Desnos et le monstrueux Céline sont deux fabrications aussi vaines l'une que l'autre. "  M. L. 
  (Jean-Paul Louis, Desnos et Céline, le pur et l'impur, in Histoires littéraires n°5 janvier-février-mars 2001, et aussi Marie-Claire Dumas, Droit de réponse, La police littéraire de M. Jean-Paul Louis, in Histoires littéraires n°6, avril-mai-juin 2001, dans BC n°236, nov. 2002).


 

 

 

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   POLÉMIQUE, COQUILLE et ASYNDÈTE.

  « Je viens de lire, mais un peu tard, l’article de Pierre Chalmin intitulé « Merde à Gen Paul » (Le Bulletin célinien n°221, juin 2001).
  Il a le culot de me nommer en disant que la mère de Gen Paul m’aurait fait des révélations compromettantes. C’est faux. Pierre Chalmin veut se donner de l’importance en faisant des allusions scabreuses. La mère de Gen Paul ne s’entendait pas avec son fils ; elle dramatisait tout. J’ai été témoin de faits, qui répétés par elle devenaient complètement surréalistes. Tout cela n’est pas sérieux.
   Dans le livre que j’ai écrit, Gen Paul à Montmartre, je n’ai mentionné que des choses strictement exactes, et non des ragots. Tout ce que dit Louis Nucéra dans son livre, je l’ai entendu et bien d’autres avec moi.
  Gen Paul était gueulard, rouspéteur né, irascible, bagarreur et alcoolique, mais il n’était pas menteur. Il ne pouvait pas avoir tous les défauts.
   Malgré les différents qui ont pu les séparer, Gen Paul admirait énormément Céline. Pour lui, c’était l’écrivain du siècle. Après ça, le rideau tombe, tout est dit.
   Si Pierre Chalmin trouve que Gen Paul était un peintre mineur, c’est qu’il n’a rien compris. Ces deux êtres se complétaient : la peinture de Gen Paul ressemblait à l’écriture de Céline : violente et superbe.
   Vive Céline et Gen Paul et merde à Pierre Chalmin. »
      Chantal Le Bobinnec.
 (Auteur de Gen Paul à Montmartre, Chalmin et Perrin, 1995).

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  Pierre Chalmin n’a fait que traduire l’exaspération de nombreux céliniens qui, même s’ils admirent le talent de l’artiste, ont fini par être lassés de le voir cracher pendant des années sur Céline, jusque de manière posthume dans le livre de Louis Nucéra.
   Gen Paul pas menteur ? Voire… A ses biographes, disons alors qu’il racontait le contraire de la vérité. Ainsi, dans le livre qui lui a été consacré en 1974 par Pierre Davaine (Gen Paul, éd. IGE.) figure une chronologie biographique établie directement grâce aux renseignements fournis par l’artiste.
  Que de contrevérités ! Ainsi, Gen Paul aurait pris ses distances avec Céline après la parution des pamphlets. Curieusement, il n’est pas fait mention ni des éditions illustrées de Voyage et de Mort à crédit parues en 1942, ni du voyage à Berlin en mars de la même année, ni des visites d’officiels allemands à l’atelier, ni des dîners à l’ambassade, ni du fait que Gen Paul ne dédaignait pas de s’afficher avec Céline sous l’occupation. Si Gen Paul n’était pas menteur, disons alors qu’il était oublieux de certains faits.
  Et raconter qu’à cause de Céline, il « porta le chapeau pendant dix ans » est assurément faire bon marché de certains actes. Quant à qualifier parfois durement Gen Paul, Céline n’était pas le seul à le faire. N’est-ce pas Robert Le Vigan, autre familier de l’atelier montmartrois, qui le considérait comme un « monstre de méchanceté laborieuse » ? Chalmin aurait-il péché par magnanimité ?
      M. L.    
  (BC n°224, octobre 2001).  

 

 

 

 

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  RELATION  GEN-PAUL - CELINE

 Dans Bagatelles pour un massacre, parmi ses peintres favoris, Céline cite Vlaeminck, Gen-Paul et Mahé, mais prête à son ami une tirade qui peut passer pour " antisémite ", tout en déplorant que le peintre refuse de le suivre dans sa croisade.
  Céline ne pensait pas porter tort à Gen-Paul, car c'était pour lui de la littérature, et dans le genre comique. Gen-Paul se plaindra un jour de cette tirade, mais beaucoup plus tard, oubliant le temps où il vitupérait contre la peinture " métèque " des cubistes.
  (...) Puisque Gen-Paul se sert de leur histoire pour vendre des légendes aux Montmartrois, Céline en fera un fabuleux personnage de roman, un demi-diable, un fantastique satyre de sa mythologie. Déjà dans Guignol's band Gen-Paul avait inspiré Nelson, " le frime aux croquis, infirme de naissance " et Mille-Pattes, le diable du Touit-Touit Club. Peut-être aussi avait-il prêté au personnage de Van Claben sa passion de la musique et son goût pour les déguisements.
 
  Au cours des brouillons de Féerie pour une autre fois, l'anamorphose s'est noircie jusqu'à faire de l'unijambiste de 1914 un cul-de-jatte diabolique. Gen-Paul est devenu " Jules ", le farceur injurieux qui orchestre les forces du mal du haut de son moulin, dirige les avions de la RAF sur Monmartre.
  (...) Normance, le deuxième tome de Féerie, publié en 1954, aura peu de retentissement, mais Gen-Paul prit très mal le fait d'être évoqué en cul-de-jatte. Céline avait justifié ce traitement au détour d'une page : " Il m'a traité de Boche, d'espion ! de vendu ! je peux le traiter moi aussi de tout ! "
 
Gen-Paul restera sourd aux lois de la transposition poétique et refusera toutes les invitations à se réconcilier.
    (Eric Mazet et Pierre Pécastaing, Images d'exil, L.F. Céline, Du Lérot 2004, dans BC n°288)

 

 

 

 

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    L'ARROSEUR ARROSÉ...

  Dans une lettre adressée à un jeune écrivain de Munich, Helmut Krausser et publiée récemment par le magazine Der Spiegel, l'écrivain allemand Ernst Jünger a confirmé que le personnage décrit sous le nom de " Merline " dans son Journal de guerre n'est autre que Céline.
   C'est en 1951, lors de la parution du Journal en Français, que Banine, traductrice et amie de Jünger, avait sans consulter l'auteur, rétabli l'identité véritable du personnage dont Jünger rapportait les propos. A la grande fureur de l'intéressé qui ne se reconnut pas dans ce portrait et qui déposa plainte, comme on sait.
  Il y a quelques années, Jünger lui-même avait reconnu que ce portrait était " caricatural ". Si le témoignage a souvent été utilisé, il est à relever que ce fait a, lui, rarement été rapporté.
 
   Mais Jünger, âgé aujourd'hui de 99 ans, n'en a pas fini avec les polémiques autour de son propre passé. Le 6 juin, le quotidien italien Corriere della Serra a publié un long entretien avec un ancien agent des services secrets de la SS, Reinhardt Kops, réfugié au Chili. L'ancien nazi venait de signaler la présence en Argentine du responsable des massacres des Fosses Ardéatines, un certain Priebke. Et d'ajouter : " Je ne faisais pas partie de ce groupe de douze qui se réunissait régulièrement dans les sous-sols du château de Wewelsburg, à Padenbom, mais j'y ai assisté plusieurs fois en tant que responsable de la sécurité.
  Ce n'était pas une réunion militaire ni politique. C'était une liturgie particulière : Himmler y pratiquait un rite secret et parmi les autres participants il y avait le philosophe Friedrich Hielscher et, également, parfois, l'écrivain Ernst Jünger, qui tous deux vivent encore, en Allemagne. "
  (BC n° 144, septembre 1994).

 

 

 

 

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   Lettre de six pages écrite de Copenhague, le 1er janvier 1949, à la pharmacienne Mme Arnold. Celle qu’il nomme sa voleuse Mme Ouche dans Féerie pour une autre fois.

  « Avec mes meilleurs vœux pour vous donner l’occasion d’une belle action chrétienne et honorable notamment de me faire payer (un peu) par le Laboratoire Nican une petite somme qui m’aiderait bien à acheter un pantalon et même un veston de velours ! Imaginez-vous que je porte le même complet depuis 5 ans. Vous n’ignorez pas que je vais être bientôt condamné à je ne sais combien d’années de prison (et saisie in eternam [sic] de tous mes biens). Cela pour m’apprendre à défendre le capital, les capitalistes et la civilisation chrétienne. Avant que survienne cette apothéose, cette preuve tangible de la reconnaissance de mes frères de race et de religion, je serais bien heureux de renouveler ma vêture…
  Je ne demande pas la charité, je demande seulement à ce qu’on veuille bien me verser un petit peu de ce qui m’est dû… Votre « Conseil d’Administration » certainement très sourcilleux quand il s’agit de me payer, l’est moins pour conserver en caisse mes X p 100 sur les comprimés Nican.
  […] Je ne sais pas comment vous arrangez ça avec le bon Dieu mais ça doit être compliqué… S’il est plus difficile selon St Mathieu au riche d’entrer au Paradis qu’au chameau de passer par le trou d’une aiguille… Je ne vois pas frais le riche qui dépouille l’exilé et le prisonnier. Toutes les chinoiseries, conseils d’administration du monde et même les absolutions me semblent horriblement piteuses à côté de ce fait.
 »
   Et d’exiger 30 000 F pour son complet, à déposer chez son beau-père M. Almanzor, en don anonyme.
   « En somme le don du ciel. Je ne vous remercierais pas non plus ! Ah pas de compromission ! Rien. Cette lettre à brûler. Ni votre conseil d’administration, ni vous-même, ni votre chère famille n’encourent aucun risque. Au surplus je ne suis pas encore condamné, donc présumé innocent – nullement saisi rien du tout. Je ne suis saisi que par vous. Bien sûr vous pouvez attendre encore quelques temps, alors tout ira aux domaines. Je considèrerai ceci quand même comme un beau tour de cochon et quand nous nous retrouverons devant St Pierre – ce me sera une bien grande rigolade de vous entendre vous expliquer… avec ou sans conseil d’administration, 12 scapulaires, 20 alibis etc… Mais vous ne serez pas la seule ! Si vous saviez combien de personnes et pieuses m’ont fait et me font le même coup ! C’est effarant ! J’en suis arrivé à penser que les êtres humains agissaient tous en même temps et de même façon – et chacun se croyant d’un malicieux ! »

  Et en contre-point : ce passage de Féerie pour une autre fois…

  Je suis tranquille pour Mme Ouche ! elle me volera jusqu’outre-tombe !... confessée, extrême-onctionnée… les cataclysmes passeront sur elle, y arracheront pas un poil gris, Mme Ouche ! y a un paradis pour charognes aussi bien sur la terre qu’au ciel… ça meurt pas vraiment la voyoute, la saloperie, la vraie abjecte, ça passe d’un paradis à l’autre, avec fortune, bonniches, autos, ça prend juste son joli billet, et youst ! absolutionnée et salut ! Ca vous chie les doigts !... c’est né pour couper aux Enfers, celui de ce monde, celui d’après… ça fait que jouir et pleurnicher… tout afur ! jamais paumé !... à la vôtre ! bonne vôtre ! sans rancune ! on comprend trop tard…
 
  (BC n°231, mai 2002).

 

 

 

                                                      

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   LETTRE à COMBAT.

  Combat avait reproduit, le 11 juillet 1947, des extraits d'un article des Izvetia du 20 juin qui voyait dans la réédition et la traduction de Mort à crédit aux USA une preuve de décadence. Dans le premier paragraphe Céline était traité de " nullité littéraire " et de " criminel fasciste ". 
 
  Hé diable ! Monsieur, je parie bien les Dardanelles que ce jean-foutre des " Investias " (sic) n'a jamais lu un seul de mes livres ! Que veut dire tout son cafouillage ? Qu'ai-je de commun avec Sade, Sartre, Millner (sic) ? le Pape ? En sait-il lui le premier mot ce damné troufignon ? Sait-il même lire ? Je ne crois pas. Ecrire ? Certainement non. Il bafouille des choses, sans queues ni têtes, n'importe quoi !... Il est payé ! Il rapproche tout, confusionne tout, merdoye, aboye, tout est dit.
   On s'écoeure à penser que de grands empires emploient de tels crétins. En si minuscules affaires tellement déconner !... Que ce doit-il être dans les grandes ! J'aimerais à parler de ces tristesses au Docteur Braun, à M. Sokoline que j'ai bien connus... Ils seraient bien gênés... Ces " Investias " d'abrutis quelle tare ! Et vas-y pour l'existentialisme ! Pan ! pour l'homosexualité ! Vlan ! pour Voltaire ! Boum ! pour la lune ! Quelle salade ! Quelle honte !

   Je veux bien faire un petit effort encore, une suprême gentillesse pour les Soviets, leur fixer une bonne fois pour toutes un petit point de l'Histoire littéraire française, qu'ils n'y déconnent plus. La " nullité littéraire Céline " leur apprend (puisqu'ils ne savent rien, même de ce qui les concerne, ils bavent sous eux !) que le Voyage au bout de la nuit a été lancé par un article de Georges Altman dans le Monde communiste d'Henri Barbusse, en 1934 (sic). Les articles de Daudet, Descaves, Ajalbert, ne sont venus " qu'ensuite ".
   J'ai d'ailleurs toujours entretenu avec Altman des relations très cordiales. Je leur apprends " secundo " que le Voyage a été traduit d'OFFICE par les Soviets (sans absolument me demander mon avis !) et que les traducteurs ne sont pas moins qu'Elsa Triolet et son mari Aragon, qui ne se sont point gênés pour tripatouiller mon texte dans le sens de leur propagande. Les Soviets me doivent d'ailleurs toujours de l'argent sur cette traduction.
  Avant d'engueuler les gens il est bon de leur rembourser ce qu'on leur doit. Voici une première mise au point. Les " Investias " ignorent également qu'en tant que " criminel fasciste " tous mes romans ont été " interdits " en Allemagne dès l'avènement d'Hitler et pendant tout le règne Hitlérien ? Savent-ils que mon dernier éditeur " allemand " est Julius Kittel, Juif réfugié à Marich-Ostrau, Moravie (1936) ?
  De telle crétineries découragent la polémique, on comprend que la parole soit de plus en plus à la bombe, à la mine, au déluge !
  Je vous prie de croire, Monsieur, à mes sentiments très distingués.                  L.-F. Céline.

  (Cahiers Céline 1, Gallimard, 1985). 

 

 

 

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    NOËL 1947, CÉLINE et LUCETTE INVITES CHEZ le PASTEUR LÖCHEN POUR DÎNER.

  « A l’occasion de Noël, qui est vraiment dans ces pays-là une fête importante et où celui qui est seul se retrouve atrocement seul, avec ma femme, nous avons décidé d’accueillir Céline et son épouse à dîner à Noël. Et puis, au cours de la conversation, on a parlé, en effet, des années antérieures et de tout ce qui s’était passé. Il a été fait une réflexion au sujet de ceux qui maintenant en supportaient les conséquences, et quelqu’un a dit : « Oh ben, ça leur fait du bien. » Céline a explosé d’une manière… « Ce n’est pas possible !!! C’est GRATUIT de dire des choses pareilles !! »

  On retrouve cette anecdote dans la biographie de F. Gibault : « Le dîner fut troublé d’un violent incident entre Céline et Mme Löchen qui avait eu le malheur de dire : « C’est justice que les collaborateurs soient en prison. » Céline avait explosé et donné à la malheureuse une leçon de charité chrétienne qu’elle n’est pas prête d’oublier et qui s’acheva en pleurs dans la cuisine. Le lendemain, Céline lui apporta des fleurs et tout fut oublié. »

 

 

 

 

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   En réponse à un important et élogieux article de CLAUDE JAMET dans Révolution Nationale (25 mars 1944) intitulé : « Préliminaires à l’esthétique de L.F.Céline »

 « En d’autres temps votre magnifique article porterait ma confusion au comble ! Vous empruntez les armes du diable ! Je me sentirais perdu ! Mais hélas il faut à se perdre la jeunesse ! la mienne n’est plus. Et le remède aussi est à côté du mal ! Tant de haine ! Tant d’injustice, si aveugle ! Ah ! Je me sens bien protégé ! Je n’ai rien à craindre. Et j’ai le plaisir de vous lire et moi de vous comprendre. Vous brûlez si j’ose dire, mais vous savez, je suis Breton et je pense que certaines confidences ne doivent jamais être faites. Le parfum de tout s’évapore et je crois avec René que certains mots ne devraient servir qu’une fois.
 
   Je suis discret tout en dépit des apparences. Pour ce qui concerne la langue vous avez raison. Je l’ai écrit un jour à Brasillach. Il me semblait qu’il y avait deux façons de raconter les histoires. La classique, l’habituelle, l’académique qui consiste à se faufiler d’un incident à l’autre, virer, tourner en surface, si j’ose dire, avec cent cahots, trébuchages, rattrapages tant bien que mal, méli mélo, tohu bohus, encombrements, cafouilleries, grimaces, ronds de jambe et de phrases, sauts de ruisseaux, caniveaux, dérapages, manières, collisions, etc…, le chemin des voitures dans la rue… et puis l’autre, descendre dans l’intimité des choses, dans la fibre, le nerf, l’émotion des choses, la viande, et aller droit au but, à son but, dans l’intimité, en tension poétique, constante, en vie interne, comme le « métro » en ville interne droit au but, une fois le choix fait, il faut rester dans la même conviction, dans la tension intime, une fois pour toutes, dans l’intimité de la vie, tenir ainsi l’histoire. »
  (Images mêlées de la Littérature et du Théâtre, éd. De l’Elan, 1948, dans BC n°249).

 

 

 

 

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  REPONSE AU MERLE BLANC.

 A la suite d'un article élogieux d'un journaliste de gauche, Pierre Scize dans Le Merle blanc, envoyé de Moscou (19 septembre 1936), au sujet de Mort à crédit, un lecteur de Biarritz nommé Etcheverry envoya une lettre incendiaire au journal. " Quand on écrit ce qu'écrit Céline, on n'en tient pas commerce. On se suicide. Céline : à supprimer, le jour où, l'idéal crevant nos paillasses, nous crèverons celles des saligauds de son acabit qui non contents de nous dégoûter, vivent de nous, charognards affamés de jouir. "

  Le 1er octobre Céline lui répond : " A mon tour, mon cher Merle, je vous prie de publier ma lettre intégralement. Evidemment, rien ne vous gêne aux entournures. Que risquez-vous à publier un appel au meurtre contre moi ? Un petit peu de correctionnelle. C'est tout. Puisque je n'appartiens à aucun parti, aucune clique, aucune chapelle, que je suis pratiquement seul ? Votre indépendance irait-elle jusqu'à ce magnifique dédain pour ma peau si j'étais communiste ou camelot du roi ? Je ne crois pas. D'ailleurs, dans toute proclamation de ce genre, il existe toujours une immense part de lâcheté.
  Observez comme ce pseudo-assassin (Etcheverry) se cherche déjà mille excuses et de fameux protecteurs (...) je vous aime bien, mon cher Pierre Scize... et vous aussi, mon grand cher Merle... grand lumineux écrivain, etc... Il me couvre d'injures, d'une part, mais déjà il louche vers ses témoins à décharge. Ah ! la grande hypocrite saloperie ! J'espère que de tels racolages vous gênent un petit peu aux " entournures " ? Le style de ce sous-aliéné sent d'ailleurs la littérature. Je devine presque un écrivain malchanceux.
   Il n'est pas de fou, si fou soit-il, qui ne soit encore malgré tout plus hypocrite et vicieux que fou. Eh ! pourquoi toutes ces manières ? Qui veut me tuer est libre ! royalement libre ! Je ne me cache pas. Je n'ai pas de milicien à mon service. Je suis même mutilé (paralysie radiale, sclérose de l'oreille moyenne et interne, médaille militaire depuis le 12 novembre 1914) donc pas tout jeune !
  Ah ! cependant je ne crains pas les Etcheverry ! Je garde encore à leur disposition une fameuse dégelée de coups de pieds au cul. Dans cette lettre, Etcheverry, ce que je retiens c'est sa valeur démonstrative. Au fond, elle représente bien toute l'attitude de la critique à mon endroit, lâche et racoleuse de partisans. Ah ! s'ils avaient la chance d'être tous anonymes comme Etcheverry, ils écriraient à peu près tous comme Etcheverry. Ils sont plus apparents, donc ils doivent être plus rusés, mais tout au fond, c'est tout un !
  Dès qu'un homme se croit à l'abri, dissimulé, il nous montre ce qu'il est vraiment dans le fond de son âme. Un con et un assassin.
  A vous, bien cordialement. "                                 L.-F. Céline.

 (Cahiers Céline 1, Céline et l'actualité littéraire 1932-1957, Gallimard, 1985).