|                                                         
 CÉLINE  
						ET  LES  AUTEURS   (S  à  
						Z)          
      
						
                         * 
						Maurice SACHS
						 (né Maurice 
						ETTINGHAUSEN, écrivain aux multiples attitudes 
						1906-1945): " Je crois que ce malheureux a surtout 
						souffert que ni Gide ni Cocteau n'aient pu lui faire 
						d'enfants ! Il ne s'en console pas sur 500 pages. Ce 
						sont de tels abîmes psychologiques qui fascinent les 
						véritables lettrés ! Or ça cet androgyne a certainement 
						bien du talent - un talent imitatif, du légume cuit et 
						froid : réticent, imprévisible, sinueux, huileux, lissé, 
						capricieux comme une croupe en coït. Mais en cela, du 
						Proust, du J.J. Rousseau, du Gide bien sûr, du Cocteau, 
						de tout ce qu'il a désiré au sens sexuel du 
						terme.     
						 Il fait un monde
						des engouements, repentirs, 
						finesses de son derrière, comme une femme. Il ne sort 
						pas de son derrière. Tout cela finit par ressembler à du 
						Colette. Mais Colette a un petit côté mâle bien agréable 
						- Mais tout de même ce SACHS n'est nullement 
						négligeable. C'est un auteur pour " Ambassades ". Vous 
						pouvez le recommander. Il écrit ce qu'on appelle bien - Français 1/2 
						Berlitz - 1/2 Anatole France. " (A 
						Thorvald Mikkelsen, 17 déc. 1948, Lettres Pléiade, 2009).
              *
						Françoise SAGAN 
						(de son vrai nom Françoise Quoirez, 
						écrivaine, 1935-2004) : " Mlle SAGAN
						nous raconte les velléités de coucheries de petits 
						jeunes gens d'un monde incertain. Son 
						intrigue n'a même pas le relief d'un beau fait divers, 
						c'est une petite histoire comme il  s'en 
						passe sous les toits de Paris, mais même la concierge ne 
						s'y intéresse pas. C'est un roman fait de la petite 
						sueur de passion d'une Colette maigrichonne et qui n'a 
						qu'un mérite: la clarté.     La 
						formule en est simple : 1/2 Guy, 1/4 Dekobra, 1/4 
						Proust, le tout saupoudré de vagues paillettes de 
						philosophie, du genre: " La vie commence par un cri et 
						ce ne sont plus ensuite que des suites de cris. " M. de 
						La Bruyère avait beaucoup mieux dit cela, lorsqu'il 
						écrivait : " L'homme ne se sent pas naître, il souffre 
						pour mourir, et il attend de vivre... " Mais Mlle 
						SAGAN ne peut pas perdre son temps à conduire des 
						voitures et bien tenir un stylo. " (Réponse à une 
						enquête de Arts: " Paris juge SAGAN ", cahiers Céline 2, 
						Gallimard 1982).
  * " C'est un grand écrivain, il me semble... 
						? Une force. Une voix en colère. Le Voyage ? 
						Admirable. Mais quand même, je n'éprouve pour lui nulle 
						passion, d'ailleurs, il ne pouvait plus guère " écrire 
						", il ne savait désormais que remâcher des rancœurs. Ce 
						n'est ni un exemple, ni un maître. Céline, c'est un 
						verre d'eau froide en pleine figure. Voilà. " 
						(Nouveau Candide, 6 juillet 1961).
                        
      
						 * 
		Alexis SALATKO (auteur de plusieurs ouvrages, romans et biographies 
		romancées) : " Durant son séjour à Draveil, le vieux Max va alors 
		raconter à ce jeune qui pourrait être son fils disparu le Paris 
		célinien, tout en se rechargeant régulièrement en  carburant anisé. C'est donc entre Ginette et ses séances de spiritisme et 
		les récits de Max que le jeune homme se met à dévorer Céline, en 
		commençant par le Voyage au bout de la nuit. " Céline, homme 
		raffiné, écrivait des choses qui ne l'étaient pas. Marcel Aymé était 
		plus populo, mais quelle finesse d'esprit ! En vérité il n'y avait pas 
		plus différents que ces deux -là. Ils formaient un duo à la Laurel et 
		Hardy, et comme Stan et Olivier, ils sont quasi inséparables jusqu'au 
		terminus du voyage. "   " - ne dit pas de sottises. Céline n'était pas le 
						genre d'oiseau qu'on attrape en lui versant du sel sur 
						la queue. Du sel ou du gasoil. Tu sais, avant les nazis, 
						des gens de tous bords l'avaient approché, flatté, 
						évalué, pour finir par le condamner. Hitler a fait 
						interdire ses œuvres en Allemagne et Staline, dont le 
						Voyage fut paraît-il le livre de chevet, s'en est 
						très vite détourné. Il n'empêche qu'il détestait Hitler 
						et qu'il n'était pas question de lui emboîter le pas de 
						l'oie... Il a très vite revu son jugement sur les Boches 
						dont il espérait tant. Il a pris ses distances dès qu'il 
						s'est aperçu qu'il s'agissait d'un régime de voleurs et 
						d'assassins. " (Céline's band, Spécial Céline n°3, nov.-déc. 2011-janv. 2012).
              *
						George SAND (pseudonyme d'Amantine, Aurore, Lucie 
						DUPIN, romancière, écrivain 1804-1876) : " (...) 
						George SAND,
						 dans 
						ses souvenirs, raconte qu'elle a vu des gens d'Ancien 
						Régime... Vous avez lu ?... Elle raconte... Elle dit : 
						j'ai vu la jeunesse dorée qui faisait horreur. Parce que 
						elle, elle était jeune fille, et elle voyait ces gens 
						d'Ancien Régime, y z'avaient des manières à eux 
						qu'étaient tellement spéciales qu'elle les voyait comme 
						des vieux tableaux, pleins de grimaces.. y n'pouvaient 
						rien faire...       Quand y 
						s'offraient une chaise, c'était toute une frimace... 
						(...) Y mettaient leur perruque dans leur gilet, puis 
						enfin, ils faisaient tout un tas de trucs extravagants 
						de procédure qui la remplissaient d'horreur, parce 
						qu'elle allait au devant de la vie, n'est-ce-pas... " 
						(Interview Jean Guenot, Jacques d'Arribehaude, 6 février 1960, Cahiers 
						L'Herne, biblio, poche, 1963, 1965,1972).
                * 
						SAINT-LOUP (de son vrai nom marc AUGIER, romancier, 
						journaliste 1908-1990) : " Fournir un témoignage sur le comportement intellectuel de Louis-Ferdinand Céline 
						lorsque j'ai fait sa connaissance en 1940... Je venais 
						de fonder l'hebdomadaire La Gerbe avec Alphonse 
						de Châteaubriant ; Madame et André Castelot et M. 
						Mulhausen. En vue de la rédaction du troisième numéro, 
						en septembre je crois, M. de Châteaubriant, qui était à 
						ce moment-là mon Maître et ami, me dit : - " Vous 
						devriez aller demander à Céline un article pour la une 
						du journal, traitant de la question juive en général et 
						de la situation actuelle des Juifs en particulier. " Je 
						me rendis chez Céline qui habitait alors la banlieue 
						nord, dans une rue que je ne saurais situer aujourd'hui.     
						Il me reçut avec bienveillance et sa familiarité des 
						grands jours. En réponse à ma demande, il déclara (et je 
						me souviens très exactement de ses paroles) : - " Mon 
						p'tit gars... mon p'tit gars... j'ai craché sur les 
						youpins quand ils pouvaient me répondre. Maintenant, ils 
						sont vaincus, j'crache pas sur les vaincus. T'auras pas 
						d'article ! " 
						(témoignage du 7 mars 1980, pour la Revue célinienne de Marc Laudelout 
						dans L'Année Céline 1995).
              * 
						Maurice-Yvan SICARD dit 
						SAINT-PAULIEN (écrivain, journaliste, 1910-2000): 
						" Les romans-pamphlets de Céline influencèrent 
						considérablement ses adversaires. Aucun  écrivain 
						n'a été plus imité et plus jalousé que lui. On le volait 
						et on le haïssait. Lorsque parurent le Voyage, Mort à 
						crédit, Bagatelles pour un massacre, les 
						littératures naturaliste, psychologique, surréaliste 
						étaient à bout de souffle. L'argot des tranchées, ayant 
						assuré le succès de romans bien oubliés, avait perdu 
						tout piment. Céline compris qu'il lui fallait inventer 
						un procédé neuf : il fit du Proust à l'envers. Il adopta 
						un langage conventionnel, haletant, obstinément 
						ordurier, à l'image de l'époque qu'il désirait peindre ; 
						et nous vîmes bientôt surgir le flot écumant d'immenses 
						égouts débondés sous la lune. Le style de Céline était un manifeste : 
						son génie lui eût permis de " faire " du Claudel ou du 
						Giraudoux. A la fin, il fut victime du vertige des mots 
						et des prophéties criées dans le désert. La plupart de 
						ses livres constituent des témoignages révolutionnaires 
						d'une force de pénétration que Balzac, Dostoïevski, 
						Jules Vallès et Léon Bloy avaient rarement pu atteindre. 
						"
 (B.C. n° 232, juin 2002).
               
 * George SANTAYANA 
						(philosophe, poète, critique littéraire américain 
						1863-1952): " Grand Hôtel, Rome, / Le 2 mai 1941. / 
						... Pour la lecture, les ressources sont assez 
						limitées... Je peux me procurer tous les 
						classiques latins-italiens, et le Prof. Guzzi en 
						particulier m'a envoyé deux bons ouvrages de lui, sur 
						Giordano Bruno et sur Saint Augustin. Mais je suis dans 
						l'ignorance de ce qui s'écrit en ce moment.     Par exemple, je ne trouve 
						pas le nouveau livre de Céline. Les Beaux Draps, 
						non parce que c'est un livre antisémite mais parce 
						qu'aucun livre n'est importé de France actuellement et 
						je n'ai personne à Paris pour me l'envoyer 
						personnellement... Céline m'enthousiasme, non par son 
						antisémitisme, mais par sa langue rabelaisienne. Si vous 
						pouviez m'envoyer Les Beaux Draps, ou tout livre 
						qu'il a pu publier entre celui-ci et L'Ecole des 
						Cadavres, je serais très heureux de l'avoir... " (Extrait d'une lettre envoyée à Daniel Cory, L'Herne n°5, 1965).
             
        
						    * Nathalie SARRAUTE: 
						(née Tcherniack, écrivain, 1900-1999) " J'ai voulu 
						renouveler le langage comme l'avait fait Céline avec 
						Voyage au bout de la nuit. 
						(Elle, Levallois-Perret, 16 
						décembre 1996).  * " Il y 
						avait dans Voyage au bout de la nuit beaucoup de 
						tendresse et d'humanité (...) Céline était alors 
						antiraciste. " (Arts, 22 décembre 1965).
             
            			 
						*
      					
						
						Jean-Paul SARTRE
      					
						(écrivain, philosophe, 
						romancier, dramaturge, 1905-1980) : " Un polichinelle à 
						parchemins, tout exultant de se voir d'un seul coup, par 
						le miracle de 
						l'Epuration, 
						si grand homme ! " * " SARTRE est un vilain petit merle. Il 
						m'aurait fait des pompiers, avalé le foutre pour que je 
						consente à aller me montrer à ses pièces sous la 
						botte... Il me faisait relancer par Dullin, Denoël, etc. 
						Encore une fois je n'avais pas le temps. Je crois la 
						petite ordure qu'il m'a même dédié un de ses livres, 
						autrefois... Ce petit Jacques n'est d'ailleurs pas doué, 
						c'est un petit raté de tout, et il le restera. Kif 
						Miller. 
						  Ces 
						gens-là n'ont pas de songe. Ils se forcent, ils se 
						branlent à blanc, et dans le vide. Ils prennent 
						l'extravagance et le saugrenu pour du fantastique, la 
						crudité pour du caractère - ce n'est pas si facile. 
						Quant à l'existentialisme il l'a volé à un vieux 
						philosophe nazi (une fois ceux-ci sans réplique) 
						comme il est devenu philosémite après le départ des 
						allemands. "
 (Lettres 2009, à Robert Massin le 28 nov.1947).
              * 
						SARTRE
						fait un hommage à Céline dans la dédicace de La 
						Nausée. Que savez-vous de ce qui a ensuite séparé 
						les deux hommes ?   Oui, dans la dédicace SARTRE cite une phrase de 
						Céline qui figure dans L'Eglise : " C'était un 
						garçon sans importance collective, tout juste un 
						individu ". D'ailleurs, au 
						début, 
						SARTRE admirait beaucoup Céline ; je n'ai jamais 
						rien compris à un revirement si complet de sa part. 
						Céline en fut très touché...     
						- Et 
                  
						 
						Marcel AYME 
						?     
                  
                  
						
						- Ah, Marcel a été admirable ; il a été d'une patience 
						et d'un dévouement extraordinaires... D'ailleurs, dans 
						une petite étude qu'il a faite sur Céline (cf : Les 
						cahiers de L'Herne), Marcel dit toute la vérité. Il 
						a parlé du vrai Céline et tout a été dit. (Magazine Littéraire n°26, février 1969. Entretiens avec 
						Lucette Destouches).
                  * 
						René SCHWOB 
						(écrivain juif converti au christianisme, 
						1904-1995): " Si je vous écris enfin, après avoir laissé 
						tant de 
                   
                   jours passer sans vous 
						faire connaître  
            			
						 l'impression profonde que j'ai ressentie 
						à vous lire, c'est que je tenais à savoir si cette 
						impression durerait aussi vive qu'aux premiers jours. 
						Elle dure  
                   si bien qu'il me semble  
                   
            			impossible 
						d'écrire à présent comme on écrivait avant votre livre. 
						Cette mise à jour d'un univers si sombre, cette 
						fabuleuse révélation de la nuit où se débattent et 
						grouillent tous ceux qui sont aux prises avec la misère 
						quotidienne, non seulement nous fait honte de ne pas 
						nous occuper davantage de cette misère-là, mais nous 
						transforme au point de nous dépayser de nous-mêmes et de 
						nous donner le dégoût de tout confort, si mince qu'il 
						soit. C'est pour cela que je tenais à vous remercier : vous 
						êtes un des très rares qui nous 
						interdisent la tranquillité.     
						J'ajoute aussi qu'après avoir eu 
						l'impression que 
						vous haïssiez tous les êtres, je me suis aperçu que ce 
						dont vouliez au contraire - tant
						est grand votre amour des êtres, c'est 
						qu'il ne soit pas plus grand encore ; et qu'il reste 
						impuissant à sauver ceux dont vous connaissez pourtant 
						toutes les tares. Cette impossibilité d'être utile à qui que ce soit, telle est une des 
						plus grandes leçons de votre livre, et qui pousse au 
						délire notre dégoût de nous-mêmes. Il faut, je crois, que vous ayez beaucoup 
						souffert pour être capable de nous convoquer, sans en 
						parler, à un si grand amour. " (Lettre 
						ouverte à L.F. Céline, Esprit, 1er mars 1933, 70 
						critiques de Voyage... Imec Ed. 1993).
               
      
						  *
						Eric SEEBOLD (enseignant, auteur de Essai de 
						situation des pamphlets de LFC et Trébuchet pour un 
						centenaire): " Céline a été un écrivain maudit juste 
						assez longtemps. Maintenant on exhume petit à petit et 
						on fait des ronds. Si un éditeur avait deux sous 
						d'honnêteté, il rééditerait les quatre livres interdits 
						de Céline (Mea culpa, Bagatelles pour un massacre, 
						L'Ecole des cadavres, Les Beaux draps), et chacun 
						pourrait se faire une idée exacte de Céline.    Au lieu de ça, on laisse 
						ces livres dans l'ombre et on fait baver le lecteur en 
						en parlant dans des livres critiques. Remarquez, on 
						comprend les éditeurs. Si Céline n'était pas encore un 
						petit peu maudit, leurs bouquins critiques, ils 
						pourraient se les foutre dans le cul. Alors, commerce 
						oblige ; comme d'habitude. Puanteur et froissement de 
						papier monnaie. " (Fiels, 1993).
             
      
						      * Will SELF 
						(romancier, auteur de nouvelles fantastiques et 
						journaliste anglais) : " ... Céline que j'ai lu à un âge 
						très formateur, est aussi une grande influence. L'humour 
						noir du Voyage au bout de la nuit  
						ou de Mort à crédit 
						m'a autant marqué que celui de London fields. " 
						(Les Inrockuptibles, avril 1996, BC n°165, juin 1996).
                * 
						Paul SÉRANT (nom de plume Paul Salleron, écrivain et 
						journaliste, 1922-2002) : " Paul SÉRANT imagine 
						que, dans l'entre-deux guerres, le monde de l'édition, 
						au lieu d'être ce qu'il était alors, ait déjà été ce 
						qu'il est devenu. " Et d'imaginer à la suite l'accueil 
						qui eût été réservé à Voyage au bout de l  a nuit 
						par un directeur embêté :  Bien sûr, cher docteur Destouches, vous êtes de 
						gauche (?), et c'est bien votre droit. Mais il manque 
						quelque chose d'essentiel à votre bouquin, que je trouve 
						formidable par ailleurs : il manque un message. On ne 
						trouve pas, dans votre récit, la moindre lueur 
						d'espérance. Or c'est de cela que le public de gauche a 
						besoin plus que jamais. Tel qu'il est, votre livre va 
						exaspérer les bourgeois, et décevoir profondément le 
						public populaire. Le nihilisme, c'est passé de mode. Ne 
						pourriez-vous pas reprendre certains passages et leur 
						donner ce qui leur manque ? A mon avis, tel quel, c'est 
						impubliable. " ( Le 
						Français, 13 avril 1995, dans BC n° 153).
             
       
						      * William 
						SHAKESPEARE 
						 (poète et 
						dramaturge anglais, 1564-1616) : " Lui, est le modèle 
						suprême... Quand vous avez à la fois le tragique et le 
						rire, vous avez gagné (...) quand on passe de la 
						clownerie au tragique avec vraiment de la vérité en même 
						temps, c'est vraiment, oui, c'est plus complet, ça tient 
						mieux, ça tient mieux le coup et le temps. " (Céline à Meudon, op. cit. p.32).
                 
    * 
						Georges SIMENON 
						(écrivain, romancier 
						belge francophone 1903-1989) : " SIMENON est, 
						comme on sait, un des rares écrivains contemporains 
						loués par Céline dans  Bagatelles pour un massacre 
						: - " J'ai quelques confrères admirables, je ne les cite 
						pas tous, je ne veux pas leur faire du tort. Tenez 
						SIMENON
						des " Pitard " on devrait en parler tous les 
						jours ! " (BC n°232 juin 2002).
               
       
						  *
						 
						Claude SIMON 
						(écrivain, prix Nobel de littérature en 1985) : " Céline 
						? Je le place très haut. Et je l'ai dit depuis 
						longtemps. Il y a plus de vingt ans, la télévision 
						sarroise est venue à Paris. Ils ne trouvaient personne 
						pour parler de Céline. J'ai dit : " Mais oui... " Il n'y 
						a que moi qui en ai parlé. Proust et Céline ce sont les 
						deux grands écrivains français de la première moitié du 
						XXe siècle. Je me souviens qu'on me disait de Céline que 
						c'était un salaud. J'ai dit : " Un salaud ? En art, ça 
						ne veut rien dire, salaud. " Pourquoi 
						est-ce si extraordinaire ? Parce que c'est très bien 
						écrit. Parce qu'il y a une musique, parce qu'il y a une 
						cadence. Voilà ! C'est tout. "
 (Le monde des Livres, 19 septembre 1997).
                  * Pierre-Henri SIMON 
                  (intellectuel engagé, romancier, critique 
						littéraire 1903-1972) : " Il ne faudrait sans doute pas 
						exagérer cette spiritualité de Céline, sur qui le 
						charnel et l'érotique exercent un attrait fort. Mais  enfin, 
						j'approuve M. Hanrez d'avoir écrit : " A ne regarder en 
						lui que le contempteur obscène et verveux, on risque de 
						ne pas remarquer le secteur aristocratique de sa 
						personnalité. " Il y a, en effet, chez Céline, un goût 
						de la beauté, de la santé, de l'ordre même que le 
						charriage de l'injure et de l'ordure, plus visible 
						d'abord dans son style, ne doit pas éclipser : et 
						peut-être cette violence et cette noirceur de 
						l'imagination ne sont-elles que la protestation d'une 
						pureté blessée et dégoûtée.       " Ma 
						fureur n'est que l'effervescence de ma pitié. " : ce 
						n'est pas Céline qui l'a dit, mais Léon Bloy. La 
						distance spirituelle est grande entre le crieur 
						désespéré d'un Dieu en croix et l'athée qui hurle sous 
						le ciel vide. Une parenté demeure, cependant, au plan de 
						l'art comme à celui de l'âme, entre ces deux 
						réfractaires éloquemment frénétiques. Bloy attendait " 
						les Cosaques et le Saint-Esprit " ; Céline ne sait pas 
						ce qu'il attend ; mais la flamme de son regard n'était 
						point satanique ; elle ne brûlait pas pour le néant, ni 
						pour la révolte de l'orgueil, ni pour le péché contre 
						l'espérance. Ce qui est au bout de la nuit, même si les 
						tempêtes en offusquent ou en retardent la clarté, doit 
						encore s'appeler l'aurore. "(L'aurore est au bout de la nuit, L'Herne n°3, 1963).
                  * Willy de SPENS 
                        (homme de lettres, 1911-1989) : " Olaf, 
						le libraire danois de Mont-de-Marsan / Olaf admirait 
						Hitler, vainqueur certain, pensait-il naguère, vaincu 
						possible, pensait-il aujourd'hui. (...) Je revis, une 
						dernière fois, Olaf, environ deux semaines plus tard. Beaucoup moins flambant, très 
						énervé, il avait hâte de déguerpir. Il eut un mot 
						désabusé : " Hitler, quel conne ! " Son grand homme il 
						le voyait enfin jeté à bas de son piédestal. A la 
						différence de tant de fanatiques, Olaf retira son estime 
						à Hitler quand il le vit vaincu. Ce n'était pas lâcheté 
						ou opportunisme, mais dégoût. Pour que l'armée 
						allemande, qui avait fait figure d'invincible, en fût 
						réduite à décamper, fallait-il qu'Hitler en commît des 
						fautes ! Comme Napoléon, son frère en mégalomanie, il 
						n'en rata aucune. Maintenant Olaf sentait la terre de 
						France lui brûler sous les pieds, il n'aspirait qu'à 
						filer dare-dare vers son pays natal et il pestait contre 
						sa femme qui s'obstinait à tenir boutique : jamais les 
						livres ne s'étaient mieux vendus, le chiffre d'affaire 
						quotidien atteignait des sommes fabuleuses.   Cela doit donner à rêver : en 
						ces derniers jours de l'Occupation, les Montois vivaient 
						de lecture. La raison conseillait à la libraire et de 
						déguerpir et de remplir sa caisse. Quand je reviendrai 
						la voir, peu de jours avant la Libération, le magasin 
						sera fermé. Je passe dans la cour, sonne ou frappe à une 
						porte de service, un individu rébarbatif se présente : 
						le ménage et leurs enfants sont partis, me dit-il, très 
						froid, la librairie a changé de propriétaire. 
						J'apprendrai qu'Olaf et les siens ont réussi à quitter 
						la France au dernier quart d'heure, après avoir vendu 
						leur fonds. La femme d'Olaf deviendra à Copenhague, la " chère et géniale libraire " 
						chez qui Céline se ravitaillait en bouquins.
 (La loi des vainqueurs, La Table ronde, 1986, BC n°325).
                  * Georges STEINER  
                   
						: (critique littéraire, 
						linguiste, écrivain, philosophe 
						franco-américano-britannique, 1929-2020) : " Il n'y a 
						rien à faire. La grande littérature est souvent de 
						droite. Et je   
						 continue 
						de préférer Céline à Aragon. " (Le Monde, 24 septembre 1998).
  * " (...) 
						S'il existe un enfer, je crois que dans l'enfer où doit 
						se trouver aujourd'hui Céline, il y a pour lui un tout 
						petit moment d'air conditionné. L'espèce de courage de 
						son mal était transcendant et lui permettait tout. Vous 
						connaissez cette page, tirée de D'un château l'autre 
						où, à Sigmaringen, Pétain traverse le pont devant toute 
						sa cour et, étant très sourd, n'entend pas l'approche 
						d'un avion anglais qui va mitrailler.   Tout le monde essaie de se 
						cacher, mais personne n'ose vraiment, parce que lui, 
						Pétain, maréchal de France, marche très raide : c'est, 
						je le regrette, une page shakespearienne. "(Entretien au Monde de l'éducation, déc. 1999).
                  
      
            			
						 
						 
						 
                  
						
						*  
						
						STENDHAL
						(né Marie-Henri BEYLE, écrivain de 
					la première moitié du XIXe siècle 1783-1842) :
						 
                   
                        
            			" Après tout, 
						 
      					
      					STENDHAL, 
					c'est pas grand-chose, pour dire la vérité... On l'a monté 
					maintenant en épingle jusqu'à la gauche... Vous savez, le 
					type qui lit, comme 
      					 
      					
      					STENDHAL, 
					un chapitre du code civil avant de se mettre à écrire, eh 
					bien, c'est pas la peine... Y transpose pas du tout, vous 
					comprenez... Je crois qu'il ne transpose pas... Ah ! non, 
					mon vieux, il est au niveau du bon journalisme,
						n'est-ce-pas, pas beaucoup plus...    
						 Non, je ne vois 
						pas du tout ce qu'il y a là... Il y a là-dedans des 
						pisse-froid qui, évidemment, se retrouvent dans  
      					
      					 STENDHAL, 
						pourquoi pas ?... Mais c'est bien méticuleux, 
						n'est-ce-pas, ça... C'est pas loin de Mérimée, mon 
						vieux, tout ça... " (Interview 
						de Jean Guenot et Jacques Darribehaude, 6 fév. 1960).
                * Daniel
						STILINOVIC 
                         
						
                        
                        (écrivain, substitut de procureur) : "
                        
                        Il est l'un des auteurs qui m'a le plus profondément 
						marqué. Et Proust aussi : pour moi, ce sont les deux 
						plus grands écrivains français. Et c'est curieux parce 
						que humainement, ils sont l'un et l'autre 
						infréquentables ; Céline était égocentrique, 
						caractériel, et je ne parle pas de  son antisémitisme de pacotille, qui je crois est 
						beaucoup plus littéraire que réel mais n'empêche : 
						écrire toutes les conneries qu'il a écrites sur les 
						juifs pendant la guerre il fallait vraiment être 
						irresponsable ! Quant à Proust, cette petite chochotte 
						qui se faisait enfiler par ses copines, cet enfant 
						gâté... il ne devait pas être très fréquentable non 
						plus. Moi, j'essaie de rester fréquentable... c'est se 
						donner beaucoup d'importance que de chercher à jouer les 
						divas !   (...) La 
						guerre de 14, dans 
						Voyage au bout de la nuit, ne tient qu'en 
						quelques pages mais je crois qu'après avoir lu ce roman, 
						on ne peut pas penser à cette guerre sans avoir à 
						l'esprit Bardamu et Robinson... Mais parfaitement ! Ce 
						que Céline a écrit sur la guerre de 14 compte parmi les 
						plus belles pages romanesques consacrées à cette période 
						! (...) J'essaye d'écrire comme on parle. En sachant 
						bien que l'écrit, ce n'est jamais de l'imitation : pour 
						donner l'illusion du langage parlé il faut fournir un 
						putain de travail d'écriture, et ça relève vraiment de 
						la littérature ! Si vous transcrivez simplement l'oral, 
						à l'arrivée vous avez un truc plat, minable. Par 
						exemple, il n'y a pas plus travaillé que la langue de 
						Céline, alors qu'on a l'impression que c'est de la 
						langue parlée. Mais
      chaque mot, chaque virgule sont pesés ; c'est un travailleur acharné. 
						Moi c'est pareil... " 
						(On sera rentrés pour les vendanges,
      Ed. P.G. de Roux, 2012,
      Extrait, Le Petit Célinien, 22 déc. 2012).
              * Régis TETTAMANZI
						(maître de conférences en littérature française du XXe 
						siècle) : " Le malentendu n'est sans doute nulle part 
						aussi permanent, sur ce point, qu'en ce qui concerne les 
						titres des deux premiers pamphlets. Pour la plupart des 
						lecteurs de l'époque, comme pour ceux d'aujourd'hui, 
						Bagatelles pour un  massacre 
						est un appel au pogrom, à tuer les juifs ; quant aux 
						cadavres de L'Ecole, ils ne peuvent être que ceux 
						des juifs. Or, une lecture, même cursive, de ces textes, 
						montre à l'évidence qu'il ne s'agit pas de cela : le 
						massacre en question est celui des Français dans la 
						guerre à venir ; conflit en vue duquel ces mêmes 
						Français, futurs cadavres, sont endoctrinés, formatés, 
						éduqués - bien entendu par les juifs, les francs-maçons, 
						les politiciens, etc.   Et de 
						fait, la lecture à contresens de ces titres ne doit pas 
						être interprétée de la même façon à l'époque et 
						aujourd'hui. En 1937-38, on répond à Céline sur le mode 
						pamphlétaire, en le prenant au pied de la lettre, avec 
						les déformations qu'autorise, précisément, une parole 
						polémique " à chaud ". De nos jours, il s'agit de tout 
						autre chose, en l'occurrence d'une lecture rétroactive 
						de ces titres, puisque nous savons, nous, qu'il y a bien 
						eu massacre des juifs entre 1940 et 1945. Mais ce savoir 
						ne doit pas conduire à une interprétation faussée des 
						titres dont nous parlons ici, et dont la visée est bel 
						et bien pacifiste, à ce moment précis. "(Esthétique de l'outrance, Idéologie et stylistique dans les 
						pamphlets de L.F. Céline, vol.1, Du Lérot éd.)
                  
						* André THERIVE 
						(écrivain, romancier, journaliste 1891-1967): " Le livre 
						de M. Louis-Ferdinand Céline couvre également six 
						cents pages ; tant de grossièretés et d'obscénités le 
						déparent qu'on ne peut en parler qu'avec précaution. 
						Imaginez une espèce d'autobiographie frénétique et 
						truculente, qui tour à tour évoque M. Blaise Cendrars, 
						M. Aragon ou Laurent Tailhade. Le talent de l'auteur est 
						incontestable ; son imitation de la langue parlée brille 
						par un naturel et une fécondité rares. Les premiers 
						chapitres, quoique d'une violence si continue que les 
						effets s'y perdent, ont de la tenue.   Le ton dégénère ensuite, et la 
						littérature envahit peu à peu le style. Le héros, 
						d'abord à la guerre, puis étudiant puis colonial, enfin 
						médecin de banlieue, semble voir l'existence à travers 
						d'étranges lunettes. Il est doué pour la satire. Mais il 
						trouve moyen d'être bien fastidieux à force de verve, et 
						bien gris à force de couleur... " (Le Temps, 24 nov.1932, 70 critiques de Voyage... Imec Ed.1993).
                * Albert THIBAUDET
						(critique littéraire très apprécié 
						de l'entre-deux-guerres, 1874-1936) : " Maître, / Je ne 
						lis jamais d'articles parce que tout aimables ou  cinglants qu'ils puissent être ils ne traitent pour 
						ainsi dire jamais du livre en lui-même 
						mais de cent petits potins qui font plaisir, soulagent, 
						signalent, situent, dégagent, affirment leur auteur et 
						celui-ci seulement. Tous ces censeurs ont une peur 
						bavarde de se risquer à la critique de la chose en soi. 
						Il est tellement plus facile de garder ses distances...   Il en va tout autrement avec 
						votre article de La Dépêche de Toulouse. Il ne me 
						semble pas que vous alliez encore au fond des choses 
						mais déjà vous me faites le grand honneur de vous 
						intéresser à autre chose qu'à ma valeur morale, à la 
						couleur de mon patriotisme et à l'insuffisance de mes 
						sentiments filiaux. Une écœurante niaiserie, une 
						mièvrerie prétentieuse et passionnée tient lieu de toute 
						recherche. / Depuis Balzac, les critiques ne semblent 
						plus rien vouloir apprendre sur l'Homme. L'échelle est 
						tirée. L'énorme école freudienne est passée inaperçue. 
						Toute la haine raciale n'est qu'un truc à élections. Le 
						tourment esthétique n'est même pas murmurable. C'est une 
						délivrance, Monsieur, de vous avoir trouvé sur un chemin 
						que les esprits semblent déserter avec frénésie, celui 
						de la pensée libre. / Bien reconnaissant / L.-F. Céline. 
						" (Fin janvier-début février 1933, Lettres Pléiade 2010).
                 
						* Gustave THIBON 
						(philosophe occidental, époque Moderne, 
						1903-2001) : " L'écrivain que je considère comme le plus 
						grand prosateur du siècle, c'est Céline. Avec 
						quelques réserves évidemment, en particulier sur ses 
						dernières œuvres, où il semble s'être un peu imité 
						lui-même. Mais le Voyage, Mort à crédit, et cet 
						étonnant
						pamphlet écrit à son retour d'U.R.S.S., Mea culpa, 
						comptent nombre de pages prodigieuses. Là aussi, la 
						psychologie - quoique le mot soit impropre, et qu'il y 
						ait chez Céline davantage de vision que d'analyse - 
						confine sans cesse à la métaphysique.   C'est ce qui éclate d'un bout à 
						l'autre du
						Voyage au bout de la nuit, qui est un pur chef 
						-d'œuvre. Simone Weil en avait inscrit une phrase en 
						tête d'un de ses cahiers : " La vérité, c'est une agonie 
						qui n'en finit pas. la vérité est du côté de la mort. Il 
						faut choisir, mourir ou mentir... Je n'ai jamais pu me 
						tuer, moi... " Encore une fois, et quelles que soient 
						ses outrances, ses extravagances, Céline me paraît être 
						définitivement le grand prosateur français du siècle. " (Philippe Barthelet, La Place Royale, 1994).
              * Henri THOMAS
						(écrivain, romancier, traducteur 
						1912-1993): Et cramponné à l'existence, avec cela, 
						incapable de s'en aller avec le minimum de discrétion. 
						Il revient à Paris, il écrit, on le publie encore ! Il 
						écrit
						D'un château l'autre. Quel livre embarrassant 
						pour nos grands Progressistes ! Où irions-nous, s'il 
						fallait  reconnaître 
						que, par ce livre, Céline donne à notre littérature la 
						grande œuvre qui aurait dû, si le sens de l'Histoire et 
						l'esprit de création avaient, comme il se doit, partie 
						liée dans les lettres, surgir du bon côté, d'où nous 
						sont venus les Notre-Dame des Fleurs et le 
						Bloc -Notes
						? Encore, si 
						D'un château l'autre était l'œuvre d'un suppôt 
						des plus meurtrières erreurs en tant qu'il est cet 
						homme-là, ce serait assez simple, il y aurait même là 
						quelque chose comme une recette connue : la conscience 
						dans le mal comme ressort du talent, mettant celui-ci à 
						la portée de tous les délinquants.    
						Il se peut bien que Céline ait regretté comme un chacun 
						ce qu'il trouvait de raté dans sa vie, qu'il ait souvent 
						même été aveuglé de colère et de souffrance, qu'il 
						vouait à des ennemis imaginaires. Mais ce sont là des 
						considérations que la lecture D'un château l'autre 
						balaie. Ce qui surgit, c'est le témoin, pris dans sa 
						vision, laquelle est trop grande, trop pleine, trop 
						active, pour ne pas apporter à la fois joie et 
						supplice à qui la crée. Plus de Bardamu, plus de " héros 
						" distinct de Céline et dans quelque mesure l'abritant. 
						Le génie de Céline brise la barrière qui sépare la 
						fiction de la réalité, le personnel de l'impersonnel. Il 
						en résulte qu'il n'a jamais été aussi présent que dans 
						cette œuvre impitoyablement objective. " (A propos D'un château l'autre, Cahier de L'Herne, 
						Poche, Biblio, Essais, 1963-1965-1972).
               
						* Michel TOURNIER 
						: (membre de l'Académie Goncourt). " Il faut savoir 
						distinguer entre les livres que l'on aime et les chefs- 
						d'œuvres indiscutables... que l'on peut ne pas aimer. Le 
						malheur veut que les deux romanciers français que je 
						reconnais comme les plus importants du XXe siècle ne 
						sont pas du tout ma tasse de thé, je veux dire Marcel 
						Proust et Louis-Ferdinand Céline. C'est qu'il y a deux 
						sortes d'œuvres, les œuvres de dérision et les œuvres de 
						célébration. Les premières grimacent et ricanent, et ça 
						peut donner d'immenses réussites comme les Mémoires de 
						Saint-Simon.   Les secondes 
						chantent la beauté, la grandeur, le fantastique, et ça 
						donne Racine, Victor Hugo ou Paul Valéry. Or c'est cela 
						que j'aime et que je cherche à faire. Quant à Proust et 
						Céline, leurs romans sont géniaux bien sûr, mais ce ne 
						sont que des théâtres de fantôches tous plus grotesques 
						et répugnants les uns que les autres. " (Le Journal du dimanche, 30 juillet 1995).
               
						* René TRINTZIUS
						(écrivain, guérisseur, romancier, auteur 
						dramatique 1898-1953) : " Quand on a des choses si 
						importantes à révéler, " la langue de Voltaire " ne 
						suffit plus. Le Dr Céline cherche la langue du Dr Céline 
						ou plutôt non, il ne la cherche pas. Du fond du peuple 
						un torrent boueux monte à son secours. Tous les mots 
						plus vrais que la vie laissés pour compte par les 
						stylistes - qui n'ont jamais su ce qu'était le style - 
						et qu'on avait respectueusement enterrés, toutes les 
						tournures où le peuple a jeté sa joie ou son agonie, le 
						tout mêlé de grammaire et de correction et de lettres 
						quand il le faut, car en définitive, pourquoi ces 
						grandes dames ne rendraient-elles pas quelques humbles 
						services ?   Je me demande quel châtiment 
						attend le Dr Céline pour avoir accompli tous ces crimes. 
						Il n'est pas de Joachim du Bellay pour le mener voir le 
						pape Clément VII. On ne lui accordera aucune absolution. 
						La démocratie bourgeoise a supprimé les libertés 
						d'exception dont jouissaient la pensée et les actes de 
						la pensée. A moins que quelque prébende n'essaie de le 
						faire taire, mais le Voyage au bout de la nuit
                        est un livre qui ne se taira plus. (L'homme malade de civilisation, les critiques de 
						notre temps et Céline, Garnier, 1976)
              * 
      					Elsa TRIOLET, 
						de son vrai nom Elsa Kagan (écrivaine, compagne de Louis 
						Aragon, 1896-1970) : " Madame, / Je me permets de vous 
						écrire parce que je ne reçois  aucune 
						réponse, de nulle part, à une question que j'ai posée à 
						Paris et à Moscou : ce qu'a pu devenir votre traduction 
						en russe du Voyage au bout de la nuit. Je ne 
						voudrais pas vous importuner, mais vous excuserez 
						peut-être cette petite curiosité d'auteur, enfoui sous 
						tellement d'évènements et trente années, ou presque, de 
						silence. / Veuillez croire Madame à mes sentiments très 
						respectueux. / L.-F. Céline. " (Lettres à Elsa Triolet, 29 sept. 1960, La Pléiade 2010).
 * 
      					" Daredare je saute sur une 
						feuille... une lettre à Mme
						TRIOLET
						!... bien courtoisement j'ose... je lui demande si des 
						fois depuis 34 elle n'a pas entendu parler de sa 
						traduction ? et j'attends... quinze jours... deux 
						mois... un an... rien !... Mme Elsa boude... "
 (Rigodon, p. 840).
  * 
						" Le 26 mars 1933, Elsa TRIOLET 
						écrit à sa sœur Lili Brik au sujet de sa traduction en 
						cours de Voyage au bout de la nuit : " Sur 630 
						pages, j'en ai traduit 175. C'est bien peu. Je traduis 
						en condensant au passage. Le roman est remarquable. " 
						Céline dira : " Ils m'expliquèrent qu'ils coupaient 
						beaucoup de passages et en arrangeaient beaucoup 
						d'autres, pour adapter l'ouvrage à la mentalité du 
						lecteur soviétique. Je ne pouvais exercer aucun 
						contrôle. "Elsa TRIOLET avouera tardivement : " On me 
						rédigeait mon texte, comme c'est l'habitude en Union 
						Soviétique. On coupait dedans sans consulter ni l'auteur 
						ni le traducteur. Cela rendait le travail détestable, 
						affolant, impossible. "
 (Nouvel Observateur, juin 1970, n° 293).
                  *
						Gonzague TRUC                 
      					
						(critique littéraire, essayiste, 
						biographe 1877-1977): Je ne me donne pas le ridicule de 
						vouloir découvrir en M. Céline un père de l'Eglise. Je 
						m'étonne cependant à voir jusqu'où il conduit et mes 
						délicatesses, mes refus, mes révoltes sont bien près de 
						se taire devant l'approbation, l'admiration, le respect 
						où il me force à consentir. (...) Il a fait entendre 
						contre l'effarante et abominable imbécilité où s'abîme 
						le monde le cri nécessaire et averti du suprême danger 
						qui menace toute civilisation. Il n'a pas craint pour 
						cela  de se dresser contre des forces qui ne 
						pardonnent point, et s'il a connu un succès de scandale, 
						il peut voir que c'est par le scandale aussi qu'on tente 
						d'organiser son insuccès. 
						 
 						Il faut donc saluer son courage. Il faut davantage et 
						savoir trouver en des livres forcenés la sagesse et la 
						beauté qui s'y cachent, et dans ce même délire, presque 
						sacré, des vues divinatoires où n'atteint pas le bon 
						sens ; il faut sentir à travers ces immondices fumants, 
						le souffle salubre des mers. Car à côté d'un Gide, par 
						exemple, si net, si clair, si lucide, si impurement pur, 
						un Céline, avec son tumulte, ses vociférations et ses 
						monstres, quel torrent de santé !...  (L'art et la passion de M. Ferdinand Céline, Les 
						critiques de notre temps et Céline, Garnier, 1976)
               
						  *
      					Tristan TZARA (de son 
						vrai nom Samuel Rosenstock dit  Tristan TZARA, 
						écrivain, poète et fondateur du mouvement surréaliste 
						Dada, 1896-1963) : " Quand j'ai lu le Voyage au bout 
						de la nuit, j'ai été fasciné par ce personnage qui 
						inventait un langage. Je l'ai rencontré chez Denoël : 
						c'était un homme déchaîné. " (Anonyme, Que dites-vous de Céline ? Tristan Tzara, 
						Le Nouveau Candide, 6-13 juillet 1961).
               
            			 
            			 
						*
      					John UPDIKE
      					 
						(romancier, poète, essayiste américain, 1932-2009): " 
						Longtemps avant Vol au dessus d'un nid de coucou, 
						il a vu dans les malades mentaux une sorte de société 
						supérieure. Avant Wiliam Burroughs, il a pressenti 
						derrière l'équipement électronique de l'époque moderne 
						un ennemi. (...) Avant Kerouac et les Beatniks, il a 
						perçu qu'un bon monologue suffisamment étendu suffit à 
						faire un roman.  (...) 
						Un narrateur à la première personne est un survivant, ou 
						bien il ne serait pas là à écrire. Ce petit fait 
						technique change le sens de la mort que Céline évoque 
						ostensiblement et nuance de frivolité le genre du roman 
						autobiographique dont il est le saint patron. " (New Yorker, 13 septembre 1976, dans Spécial Céline 
						n°8, E. Mazet).
             
						  * VACHER de 
						LAPOUGE 
						(le comte 
						Georges
						
						
						
						VACHER de LAPOUGE, 
						anthropologue, magistrat, théoricien de l'eugénisme 
						1854-1936) : " Question biographie si j'étais obligé de 
						m'y mettre je choisirais VACHER de LAPOUGE ce me 
						serait l'occasion de me renseigner moi-même et d'un ! 
						mystérieux homme ! pourtant il semble procureur général 
						à Poitiers vers 1880... bien en évidence donc ! ses 
						livres sont à la Bibliothèque Nationale mais lui-même ne 
						figure dans aucun dictionnaire ! " (A Roger Nimier, 9 mai 1959, Lettres Pléiade,2009).
              *
      					Roger VAILLANT
      					(écrivain, essayiste, grand 
						reporter et scénariste, 1907-1965) : " Les succès 
						littéraires d'un
						VAILLANT, en cette époque de médiocrité, 
						d'intrigues  et de bluff doivent nous laisser indifférents. Ils ne 
						peuvent servir tout au plus qu'à marquer dans le temps 
						notre décadence littéraire. Vous restez un des derniers 
						" grands " écrivains et l'un des derniers 
						individualistes en même temps qu'un homme propre et 
						courageux auquel je suis heureux de rendre hommage. " (Lettre envoyée par Chamfleury Robert à Céline 
						reproduite dans Le Petit Crapouillot de juin 1958).
 * Roger VAILLANT, dans 
						Drôle de jeu, avait inventé , romancé des faits de " 
						résistance " qui se seraient déroulés dans l'appartement 
						de Chamfleury... qu'un seul étage séparait de celui de 
						Céline au 5 de la rue Girardon. " Tout le reste est à 
						l'avenant : imagination, délire, bouffonnades, sous 
						l'aspect de vraisemblance qu'il croit donner par le luxe 
						et la précision des détails. Le fond de cette histoire 
						fanfaronne est tout simple : Céline a du talent, 
						VAILLANT en est jalousement ulcéré jusqu'à rêver 
						d'estourbir ce prestigieux rival, autant que " traître 
						dangereux " . N'ayant point lui-même le triste courage 
						de l'assassiner, il lui reste celui de l'accuser d'avoir 
						dénoncé les résistants du 5 de la rue Girardon... " (Robert Chamfleury, L'Herne, p.55, 1968).
                    * Sandra VANBREMEERSCH 
                        
                        
						(Auteur de La Dame couchée. Au 
						Moulin de la Galette à Paris 18e, elle reçoit le Prix 
						d'une vie, décerné par Le Parisien Week-end,
						 qui 
						récompense des livres retraçant de grands destins. 
						C'était émouvant de voir cette femme de 49 ans rendre 
						hommage à Lucette Destouches, ancienne danseuse, épouse 
						de l'écrivain Louis-Ferdinand Céline. Pendant dix-neuf 
						ans, l'autrice a monté la route des Gardes à Meudon, 
						dans les Hauts-de-Seine, où le couple s'était installé 
						après son exil au Danemark. Elle a accompagné la veuve 
						comme assistante de vie jusqu'à son dernier souffle, le 
						8 novembre 2019, à l'âge de 107 ans.   De cette expérience, elle a 
						fait un premier roman très puissant. Elle raconte la 
						cour de gens qui se pressent auprès de la veuve pour 
						toucher au mythe Céline, sa maison imprégnée d'odeurs, 
						les sépultures des animaux tant aimés du couple et 
						l'intimité de cette femme vieillissante.(Gwénaëlle Loaëc, Le Parisien, 19 novembre 2021).
         *
      					
						Pol VANDROMME
      					
						(critique, journaliste, écrivain, 
						essayiste, biographe, 1927-2009) : Interrogé 
						inévitablement lors d'un interview par son 
						interlocutrice qui lui  demandait s'il s'était intéressé à ces écrivains 
						(Brasillach, Rebatet et Drieu La Rochelle), par affinité 
						ou pour leur rendre la juste place qu'on leur refusait 
						au nom de leur comportement durant la guerre Pol 
						VANDROMME fut sans ambages : " Parce qu'ils étaient 
						des écrivains de grand talent, et même de génie dans le 
						cas de Céline. S'ils n'avaient été que des 
						collaborateurs, ils ne m'auraient intéressé d'aucune 
						manière. C'est leur talent qui suscitait ma curiosité, à 
						une époque où la critique littéraire assujettie à 
						l'esprit de vindicte, organisait, aux dépens de la 
						littérature, la conspiration du silence.    Le confort 
						intellectuel du temps me paraissait indigne d'un esprit 
						libre. Céline est un écrivain majeur du XXe siècle et Les 
						deux étendards de Rebatet, un des plus superbes 
						romans de ce temps. Point à la ligne. Ce que Céline et 
						Rebatet ont pu faire ne relève pas du regard d'un 
						critique littéraire mais de celui d'un censeur 
						civique... " (Francine Ghysen Le Carnet et les Instants n°150 février-mars 2008).
               
						  *
						Jean VAUTRIN
						(de son vrai nom Jean Herman, 
						écrivain, réalisateur de cinéma, scénariste et 
						dialoguiste) : " J'ai voulu sortir de la petitesse de la 
						littérature actuelle, la langue est devenue trop 
						policée. Céline disait que le grand oublié de la langue 
						française était Rabelais. J'ai trouvé qu'il était 
						important de réintroduire la tradition orale pour 
						pallier le manque d'aventurisme. " (La République du Centre, 26 
						septembre 1989).
               
						  * 
						Dominique VENNER
						(historien, écrivain, 
						directeur de revue, 1935-2013) : " Cinq plumes noires 
						dont celle de Céline, - l'idéaliste blessé - rongé par 
						une lucidité effroyable, celle-là même qui lui fera 
						pousser ces hurlements de rage que sont les pamphlets.  Il faudra bien un jour les rééditer 
						et les lire pour ce qu'ils sont réellement : une révolte 
						totale contre la disparition biologique des Français, un 
						refus du déclin et l'appel lancé aux forces vitales : " 
						Je veux des chants et des danses... Je me sauve de 
						raison... Qu'ai-je à faire d'intelligence, de pertinence 
						? de dessein ? n'en ai point ! " (Histoire de la Collaboration, Pygmalion, Paris 2000).
              * Paul VIALAR
						(1898-1996, écrivain et 
						romancier, prix Fémina en 1939) :  " Ce qui 
						m'intéresse par dessus tout, c'est  d'écrire, 
						de dire ce que j'ai à dire, avec passion ; je ne 
						pourrais pas le faire autrement. J'ai mis des années à 
						rédiger Voyage au bout de la nuit. Il me faudra 
						peut-être cinq ans pour écrire le livre que j'ai 
						commencé. Je veux qu'il soit comme une cathédrale 
						gothique. On y verra des bons et des méchants, des 
						assassins et des maçons, pêle-mêle tout
						
                        d'abord, et puis tout s'ordonnera, 
						si j'en ai la force, comme dans une cathédrale. Il faut 
						longtemps pour penser un livre et pour l'écrire. Tenez, 
						Voyage au bout de la nuit a d'abord été une pièce de 
						théâtre. Ça s'appelait L'Eglise. Jouvet et Dullin 
						l'ont eu entre les mains. Ça ne devait pas être jouable.  Le roman ? Eh bien, voilà, il y a eu 
						cinquante mille pages, dans lesquelles j'ai rogné et 
						taillé ; il a été dactylographié douze fois. Mon style ? 
						Lorsque je l'abaisse à la familiarité et à la 
						grossièreté, c'est parce que je le veux ainsi. " (Les Annales politiques et littéraires n°2421, 9 
						décembre 1932).
              * 
						Alexandre VIALATTE
						(romancier, chroniqueur, 
						traducteur de Kafka, 1901-1971): " Céline est un monstre 
						sacré. Il a bâti 
						des cathédrales de vomissure qui se mirent dans des lacs 
						de purin. Il n'en reste pas moins que ce sont des 
						cathédrales dans l'hallucination par un personnage 
						titanesque, oraculaire, et prophétique, clownesque et 
						même parfois féerique. (...) Je crois qu'il avait écrit 
						des choses antisémites. Mais contre qui n'avait-il pas 
						écrit ? Tonitrué ? Craché ? Vomi ? A  commencer par les 
						Français.  (...) Il avait prédit le cataclysme. 
						Oraculaire et prophétique. C'était Cassandre : c'est 
						pourquoi il a tant d'ennemis. (...) Un incendiaire, inventeur d'une 
						musique, un " éclopé au cœur 
						déçu ", une " clameur de vitalité " qui sort d'une
						œuvre où se bousculent tous 
						les démons du désespoir. "
 (Dernière chronique pour La Montagne, dans Spécial Céline n°8, E. 
						Mazet).
 * Quoi de plus décourageant, 
						objectivement, que Céline ? Quoi de plus amer que sa 
						vision des hommes ? Quoi de plus malodorant que ses 
						châteaux de bouse de vache qui se reflètent dans un flot 
						de purin ? Mais ils sont si monumentaux, il a fallu pour 
						les bâtir tant d'enthousiasme, de verve, de génie 
						créateur, qu'il emporte l'admiration, le rire, le 
						déchaînement lyrique.D'autant plus qu'une telle amertume ne peut être le fait que d'une égale 
						déception, et pour être tellement déçu il faut s'être 
						fait des hommes une idée bien grandiose. Il faut les 
						avoir trop aimés.
 (Considérations sur la tombe de Marie-Aimée Méraville, La Montagne, 24 
						sept. 1963, dans Facebook, Littérature et Poésie).
                 * 
						Boris VIAN 
						(écrivain, poète, chanteur et 
						trompettiste de jazz, 1920-1959) : " Boris VIAN 
						lisait volontiers Céline et à haute voix, plusieurs 
						l'attestent dont le 
						 témoignage 
						est irrécusable, et qu'il était un lecteur enthousiaste 
						de Céline dès 1940. Il proclamait souvent : " C'est 
						comme ça qu'on doit écrire ". Et cependant Boris VIAN 
						n'a pas écrit " comme ça ". Il va jusqu'à se défendre de 
						subir l'influence de Céline, mais il ne nie pas, ou du 
						moins il s'avoue à lui-même dans cette note intime du 11 
						novembre 1951, que les méthodes céliniennes d'écriture 
						l'aident ; qu'elles sont - si l'on veut - sous-jacentes 
						à son expression propre.                * Jean VIGNAUX
						(né Albessart, écrivain, critique, 
						1924-2011): " Pour une certaine gauche, Céline demeure 
						le " salaud " dont il faudrait brûler les livres. Par 
						soucis de salubrité publique. " 
						Sans qu'il y ait contradiction avec le désir de liberté 
						auquel  j'aspire 
						dans ma profession, déclarait récemment l'éditeur Eric 
						Losfeld, je voudrais qu'on refuse la survie aux salauds 
						du type Céline, admis à l'immortalité littéraire, en 
						vertu d'une
						œuvre paraît-il géniale. " 
						(...) Ramassant ses arguments n'importe où, utilisant 
						n'importe comment des statistiques douteuses, 
						ressuscitant les arguments qui avaient traîné dans les 
						pires feuilles racistes au moment de l'affaire Dreyfus, 
						Céline s'enfonça avec délectation dans la polémique la 
						plus venimeuse. (...) " Aucune différence, je le 
						déclare, entre la paix juive et la paix allemande... Et 
						je préfère la paix allemande n'importe quand. 
						L'occupation Blum, en fin de compte, plus hypocrite, 
						plus larvaire, est plus dégradante, certainement que 
						l'aurait été pour nous l'occupation Falkeinhayn. "  Oui, il fut un antisémite virulent. 
						Comme il fut antimarxiste, antiroyaliste, anti-armée, 
						anti-Gide, anti-Duhamel, anti-Mallarmé, anti-Bergson, 
						anti-Colette, impitoyable. Je sais que ses pamphlets ont 
						alimenté le racisme des futurs petits gauleiters locaux. 
						Je sais que son talent a servi de caution à tous les 
						plumitifs de la collaboration. Mais il reste le prodigieux spectacle d'un homme seul, le 
						dernier individualiste peut-être de notre temps, 
						anachronique, hargneux, toujours misanthrope parce qu'il 
						craignait de trop aimer, aigri, malade et vivant sa 
						pensée, ne vivant que pour elle, par elle. Un homme qui 
						ne se trahit pas, c'est rare. "
 (Pourquoi pas, 6 mars 1969, Spécial Céline n°8, E. Mazet).
                * VILLON 
						: - Céline : " Il est capable... C'est 
						notre Shakespeare,  s'pas... (...) Ce qu'est dégoûtant, c'est les gens qui 
						s'attachent à VILLON
      					Alors, n'est-ce pas, ils languissent dans les 
						périodes... Oh ! y sont dégueulasses, alors... Y vous 
						dégoûteraient de VILLON
                        pour toujours, les récitateurs de VILLON n'est-ce 
						pas... Oh ! lala... C'est une catastrophe... / - (Nous 
						lui demandons s'il tient VILLON pour un poète au 
						rythme vif.)   
						- Céline : " Ben, y a mieux que ça 
						... Y a de la trouvaille, chez lui. Y a de la trouvaille 
						profonde, un mystère, comme le mystère Chopin, n'est-ce 
						pas... Mais alors, lui, pas du tout dans le genre 
						Chopin... Y a un mystère... Y a un côté mystérieux, 
						enfin... Y ramène tout d'un coup, n'est-ce pas, des 
						mélancolies qui viennent de loin... Qui sont bien 
						au-dessus, au fond, de la nature humaine, qui n'a pas 
						cette qualité-là, n'est-ce pas... Et, il les fait venir 
						en surface... C'est un... un médium, d'une certaine 
						façon... Il est médium... (Très animé.) Oh ! mais, 
						gardez-moi des récitateurs, alors... Oh ! nom de Dieu, 
						n'est-ce pas... (Singeant.) Oh ! vi, c'est bô, alors... 
						(Normal, c'est-à-dire furieux et résigné.) Ça 
						devient une réflexion... On attend les choses à venir, 
						et pis c'est tout, quoi... Les admirateurs ne sont pas 
						discrets, vous savez... C'est ça qu'est embêtant... Y 
						sont emmerdants... Y sont pas discrets... Y sont 
						grossiers... Alors... Alors... Y sont faisandés... Y 
						sont pourris, n'est-ce pas... " Il est aussi compromettant de le dire : 
						si on aime Céline, on aime tout Céline. "(Interview du 6 février 1960, Jean Guenot et Jacques 
						Darribehaude).
               
						  * Louise de 
						VILMORIN
						(écrivain, amie de Saint-Exupéry 
						et de Malraux) : " (...) C'est
						Louise de VILMORIN  
						 qui dit en 1969 à François Truffaut : " 
						Céline c'est grand, c'est courageux, c'est audacieux, 
						c'est compromettant. " (Stéphane Denis, Le Figaro Magazine, 23 oct.2004).
                *
						
						
						Frédéric VITOUX
						
						(écrivain, biographe et académicien en 2001) : " ... 
						Louis arrivait seul à l'étranger avec un traitement 
						mensuel de 1000 francs suisses pour débuter et un titre 
						ronflant de " médecin de la Section d'hygiène Classe B 
						". Il se retrouve face à la S.D.N. face au Pouvoir, face 
						à la Vie Internationale, face à toutes les majuscules 
						possibles. Son ambition peu contestable, sa volonté, ses 
						espoirs, son goût de l'inconnu allaient sans nul doute y 
						trouver leur compte.  Mieux, Ludwik Rajchman, son patron, 
						ne lui avait-il promis pour bientôt des missions à 
						l'étranger, vers l'Amérique, ce vieux rêve lointain ? 
						Oui, la Suisse était belle en cet été 24 (...)
                         
      					... où il faut imaginer un médecin 
						français de trente et un ans, saccadé, bruyant, acharné 
						à lire de nouveaux livres, à poursuivre de nouvelles et 
						inutiles conquêtes féminines, à brocarder les 
						fonctionnaires trop abstraits de la trop gigantesque 
						Société des Nations et, qui voulait laisser sa marque, 
						creuser un profond et douloureux sillage sur l'époque 
						qu'il avait encore à traverser. "  *
						L'anecdote est inédite. Je la 
						dois à l'un des participants de ce déjeuner, qui par la 
						suite fit une brillante carrière dans l'édition 
						française. Autour de Drieu la Rochelle et de sa compagne 
						du moment étaient réunis ce jour-là à table, en décembre 
						1943, sous l'Occupation, quelques amis et relations, 
						dont Céline (qui s'était laissé pousser alors une petite 
						barbiche, en raison d'une blessure au menton qui 
						l'empêchait de se raser) et Otto Abetz, l' " ambassadeur 
						" de l'Allemagne hitlérienne à Paris (impeccablement 
						vêtu d'un costume de tweed et d'une cravate club). De 
						tout le repas, Céline n'ouvrit pas la bouche. Voyeur et 
						auditeur bougon, dans son coin. Comme d'habitude. Au 
						dessert cependant, pointant son doigt sur Abetz et sa 
						belle tenue, il dit avec un drôle de sourire : " Ah ! Ah 
						! Abetz ! Prudent ! Prévoyant ! British, british ! " Un 
						ange passa sur l'assemblée. Sans s'émouvoir, Céline 
						reprit, se désignant cette fois et caressant sa 
						provisoire barbichette : " Mais moi, Abetz, plus 
						prévoyant encore ! Moujik, moujik ! " (Le Nouvel Observateur, 21-27 mai 1994, BC n°142, juillet 1994)
              * VOLTAIRE
						(François-Marie Arouet, écrivain et 
						philosophe, 1694-1778) : " Ce qui les rapproche 
						intimement, ce ne sont pas tant leurs épreuves  communes : VOLTAIRE embastillé, Céline 
						emprisonné, tous les deux exilés, que la manière dont 
						ils les ont surmontées. - " on ne peut guère lire 
						l'histoire sans concevoir de l'horreur pour le genre 
						humain. " - C'est l'historien VOLTAIRE qui parle 
						; mais les hommes de son époque - il en témoigne assez - 
						sont tout aussi abominables.   
						 Et le chroniqueur Céline, aux prises avec ses 
						contemporains, pourra dire la même chose. N'empêche que, 
						pessimistes en général, ils restent optimistes en 
						particulier. Il y aura toujours un individu, sinon pour 
						sauver le monde, du moins pour s'en sortir. Et c'est 
						Candide, ou l'Ingénu, ou Bardamu, ou Ferdinand... " 
 (Marc Hanrez, L'Infini, printemps 1989).
                * Kenneth WHITE
      					
						(poète et penseur Ecossais): " Si je me 
						sens des affinités avec Céline, seraient-elles,  comme 
						le diraient certains, " celtiques " ? Il serait possible 
						de dresser une petite liste de traits de caractère et de 
						tendances qui pourraient se ranger dans cette catégorie. 
						D'abord, une volonté, ou plutôt non, rien d'aussi 
						conscient qu'une volonté, plutôt un instinct qui le 
						porte à ne pas s'intégrer, à rester en dehors.   Ensuite, c'est un mouvement 
						rapide à travers l'espace, celui des Celto-Scythes sur 
						les steppes de l'Asie centrale, et qui se traduit chez 
						Céline par des déambulations obsessives à Paris, le 
						voyage au Cameroun, la traversée de l'Amérique. Et puis 
						il y a le style, le langage, la musique. A travers toute 
						la littérature celtique, on trouve cette recherche, 
						cette écoute d'une musique lointaine. Elle est présente 
						dans la plus ancienne littérature gaélique, elle est là 
						dans la prose de Stevenson. " (Les affinités extrêmes, Albin Michel, 2009).
               
						  * Michel WINOCK 
      					
                  
      					
						
                        (historien): " Le massacre auquel le 
						livre de Céline, Bagatelles pour un massacre 
						faisait allusion était celui des Français livrés par les 
						juifs aux horreurs d'un nouveau 14-18. Les liens du 
						pacifisme et de l'antisémitisme ne cessèrent d'être 
						évidents dans les écrits non romanesques de Céline.    Ses bagatelles, 
						dira-t-il, étaient un acte de paix, un barrage au niveau 
						carnage, et, en ce sens, il restait fidèle au héros du 
						Voyage, Bardamu. Seuls les juifs, persécutés par 
						Hitler, pouvaient vouloir la guerre : Une guerre pour la 
						joie des Juifs ! " (La France et les juifs de 1789 à nos jours, Le Seuil, 2004, dans BC 
						n°265).
                 *
      					Nelly WOLF
						(Maître de conférences à l'Université de Lille III) : " 
						Le style imprime au texte la marque de l'auteur et la 
						trace d'une subjectivité profonde. Il entretient par 
						ailleurs avec la pensée, ou les pensées du roman une 
						relation intime, dont l'analyse littéraire se charge de préciser le degré 
						(rapports du fond et de la forme, du style et du 
						contenu...) En effet, pour procéder à la littérature, 
						l'écrit doit aussi, deuxième point, se prévaloir d'une 
						vision du monde. Le Voyage au bout de la nuit 
						engage ses idées, ses pensées, son interprétation des 
						choses et de la vie dans ses passages déclaratifs, " 
						dissertatifs ", universalisants dont l'existence a été 
						mentionnée ici.    " La 
						vérité de ce monde, c'est la mort. Il faut choisir, 
						mourir ou mentir. " " L'âme c'est la vanité et le 
						plaisir du corps tant qu'il est bien portant. " " Quand 
						on n'a pas d'argent à offrir aux pauvres, il vaut mieux 
						se taire. " " C'est pas la peine de se débattre, 
						attendre ça suffit, puisque tout doit finir par y passer 
						dans la rue. Elle seule compte au fond " : par ces 
						interventions, le roman prend un sens, donne un sens à 
						cette réalité, à ce monde, à cette vie qu'en d'autres 
						énoncés il avait tout simplement, tout bêtement décrits. 
						" (Le peuple dans le roman français de Zola à Céline, PUF, 1990, p.253).
                 
						* Paul YONNET
      					(sociologue, essayiste, 1948-2011): " Céline a 
						annoncé l'avènement de l'individu souffrant et le règne 
						du faux. Il
						se serait sans doute repu du règne de la publicité, où 
						toutes les photos sont retouchées. Ou de ces techniques 
						chirurgicales destinées à tromper sur son âge et que 
						l'on a le culot de baptiser " esthétiques ".  
						   Très cultivé, 
						il aurait sans doute aussi été frappé par la crise d'une 
						culture du livre dans laquelle il était encore immergé. 
						Mais, si Céline reste d'actualité, c'est que la question 
						centrale de son œuvre, " Comment vient, comment 
						reviendra la guerre ? ", est une question d'actualité. " (La Nouvelle Revue d'Histoire n° 45, nov-déc. 2009).
                 *
 
      					 
						
						Stéphane
      					ZAGDANSKI (romancier et essayiste) : " Je considère que Céline est 
						un écrivain phosphorescent. Mais de lui on n'a retenu 
						que ses pamphlets antisémites. Pourtant autour, ce qu'il 
						dit est original. Mais son antisémitisme a complètement 
						occulté le reste de sa pensée que personne ne veut plus 
						savoir. Il porte un regard d'une acuité unique sur 
						l'évolution de la France de son époque.   
						
						A mes yeux il est 
						celui qui l'a fait de la manière la plus éblouissante. 
						Sa poétique est celle du délire. Mais antisémite il a 
						sombré dans le délire antisémite. Parce qu'il vivait une 
						époque de délire collectif. " 
						(Le Maine libre, 13 
						octobre 1997).
               
      
						 *
      					Nicole
      					ZAND
      					(critique littéraire au Monde): " Pour moi, les 
						pires antisémites ne sont pas ceux qui, comme Céline, 
						crachent leur haine du juif... Je n'ai pas plus de 
						dégoût en lisant Céline qu'en lisant Guyotat par 
						exemple. Je n'arrive pas, en fait, à savoir vraiment si 
						Céline était le pire des antisémites. J'estime que 
						Céline est un des plus grands et des plus importants 
						écrivains du XXe siècle.   
						Son action n'a pas été antisémite et c'est un texte 
						tellement excessif, au XXe siècle, qu'il en devient une 
						curiosité, un peu comme les lectures érotiques. Qui 
						irait penser que Miller, dans Sexus, écrit une 
						autobiographie ? "(Information juive, février 1987, Spécial Céline 
						n°8, E. Mazet).
     
                       |